Quelles avan­cées sur le front des émis­sions de CO2?

Si la durabilité dans la construction a été un thème amplement débattu à Swissbau, qu’en est-il des solutions pour réduire les émissions de CO2: le salon réservait-il quelques moments d’épiphanie à cet égard?

Date de publication
05-02-2020
Ivo Vasella
Architecte EPFZ/SIA, co-chef du service Communication et porte-parole de la SIA

Le salon Swissbau 2020 s’est ouvert sur les intrépides cascades d’un groupe d’acrobates sur la façade de la « Tour d’horizon », située au centre de la Messeplatz. À l’intérieur de cet édifice en acier et béton de 14 mètres de haut, une exposition interrogeait nos manières de vivre, d’habiter, de travailler et de voyager – aujourd’hui et demain. L’occasion d’aborder de front les défis relatifs au CO2, à travers une approche ludique. 

Des approches contrastées face au problème du CO2

À quelques pas de cette tour se trouvait l’élégant petit « Wood Passage », qui arborait un message unique : cet assemblage de 13 m3 de bois – soit l’équivalent de ce qui repousse en une demi-seconde dans les forêts européennes – renferme 13 tonnes de CO2. Tandis que certains exposants prenaient visiblement la problématique du CO2 au sérieux, d’autres se contentaient de proposer une petite « couverture CO2 » pour ne pas heurter le public sensibilisé. D’autres encore ne semblaient absolument pas avoir pris conscience du défi – suivant peut-être la croyance opportuniste que le reste du monde assurera leurs propres besoins ou que le « battage autour du CO2 » finira bien par retomber.

Des connaissances et techniques acquises

La SIA se présentait à nouveau dans son lounge du Swissbau Focus, la plateforme de manifestations et de réseautage. Elle était partenaire de dix-sept événements qui ont attiré un nombre important de visiteurs.

Dans ce cadre, les rapports entre numérisation et durabilité ont suscité des débats contradictoires. Un intervenant a ainsi plaidé pour le retour de «l’architecture en verre» avec «des bâtiments compacts offrant une grosse capacité d’accumulation et de petites ouvertures». Un autre a insisté sur l’importance du recyclage et de la réduction des matériaux. Les intervenants ont néanmoins tous admis que les connaissances et les techniques nécessaires à une vie plus respectueuse du climat étaient depuis longtemps disponibles. Tandis que l’idée de sobriété –soit une limitation et un ralentissement volontaires, ainsi qu’un juste équilibre entre consommation, renoncement et décommercialisation– constitue un prérequis essentiel pour certains, d’autres voix ont affirmé qu’il n’est pas nécessaire de renoncer au confort, pour autant que l’on adopte la bonne approche. Toutefois, le fait que le problème ne pourra pas être résolu par les seuls concepteurs, même si le secteur de la construction est responsable d’un tiers des rejets mondiaux de gaz à effet de serre, a fait consensus.

Un passage à l’action freiné par les intérêts individuels

Comme le président de la SIA, Stefan Cadosch, l’a parfaitement résumé lors d’une des nombreuses tables rondes, tant que la taille du logement ou du véhicule individuel restera un marqueur de statut social, les gens continueront à viser toujours plus grand. Des propos d’ailleurs corroborés par le fait que pratiquement chaque économie en matière de rejets de CO2 est aujourd’hui anéantie par un surcroît de consommation. En d’autres termes, ce ne sera que lorsque les gens seront fiers de pratiquer la sobriété qu’il deviendra possible de diminuer sérieusement les émissions de CO2. Et c’est là que les concepteurs reprennent la main : des logements plus petits, mais basés sur des plans optimisés, de nouveaux modèles d’habitat et de travail, offrant par exemple une polyvalence d’usages sur les mêmes surfaces, deviendront des objets prisés. Aujourd’hui, de tels modèles conceptuels et styles de vie sont malheureusement encore trop rares.

Notons également que l’actuelle politique de taux d’intérêt négatif rend un bien mauvais service à la société. Pour placer leur argent, les investisseurs construisent des objets de piètre qualité, souvent au mauvais endroit, et sans analyse globale des besoins. De plus, des prix du logement et de l’immobilier en hausse constante excluent souvent un déménagement pourtant désiré. À l’issue de multiples échanges stimulants lors des rencontres du Swissbau Focus, il est frustrant de reconnaître que les problèmes sont connus, les solutions existent et sont prêtes à être appliquées, mais la volonté de sortir de sa prétendue zone de confort est encore trop peu répandue.

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