SIA: Swiss-US Energy In­no­va­tion Days 2015 : Grands dé­fis, grandes op­por­tu­ni­tés

Transfert de savoirs et échanges économiques entre la Suisse et les Etats-Unis en matière de politique énergétique : les allocutions de l’ambassadrice américaine Suzan LeVine et de la conseillère fédérale Doris Leuthard lors des Swiss-US Innovations Days soulignent l’importance accordée à la manifestation.

Date de publication
01-10-2015
Revision
05-11-2015

A la suite de l’édition inaugurale des Swiss-US Energy Innovation Days en 2014 à Boston, l’Office fédéral de l’énergie OFEN, la SIA et la Haute école zurichoise des sciences appliquées ZHAW ont reconduit l’expérience du 19 au 21 août au Toni-Areal de Zurich, en proposant une plate-forme favorisant l’échange supranational de connaissances et d’expériences en matière d’énergie dans le bâtiment. Au total, 400 représentantes et représentants d’institutions et d’entreprises de renom suisses et américaines ont répondu à l’invitation. Lors des deux premières journées du congrès, 130 personnes ont participé aux ateliers sur différentes thématiques: Société & économie, Technologies énergétiques, Mobilité, ainsi que Architecture & territoire. L’après-midi, un programme d’excursions leur était proposé pour découvrir des projets modèles exemplifiant aussi bien le bâtiment au cœur de divers systèmes que le bâtiment comme système en soi. Ils ont notamment pu voir le prototype your+ de la Haute école de Lucerne (HSLU), le Suurstoffi Areal à Rotkreuz ou le projet pilote de démonstration NEST de l’Empa à Dübendorf.
Ce programme était complété par des visites d’entreprises actives dans l’innovation énergétique telles que Siemens à Zoug et IBM à Rüschlikon, ainsi que des soirées animées par les services de promotion économique des cantons de Zoug et Zurich.

Perméabilité entre apprentissage et études


Au cours des excursions, les hôtes américains n’ont pas seulement été impressionnés par les avancées techniques, à l’image du nouveau modèle d’essais NODES développé par la Haute école de Lucerne pour l’interconnexion de réseaux, mais encore par des conditions cadres décisives telles que le système suisse de formation duale, caractérisé par la perméabilité entre filières d’apprentissage et d’études, ainsi que l’interdisciplinarité et les collaborations concrètes entre chercheurs et praticiens. Une visite du Suurstoffi Areal – qui se distingue par son réseau anergie, son stockage énergétique saisonnier pour le chauffage et la climatisation, ainsi que son monitoring d’exploitation pour quelque 160 000 mètres carrés de plancher – a permis de démontrer comment des résultats de recherche sur le développement durable de sites, obtenus par la Haute école de Lucerne, se traduisent directement en applications pratiques.
Les Swiss-US Energy Innovation Days 2015 ont également réservé des surprises aux hôtes suisses. Ainsi le « AIA Commitment 2030 », en vertu duquel le American Institute of Architects (AIA) oblige depuis quelques années ses membres à réduire les rejets de CO2, a marqué Arno Schlüter, professeur EPFZ et animateur de l’atelier Architecture & territoire : en signant ce document, les membres de l’AIA s’engagent à ce que tous leurs projets soient décarbonés d’ici 2030. Un système de référenciation et d’étalonnage des projets réalisés doit motiver d’autres membres à emboîter le pas à leurs collègues. Lorsqu’on sait toutefois qu’aux Etats-Unis, seul un faible pourcentage des bâtiments est réalisé par des architectes, ces efforts n’ont pour l’heure que peu d’effets sur le parc immobilier dans son ensemble. C’est pourquoi l’AIA cherche également à développer le dialogue avec les investisseurs et les maîtres d’ouvrage, en leur proposant des exemples de stratégies et des mesures aboutissant à des concepts neutres en CO2. Dans son résumé de l’atelier, Schlüter a mis en évidence cette démarche modèle – clin d’œil appuyé à la SIA comme co-organisatrice de la manifestation. 

Quel succès pour le «Clean Power Plan»?


