Re­por­ting from the Bien­nale

Editorial du 12/2016

Date de publication
08-06-2016
Revision
09-06-2016

C’est l’heure des inaugurations dans les Giardini, une foule d’officiels cravatés et de hipsters se presse autour des tablées dressées sur la pelouse piétinée. Notre petit monde de l’architecture, exclusif et bien mis, s’égare à l’intérieur du pavillon autrichien, une coupette de champagne à la main. Dans la première salle de «Places for the people», des piles de posters posées à même le sol attendent que l’on se serve. Photos de réfugiés fraîchement installés à Vienne dans les trois sites temporaires d’accueil réaménagés avec le budget du pavillon autrichien par les équipes d’architectes mandatés par les commissaires. De petits élastiques sont obligeamment mis à disposition pour rouler les affiches et les emporter plus facilement. Après un temps d’hésitation, c’est la curée, et chacun repart avec son réfugié sous le bras, format A0. 

Instantané d’une biennale de crise, placée sous le signe de l’austérité.

Le monde va mal, les mégapoles monstrueuses explosent en Inde, en Chine, en Afrique et en Amérique du Sud, tandis que les guerres font rage un peu partout et que la vieille Europe tergiverse sur l’accueil des réfugiés. Faillite des Etats, effets pervers du néo-libéralisme, le constat est sombre. Dans ce contexte apocalyptique, Aravena a choisi l’optimisme. «Reporting from the front» célèbre les pratiques collaboratives, les savoir-faire des habitants, l’économie de moyens, l’inventivité des processus informels, loin des utopies et des démonstrations spectaculaires. Sujette à interprétations diverses, la thématique se décline en différentes postures qui oscillent entre pragmatisme fonctionnaliste (le manifeste des allemands pour l’accueil des réfugiés), idéalisation nostalgique d’un retour aux sources et néo-ruralisme (construire en terre, en bambou, en bouses de vache…), fascination pour les phénomènes hyper-métropolitains et les villes éphémères, postures artistiques ou conceptuelles low (les belges et les anglais) ou high tech (les suisses),…

Dans un monde où 90 % des logements sont construits par les habitants eux-mêmes, l’architecte tente de se rassurer sur son rôle social et sa capacité à apporter des réponses à nos maux contemporains. Au secours des plus pauvres, il apprend des habitants ­(learning from fait partie des maîtres mots avec incremental et commons), travaille avec peu de moyens, s’inspire du passé pour trouver des solutions d’avenir. Posture plus humble du praticien engagé dans la réalité du monde contemporain, salutaire après des années de starchitecture et de blobs numérisés. Nouvelle doxa aussi, qui n’est qu’une face de la réalité. Car travailler pour les pauvres n’a jamais permis de gagner sa vie, et l’on sait que la plupart de ceux qui exposent ici leurs travaux sur les bidonvilles ou les villages africains construisent souvent ailleurs des objets architecturaux précieux et monnayent leurs prestations à prix d’or.

Gardons espoir cependant, la 15e biennale est aussi riche de propositions honnêtes et sans fards, à découvrir dans le prochain Tracés de juillet qui lui sera exclusivement consacré.

 

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