SIA: Écho à la charte « Ho­no­raires équi­tables »

Fin février 2015, la SIA a fait parvenir à ses membres la charte « Honoraires équitables pour des prestations qualifiées ». Les nombreuses réactions recueillies ont dépassé les attentes des initiateurs et des mesures de suivi semblent aujourd’hui justifiées.

Date de publication
02-09-2015
Revision
05-11-2015

La SIA avait lancé la campagne avec un objectif précis : sensibiliser les professionnels de la branche à la nécessité d’obtenir une rémunération convenable des prestations d’étude. Restait à voir quelles réactions déclencherait l’action entreprise par la Société – entre le scénario « aucun retour » et l’entame d’un débat circonstancié, tous les cas de figure étaient imaginables.

A posteriori, la décision de ne pas se contenter de diffuser la charte (comme l’ont fait les associations partenaires), mais de prier également les membres de la renvoyer signée s’est révélée judicieuse. Ce choix a non seulement permis de mesurer l’écho réjouissant rencontré par l’initiative, mais aussi de prendre connaissance de nombreuses réactions écrites qu’elle a suscitées : à la mi-juin, la SIA comptabilisait le renvoi de 2596 chartes paraphées, dont 2112 émanant de membres individuels et 375 de bureaux d’étude. (La différence avec le grand total est due aux signatures reçues du comité de la SIA, d’étudiants et de non-membres.) Sur un effectif de quelque 16 000 membres et compte tenu du court laps de temps écoulé depuis le début de la campagne, ce résultat est remarquable. Un premier pas décisif a ainsi été fait: les membres de la SIA se mobilisent pour des honoraires équitables, soit pour la reconnaissance de la valeur des prestations qu’ils fournissent à la collectivité. 

Les réactions poussent la SIA à envisager des mesures complémentaires


Que va maintenant faire la SIA des signatures récoltées ? Les noms des signataires ne seront pas publiés. Et comme cela a déjà été précisé dans l’article de Mike Siering (TRACÉS 05-06/2015), la SIA ne se projette pas dans un rôle de gendarme sur les questions d’honoraires. Par le biais d’un logo (comme signature numérique), de cartes postales et d’un poster, elle propose en revanche à ses membres d’afficher ouvertement leur soutien aux principes de la charte. L’idée maîtresse étant avant tout d’en appeler à la responsabilité individuelle, à la collégialité et à l’honneur professionnel des concepteurs. 

Attestée par la signature de la charte, l’adhésion explicite à l’exigence d’honoraires équitables ne constitue donc qu’un mouvement initial. Cette vision étant partagée par beaucoup de signataires, les efforts doivent dès lors être poursuivis aussi bien de leur côté qu’au niveau de la Société. Le nombre de réactions avant tout positives enregistrées par le bureau va dans ce sens. Outre les expériences en matière de dumping salarial, des problématiques ont aussi été abordées, sur lesquelles un besoin d’action est indispensable.

Valorisation accrue des prestations d’étude


Nous recevons beaucoup de courriers qui demandent davantage de solidarité dans la lutte contre le bradage des honoraires. Même en cas de recul des commandes, une attitude collégiale demande de faire des offres correctes, soit soutenables. Un architecte lucernois qui a fait la cruelle expérience d’une perte d’affaire ne croit toutefois pas à la seule vertu de la solidarité entre collègues : la culture du bâti doit en premier lieu être portée « par les maîtres d’ouvrage et la collectivité ». Nombre de professionnels insistent par contre sur le devoir incombant au mandant d’établir des appels d’offres réalistes et de concevoir l’articulation des prestations de manière à pouvoir garantir la meilleure qualité possible lors de la réalisation. 

Pour que les concepteurs puissent réclamer les honoraires qui leur sont effectivement dus, il faut également que le mandant ait conscience de la valeur des prestations intellectuelles que ceux-ci fournissent. Sur ce point, les attentes vont à une valorisation concrète de leur image auprès du mandant, comme du grand public en général, en exposant clairement la plus-value obtenue grâce à un travail de projet et un budget-temps soigneusement établis. 

Et les maîtres d’ouvrage ?


Beaucoup de réactions critiques à la charte concernent la passation des marchés publics, soit le mandant « pouvoirs publics ». Comme l’écrit un ingénieur civil de la région bernoise, il est irritant de constater qu’un maître d’ouvrage public se retranche derrière « l’ordonnance régissant les soumissions et l’offre réputée économiquement la plus avantageuse, sans vouloir admettre que le prix a aussi à voir avec la prestation. » Des critères de performance mous, tels que la connaissance du contexte entre autres, sont ainsi régulièrement sous-pondérés lors de l’évaluation des offres. Un débat plus poussé sur le rôle des entreprises générales et totales dans l’ensemble du processus d’attribution des honoraires est aussi préconisé. Le mot d’ordre se résume en l’occurrence à la nécessité de responsabiliser davantage les maîtres d’ouvrage.

La SIA a également enregistré des réactions positives de la part de maîtres d’ouvrage – aussi bien publics que privés. De ce point de vue, on peut par exemple se réjouir du courrier d’un ingénieur passé du côté de la maîtrise d’ouvrage, qui se soucie maintenant d’assurer la qualité des prestations en veillant à l’établissement de conditions-cadres correctes pour soutenir des mandataires parfois jeunes et inexpérimentés. 

Des revendications qui vont de pair avec l’exigence de procédures d’attribution conformes. « Je suis convaincu que l’engagement en faveur de concours d’architecture de qualité et d’une rémunération appropriée des prestations d’étude est notre affaire en tant qu’architectes, affirme un architecte bâlois, mais dans la mesure où cet objectif est approuvé, nous espérons aussi être pleinement soutenus dans nos efforts par les associations professionnelles. » La SIA est consciente de cette responsabilité et y répond déjà. Durant l’année dernière, elle a ainsi finalisé une stratégie pour la passation des marchés. La création d’un conseil d’experts et l’embauche d’un responsable « Passation des marchés » au sein du bureau sont des mesures initiales qui seront suivies par d’autres actions. Ce n’est qu’avec la réflexion collective et la collaboration de la communauté des concepteurs que des changements en profondeur pourront être mis en œuvre.

Abstentions délibérées 


Nous avons aussi reçu des réponses de membres, certes concernés par la nécessité d’honoraires équitables, mais qui se sont consciemment prononcés contre la signature de la charte. Emanant de sections situées à la périphérie – avant tout Genève et le Tessin – des réactions très critiques sont en effet parvenues à la SIA, en partie motivées par la revendication d’une défense nettement plus affirmée de la profession. Une loi sur les architectes est notamment vue comme seul moyen de protéger efficacement la branche et la qualité des prestations et d’exiger les honoraires qui s’y rapportent. 

Autre argument avancé par les sceptiques: dans leur région ou leur segment de marché, les principes de la charte ne seraient pas applicables sans pertes de commandes – l’affirmation étant le plus souvent reprise par de petits bureaux et des bureaux actifs dans les régions frontalières. 

Ces multiples retours démontrent que la charte a provoqué un débat devenu indispensable. Pour le comité de la SIA, ils représentent de précieux témoignages qui reflètent directement les besoins et la situation économique actuelle des ingénieurs et des architectes, avec des indications quant à d’autres mesures pouvant être envisagées face à cette problématique complexe. Lors de son séminaire d’été, le comité de la SIA analysera donc les réponses compilées et discutera de la suite qu’il convient de leur donner ; les membres seront informés du résultat des débats.

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