Dans son exposé fortement étayé par des graphiques et des données chiffrées lors de la conférence de clôture, l’ambassadrice Suzan LeVine s’est donné beaucoup de mal pour présenter sous leur meilleur jour les efforts entrepris par les Etats-Unis dans le cadre du «CleanPower Plan» élaboré par l’administration Obama. Comme l’a expliqué Madame LeVine, l’objectif d’ici 2020 est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 17 % par rapport à leur niveau de 2005. Dans son intervention subséquente, la conseillère fédérale Doris Leuthard a comme il se doit salué l’objectif déclaré du «Clean Power Plan», mais en posant la question du but qu’il s’agit effectivement d’atteindre. Avec une réduction de 17% des émissions de CO2, on envoie encore beaucoup d’effluents dans l’atmosphère. Comme signal politique venant des Etats-Unis, le plan est certes bienvenu, ne serait-ce qu’en prévision de la prochaine conférence sur le climat à Paris. Il n’en reste pas moins que les USA demeurent – et de loin – le plus gros émetteur de CO2, non seulement en valeur absolue, mais aussi per capita. Doris Leuthard n’a laissé planer aucun doute sur l’urgence des défis à relever, en déclarant que nous devons absolument être au clair sur ce qui nous attend si nous continuons à vivre comme aujourd’hui et y rendre les autres attentifs. D’où son appel aux scientifiques et aux responsables économiques: «Involve the Public – ralliez autant que possible l’opinion publique, explicitez les enjeux!»
Au sein des ateliers, on est parvenu aux mêmes conclusions: une des résolutions finales rapportées par les animateurs retient que le débat entre experts convaincus n’apporte pas grand-chose tant que les connaissances et la prise de conscience n’atteignent pas les politiques, l’économie et la société, là où les aiguillages pour la mise en œuvre du changement sont finalement posés. Il est donc crucial d’informer et d’offrir des formations spécifiques pour rallier des acteurs responsables en matière d’énergie. 

Rendements améliorés grâce à des installations techniques allégées


Le président de l’EPFZ, Lino Guzzella, a souligné dans son exposé les rapports entre tournant énergétique, écologie et économie: «Si vous voulez modifier quelque chose, il faut encore que ça en vaille la peine.» Dès lors qu’elle en voit l’intérêt, l’économie est facilement acquise à l’innovation, à l’exemple du projet «3for2» mené par l’EPFZ à Singapour, où le climat tropical fait que la climatisation engloutit jusqu’à 70% de l’énergie consommée par les bâtiments administratifs. Or dans un prototype d’immeuble de bureaux nouvellement développé, des techniques de pointe ont permis une substantielle diminution des installations de refroidissement. On a ainsi pu se passer des faux plafonds nécessaires aux canaux de ventilation et gagner un étage supplémentaire pour chaque paire d’étages – d’où l’appellation «3for2». «C’est le plus grand charme de ce projet – il réduit les rejets de CO2 tout en apportant une plus-value au maître d’ouvrage!» s’est réjoui Guzzella. De même, les mesures d’optimisation de l’exploitation permettent un suivi synonyme de fortes économies en CO2, en énergie et donc en argent, comme l’a expliqué le directeur de l’Empa, Peter Richner, en résumant les résultats de l’atelier «Energy Technologies – Buildings and Districts». Dans ce domaine et dans d’autres, où les partenaires américains manquent encore d’expérience pratique, Richner voit des possibilités de coopération.

La maîtrise des applications à la rencontre de la recherche de pointe 


Comme l’ont montré les échanges supranationaux, les Etats-Unis sont encore à l’orée du chemin emprunté par la Suisse depuis trois décennies et la collaboration américano-suisse n’en est aussi qu’aux prémices. Les deux côtés offrent de grands potentiels: les prouesses de la recherche américaine et des institutions telles que le Massachusetts Clean Energy Center, qui réunit depuis 2009 des entreprises et des activités «vertes», alliées à la force d’innovation et au savoir-faire pratique du secteur de l’énergie suisse promettent des synergies intéressantes. Les participants ont unanimement convenu que ces 2es Swiss-US Energy Innovation Days ont balisé l’avancée vers des développements communs. Un succès qu’il s’agira de poursuivre par une nouvelle rencontre en 2016 aux Etats-Unis, conformément au tournus. Quatre régions des Etats-Unis sont déjà sur les rangs pour organiser la troisième édition de la manifestation – le concours pour l’accueil des prochains Swiss-US Energy Innovation Days est donc ouvert.

Myriam Barsuglia, dipl. sc. nat. env. EPFZ SIA / MAS urbanisme durable, responsable de SIA-International et cheffe de projet des Swiss-US Energy Innovation Days 2015 ; myriam.barsuglia [at] sia.ch
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