Sis­ters of Mercy

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Le Silo se penche ici sur un film de Robert Altman, réalisé au début des années 1970. "McCabe and Mrs Miller" est un western crépusculaire, qui s'inscrit dans la mouvance du Nouvel Hollywood. L'une des ambitions de cette dernière: rétablir les vérités historiques jusqu'alors supplantées par la conquête de l'Ouest

Date de publication
10-12-2014
Revision
25-10-2015

En 1902, John McCabe (Warren Beatty) décide d’ouvrir un saloon-bordel dans une petite bourgade minière du Nord-Ouest américain. En attendant que le bâtiment soit construit, les filles sont installées à l’intérieur des tentes, dans la boue et la poussière du chantier. McCabe ne songe pas encore à construire une maison close en bonne et due forme. C’est Constance Miller (Julie Christie), une prostituée ambitieuse, qui lui fait prendre conscience des avantages financiers qu’il pourrait tirer de l’ouverture d’un établissement haut de gamme. Grâce à l’expérience de Mme Miller, l’ancien tueur se reconvertit en homme d’affaires acharné. Son business prend progressivement de l’ampleur et finit par attirer l’attention de la puissante compagnie minière locale qui souhaite le racheter. John McCabe de Robert Altman (McCabe and Mrs Miller, 1971) est un film mélancolique dans la veine crépusculaire des westerns des années 1960-1970. 
Le développement de la tendance crépusculaire du cinéma américain est contemporain des images de l’assassinat de J. F. Kennedy et de la guerre du Vietnam. L’Amérique est confrontée à ses propres échecs. Elle questionne ses valeurs et ses mythes fondateurs. La glorification de la nouvelle frontière et la conquête de l’Ouest ne sont plus à l’ordre du jour. Le Nouvel Hollywood, mouvance au sein de laquelle s’inscrivent ces westerns d’un nouveau genre, témoigne au contraire de la volonté de rétablir les vérités historiques. Ses personnages, s’ils étaient autrefois glorieux et invincibles, sont désormais de parfaits antihéros. En mettant en scène la lutte entre un entrepreneur indépendant et les patrons des industries du début du 20e siècle, Robert Altman attaque l’Amérique des grands monopoles des années 1970.
Le réalisateur filme en longs plans mobiles. Il multiplie les zooms, sur les visages de ses protagonistes notamment. Nul panoramique pour faire vibrer l’immensité des paysages, mais des intérieurs en rouge et jaune traités en clair-obscur qui s’opposent aux rares extérieurs où dominent les bruns et les blancs. Le tout est filmé avec langueur. A mi-chemin entre intérieur et extérieur, la carcasse de la future maison close accueille les filles dans un décor qui ressemble plus à une scène de théâtre amateur qu’aux grandes scénographies de l’épopée de l’Ouest. Bercé par les ballades de Leonard Cohen, éclairé par Vilmos Zsigmond – chef opérateur de Délivrance, de Voyage au bout de l’enfer et de Blow Out –, le film baigne dans une atmosphère onirique pleine de gravité tragique – où la mort s’impose en définitive aussi cruellement que l’absence de crainte qu’elle inspire aux protagonistes.

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