Re­tours d’ex­pé­rience à par­tir d’Exemples réa­li­sés par l’OFROU

L’étude pilote menée par l’OFROU a permis de tirer plusieurs enseignements concernant les possibilités d’intervenir sur les ouvrages de soutènement pour garantir leur pérennité

Date de publication
03-11-2015
Revision
17-11-2015

Suite aux investigations/vérifications et à la prio­risation décrites dans les articles précédents, une phase d’études1 a été menée sur les ouvrages à risque ou dont l’état était manifestement mauvais. Ces études ont débouché sur diverses solutions d’intervention. Dans le cas des ouvrages de soutènement des tronçons A9 – Vennes-Villeneuve et A5 – La Neuveville – Bienne, ces solutions sont essentiellement de deux types.

Pour les ouvrages ancrés, elles consistent en un renforcement de la force d’ancrage nécessaire tiré de l’analyse de risque ou des investigations – éventuellement complétée par des vérifications statiques – et à la mise en œuvre d’un système de surveillance. Le renforcement consiste à mettre en place des tirants actifs permanents et à construire de nouvelles structures (parement, longrine, plaques) pour assurer les diffusions des nouveaux efforts. Le système de surveillance est basé sur les tirants de mesure et de contrôle ainsi que sur des instruments géotechniques (inclinomètres, extensomètres, piézomètres). Une durée de vie résiduelle de l’ordre de soixante ans est admise avec la possibilité de compléter la mesure éventuellement dans environ vingt-cinq ans (méthode observationnelle).

Pour les murs de soutènement en L, elles consistent à renforcer le parement existant selon diverses variantes dont les principales sont les suivantes:

  • transformation du mur en L en mur poids, par construction d’un massif à l’arrière du parement, avec ou sans liaison en tête de mur,
  • construction d’un nouveau parement en béton armé, devant le parement existant, ancré activement,
  • construction d’un nouveau mur semelle devant le mur existant.

Pour ces mesures, une durée de vie de 100 ans, identique à celle d’un ouvrage neuf, a été admise lorsque l’ouvrage renforcé n’utilise statiquement aucun élément de l’ouvrage existant. Cette durée de vie est réduite à soixante ans si des éléments du mur existant sont intégrés dans le futur système statique.

D’autres variantes, conçues comme des mesures transitoires, ont été élaborées lorsque des interventions UPlaNS étaient planifiées à moyen terme. Il s’agit essentiellement de clouages du parement existant, pour des ouvrages de standard minimal ou normal. 

Chaque variante développée a été évaluée afin d’en dégager la plus économique en termes coûts-efficacité selon des critères d’évaluation prédéfinis : 

  • critères d’exploitation: gabarit routier, système de drainage et d’évacuation des eaux (durable et entretenable), système de retenue,
  • critères constructifs: statique et résistance, robustesse et durabilité, effet de la liaison entre ancien et nouveau béton, données géotechniques,
  • critères de chantier: influence sur le trafic, sécurité, durée des travaux, accès,
  • critères fonciers: emprises provisoires ou définitives sur les tiers,
  • coûts d’investissement et d’entretien,
  • autres critères liés à des contraintes cadres comme l’esthétique, l’économie dans l’utilisation de matières premières, les zones de protection, les inventaires patrimoniaux et l’interaction avec les autres domaines OFROU.

Aucune convention d’utilisation n’existant pour ces ouvrages, une telle convention a été établie sur une base unique pour chaque ouvrage, afin d’assurer l’uniformité des exigences. Les chapitres principaux sont les suivants:

  • objectifs généraux pour l’utilisation,
  • exigences relatives à l’environnement et exigences de tiers,
  • besoins spécifiques à l’exploitation et à l’entretien,
  • prescriptions particulières du maître de l’ouvrage,
  • risque spéciaux et degrés de protection,
  • prescriptions réglées par les normes.

Principaux enseignements


La remise en état des ouvrages de soutènement a permis de tirer un certain nombre d’enseignements concernant le béton, les tirants d’ancrage et les drainages.

Conception et béton
D’une part, les nouvelles constructions en béton armé sont en contact avec des éléments de béton existants, principalement les parements. Composés de panneaux, les parements existants sont donc discontinus (joints de dilatation) et leur béton constitutif possède parfois un potentiel de développement de réactions alcali-granulats (RAG).

D’autre part, afin de garantir une meilleure durabilité et une certaine hyperstaticité du système, les nouvelles constructions ont été conçues de manière monolithique (sans joints de dilatation). Elles ne requièrent pas des performances particulières en termes de résistance, mais sont en revanche fortement exposées aux sels de déverglaçage et aux cycles de gel/dégel, ce qui a un impact sur le choix des recettes de béton, la définition des armatures minimales (exigences élevées) et le traitement de l’interface entre l’ancien et le nouveau béton.

Recettes et RAG
De manière générale, étant donné le niveau de sollicitation auquel un mur est soumis, un béton de classe de résistance à la compression C25/30 ou C30/37 est suffisant. Le choix d’une classe de résistance plutôt faible permet de limiter l’armature minimale de fissuration. Malheureusement, la résistance au gel et au sel XF4 exigée pour ces bétons en raison de leur exposition implique un fort dosage en ciment, ce qui induit deux effets : des résistances effectives beaucoup plus élevées que la classe de béton souhaitée (surrésistance pouvant aller jusqu’à 4 classes, selon les essais de compression réalisés) et une augmentation du retrait du béton. Ces deux effets conduisent à augmenter d’autant l’armature minimale de fissuration, ce qui crée des surcoûts et une consommation de matière première non souhaitée.

