Poutres Vie­ren­deel en bois

La poutre Vierendeel, largement utilisée dans la construction métallique, est constituée de deux membrures continues reliées par des montants verticaux encastrés et formant un réseau à mailles carrées et est donc caractérisée par l’absence de diagonales. Les assemblages des montants sont rigides et l’ensemble forme un système hyperstatique. Son utilisation dans la construction bois ne semble donc a priori pas avantageuse. Une recherche menée à la Haute école spécialisée bernoise ouvre pourtant quelques perspectives.

Date de publication
24-06-2021
Charles Binck
Ingénieur civil MSc TU Munich et MAS Construction en bois BFH

En français, elle est connue sous plusieurs noms : poutre à arcades, poutre échelle ou simplement sous le nom de son inventeur, Arthur Vierendeel. Les poutres Vierendeel ne présentent pas de détermination statique interne : en cas de défaillance d’une âme, une redistribution des charges s’opère. D’un point de vue statique, cela ne rend pas la poutre instable ; elle pourra seulement supporter une charge relativement moindre si la déformation reste constante.

Contrairement à une charpente typique, où les assemblages sont articulés, la rigidité de la poutrelle Vierendeel découle de la rigidité en flexion des éléments individuels et de leurs assemblages. Par conséquent, tous les composants de la section sont soumis à des états de contrainte combinés (contraintes axiales, de cisaillement et de flexion). De ce fait, les avantages des poutres Vierendeel ne reposent pas sur des propriétés techniques, mais sur la combinaison architectonique et statique possible de lignes orthogonales. Les poutres peuvent être considérées comme un compromis structurel : le cheminement des forces y est statiquement moins efficace que dans les poutres en treillis, en revanche la conception est facilitée dans de nombreux cas. Ainsi, lorsque des ouvertures sont nécessaires, les poutres Vierendeel constituent un bon choix, en raison de leur absence de diagonales. Grâce à leurs possibilités architectoniques et à leur forte identité, la question de leur utilisation se pose donc dans la construction bois.

Un mémoire de fin d’études réalisé dans le cadre du cursus MAS Construction en bois de la Haute école spécialisée bernoise s’est penché sur ce sujet difficile et a démontré les perspectives en matière de construction et de dimensionnement des poutres Vierendeel en bois.

Géométrie

Les assemblages orthogonaux en bois rigides en flexion présentent des inconvénients en raison du comportement anisotrope du matériau. Cependant, les panneaux en bois aggloméré offrent des produits au comportement relativement plus homogène, ce qui compense la concentration des contraintes transversales à la fibre. Grâce à des constructions mixtes ciblées, les structures porteuses sans diagonales peuvent ainsi être conçues sous la forme de systèmes porteurs dont les contraintes s’appliquent sur les vitrages – selon le concept breveté par Arthur Vierendeel, par exemple au moyen d’assemblages de poutres à âme mince. Un dimensionnement numérique avec modélisation paramétrique est utilisé pour étudier différentes géométries d’ouverture, dimensions de poutres et compositions de matériaux.

Les contraintes les plus élevées pour la résistance en flexion de ces poutres en treillis se manifestent au niveau des intersections orthogonales. Les premières analyses de construction de l’étude se sont concentrées sur deux types de poutres de base avec des poutres en L à parois fines. La « poutre de type 1 » est une variante de la poutre à âme pleine avec des évidements à angle droit et à arêtes vives dans les ailes. La taille, l’emplacement et l’espacement des ouvertures constituaient des variables géométriques dans le modèle paramétrique. L’utilisation spécifique des matériaux et le façonnage géométrique ont permis d’utiliser les matériaux de la manière la plus équilibrée possible. La « poutre de type 2 » n’a que des âmes (ou des plaques nervurées) à agencement partiel avec les mêmes variables pouvant être ajustées pour répondre aux exigences structurelles.

Les plaques nervurées des deux types sont constituées de panneaux en bois aggloméré. L’alignement des panneaux transversalement à la direction de la contrainte permet d’obtenir des poutres de grande hauteur qui dépassent la largeur maximale des panneaux en bois aggloméré.

Résultats

De premiers examens ont confirmé que les ouvertures à arêtes vives dans les poutres en L entraînent de fortes surcontraintes locales. Cependant, des agencements et des épaisseurs de plaques mieux adaptées au cheminement des forces permettent d’atteindre des solutions qui améliorent le comportement structurel. Des géométries d’ouverture adéquates, combinées à plusieurs plaques nervurées superposées dans les zones très sollicitées, permettent d’obtenir des rigidités structurelles correspondant à celles des poutres en L et des poutres à âme pleine de même hauteur.

Les premières analyses ont permis de déterminer le potentiel des poutres envisagées. Par exemple, un coefficient d’élancement de H = L/12 avec un espacement des poutres de a = 5,0 m pour un toit plat de plus de 20 m de portée avec un poids propre de 200 kg/m2 (poids propre des poutres exclu) et une charge utile de 150 kg/m2 s’est avéré être une hauteur de conception ambitieuse mais possible.

Le schéma de déformation donne une indication directe du comportement structurel complexe. Malgré la faible hauteur de la poutre, les déformations par cisaillement sont relativement fortes par rapport aux poutres à âme pleine et aux poutres en L. Alors que les déformations par cisaillement de la poutre à âme pleine (lamellé-collé GL24h, b/h = 20/160 cm) ne causent que 13 % de la déformation totale dans l’exemple de la toiture plate évoquée, la poutre en L comparable (membrure supérieure/inférieure : 2 × GL24h avec b/h = 20/20 cm ; âme : 2 × OSB/3 avec d = 20 mm) subit une déformation par cisaillement proportionnelle de 35 %. Pour les formes de poutres Vierendeel étudiées, cette déformation due à la force transversale représente une part d’au moins 40 % dans les mêmes conditions de matériaux que la poutre en L (membrures en GL24h, âme en OSB/3) à flexion totale constante.

Il faut d’autre part remarquer que les poutres dont l’âme est conçue efficacement peuvent atteindre les mêmes rigidités globales qu’une poutre à âme pleine statiquement comparable. Si on tient également compte du volume de bois consommé, les économies – sans tenir compte des déchets de découpe et des autres aspects liés à la production – se situent entre 20 et 30 % pour les poutres « optimisées » dont l’épaisseur d’âme augmente en fonction du jeu de forces en présence.

Perspectives

Les modélisations avec des renforcements partiels de l’âme ont fourni les points de départ d’une étude plus approfondie de la répartition des contraintes dans les plaques nervurées. Même s’il est difficile d’atteindre des rigidités comparables à celles des poutres à âme pleine, les structures en treillis pourraient convenir aux structures porteuses soumises à des contraintes plus faibles. Les façades contreventées qui, en plus des exigences de transparence, d’enveloppe du bâtiment et d’expression architectonique, assument les fonctions de renforcement du bâtiment, sont statiquement nettement moins sollicitées en tant que panneaux raidisseurs horizontaux que les poutres porteuses verticales. Des forces plus faibles permettent ici un treillis plus en filigrane. D’autres analyses, essais et optimisations structurelles plus poussés pourraient permettre de travailler sur des solutions ciblées pour le raidissement des structures de façade.
 
Charles Binck, ingénieur civil MSc TU Munich et MAS Construction en bois BFH, est ingénieur civil chez Schnetzer Puskas Ingenieure, Bâle, et auteur de l’étude « Vierendeelträger in Holz » à la Haute école du bois bernoise.

Cet article a été publié en langue originale allemande dans TEC21 5/2021.

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