Re­dis­cu­ter la du­ra­bi­lité

Editorial paru dans Tracés n°21/2012

Nous avions pu entendre les bruissements de critiques du label Minergie. Mais face à la montée en puissance marketing de ce label, devenu garantie pour les autorités politiques – acteurs incontournables de la construction –, d’une «manière de bâtir» technologique, soutenable et avantageuse dans sa consommation d’énergie de chauffage, personne n’osait réellement sortir du bois.

Date de publication
30-10-2012
Revision
01-09-2015

Observateurs privilégiés du monde de la construction, nous avions pu entendre les bruissements, voir les prémisses de critiques du label Minergie. Mais face à la montée en puissance marketing de ce label, devenu garantie pour les autorités politiques – acteurs incontournables de la construction –, d’une «manière de bâtir» technologique, soutenable et avantageuse dans sa consommation d’énergie de chauffage, personne n’osait réellement sortir du bois. 
C’est justement dans un livre consacré à ce matériau que ces critiques trouvent un écho pertinent. Dans un chapitre intitulé Lowtech versus Hightech. Eine Minergie-Kritik, dont nous proposons une traduction dans ce numéro, les auteurs soulignent sans excès mais sans ambiguïté les limites d’un système qui, pour être devenu dogme, risque de créer plus de problèmes qu’il n’en résout. Tout d’abord, basé sur un «paradigme technique» particulier, celui d’une étanchéité absolue de l’enveloppe combiné avec une ventilation artificielle, ce label ignore superbement les autres moyens d’atteindre des performances environnementales de qualité, enterrant ainsi toute autre velléité d’innovation, qu’elle soit technologique ou méthodologique. Ensuite, empêtré dans sa posture technophile, il néglige la question des énergies grises nécessaires à la construction d’un bâtiment. Cette problématique est pourtant abordée par la profession. Les réalisations qui tentent d’en limiter la consommation, notamment par le réemploi, existent. Pour terminer, ce dispositif technologique fait fi d’une donnée anthropologique de base: celui du rapport affectif et sensuel de l’être humain à son habitat.
Ces critiques du label Minergie ne peuvent-elles pas être élargies à ce qu’est devenu l’idéologie du 21e siècle, le développement durable? Il ne s’agit pas de balayer d’une main hautaine l’urgence écologique dans laquelle nous nous trouvons, mais de «rediscuter» la durabilité. Et c’est ce que se proposent de faire la revue criticat et le collectif belge Rotor lors de la prochaine Triennale d’architecture d’Oslo en été 2013, dont ils ont été nommés commissaires. Par un retour aux sources de l’écologie politique, ils souhaitent questionner ce qu’ils appellent le «mariage forcé» de la croissance et de la durabilité et observer le «consensus anesthésiant» engendré par ce paradoxe. A l’instar de la future biennale, les positions critiques que nous relayons dans ce numéro de TRACÉS n’ont d’autre but que de «restaurer la contribution de l’architecture» à ce débat!

 

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