C’est pourquoi, tout en conservant des bétons à propriétés spécifiées, des recettes privilégiant une diminution du dosage en ciment, l’utilisation de CEM II/A-L et de cendres volantes, le maintien d’un E/C proche de 0,45 et l’utilisation d’entraîneur d’air ont été élaborées en collaboration avec les fournisseurs. Ces interventions ont permis de limiter les surrésistances à 2 classes et donc de diminuer l’armature minimale de fissuration.

Les bétons existants des parements de murs de l’A9 ont été répartis en cinq classes en fonction de leur composition, des dégâts constatés et de leur potentiel de développement de la RAG. L’évolution des propriétés mécaniques du béton après développement de la RAG (diminution des valeurs de résistance et du module d’élasticité, gonflement résiduel) a été estimée, sans que l’on puisse extrapoler de manière satisfaisante ces résultats de laboratoire aux structures. Une liaison structurelle entre l’ancien et le nouveau béton doit si possible être évitée, afin de permettre le retrait sans entrave du nouveau matériau et de ne pas transmettre les expansions résiduelles de l’ancien béton vers le nouveau. De manière pragmatique, cette séparation a été effectuée à l’aide de lé bitume polymère (LBP) pour les variantes sans ancrages actifs ; pour ces dernières, une attention particulière a été portée à la définition de l’armature minimale et des détails autour des niches d’ancrages.

Tirants d’ancrages actifs
Des détails types d’exécution des têtes d’ancrages, des niches y compris de leur cachetage, ainsi que de la protection des drainages existants ont été développés lors des études sur les murs de l’A9 pour garantir la durabilité de ces derniers. Les exigences sur le contrôle des coulis (rapport E/C, fluidité, variation de volume, ressuage et résistance à la compression) ont été précisées selon les documents normatifs en vigueur.

Pour chaque ouvrage ancré, des tirants d’essais ont été réalisés afin de valider les capacités portantes et les méthodes d’exécution des scellements, notamment dans les molasses. Dans certains cas, le recours à l’étanchement préalable de la zone de scellement a été nécessaire.

Pour faciliter la surveillance, les cellules de mesure et les dispositifs de contrôle de l’isolation électrique des tirants de mesures ont été câblés vers des coffrets en acier inox facilement accessibles.

Drainages
Face à la difficulté d’évaluer correctement l’état des drainages existants, un nouveau système de drainage basé sur des forages drainants a été mis en place. Pour guider les eaux vers les collecteurs et non sur la bande d’arrêt d’urgence (risque de gel) et permettre son entretien, ces systèmes de forages drainants sont reliés à des pipes de rinçage verticales placées dans le nouveau béton. 

Vérification statique des murs existants


La vérification générale ou détaillée des ouvrages selon les directives de l’OFROU 12002 sur la surveillance et entretien des ouvrages d’art des routes a pour but d’évaluer l’état du mur étudié. La vérification intègre les résultats des investigations et des vérifications statiques (ou calculs de vérification). Pour la vérification statique, des méthodologies ont été mises en place afin d’assurer l’uniformité des hypothèses de vérification entre les différents mandataires chargés des vérifications.

Murs ancrés
En l’absence de documents de justification du projet (note de calcul, base de projet, etc.), il est important d’identifier l’état-limite déterminant pour une situation de projet correspondant à l’état initial du mur. En effet, si l’ouvrage est destiné à stabiliser une pente (état-limite de type 3 ou stabilité générale), une vérification au séisme est nécessaire. Pour un ouvrage possédant moins de 30 tirants et se comportant de manière satisfaisante, la détermination de la force d’ancrage nécessaire et sa comparaison avec la force existante n’est pas exigée.

Murs non ancrés
Les poussées des terres sont définies de manière différente selon que l’on vérifie la stabilité d’ensemble de l’ouvrage (basculement, renversement, poinçonnement) ou la résistance interne (béton armé). Conformément à la norme SIA 261 Actions sur les structures porteuses, la poussée active est retenue dans le premier cas, alors que dans le deuxième, c’est une poussée majorée (moyenne entre la poussée active et la poussée au repos) qui est prise en compte. 

Murs en maçonnerie
Comme l’évaluation de l’état peut se faire sur la base des inspections visuelles et d’une analyse empirique, les vérifications statiques sont limitées aux cas où les classes d’état sont mauvaises et lorsque les dégâts constatés sont structuraux (dimensions insuffisantes). Etant donné la variabilité spatiale des paramètres structuraux (épaisseur, poids volumique), une approche probabiliste est possible si les coefficients de variation sont connus. Cette approche peut conduire à une vérification satisfaite alors que cette même vérification ne le serait pas de manière déterministe.

Des tâches nouvelles


Les interventions d’assainissement ou de renforcement sur les murs de soutènement existants font partie des nouvelles tâches de l’ingénieur civil. C’est pourquoi, diverses méthodologies et détails types ont été développés dans le cadre de ces projets. 

Toutes les solutions d’interventions exécutées dans le cadre de ces travaux sont le fruit de méthodes uniformes et cohérentes de vérifications et d’établissement de variantes.

 

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