Pour une vé­ri­table mixité d’usages

Editorial paru dans Tracés n°03/2015

Date de publication
11-02-2015
Revision
10-11-2015
Cedric van der Poel
Codirecteur d'espazium.ch, espace numérique des éditions pour la culture du bâti

New York et Londres ont vu ces dernières années ­s’ériger des immeubles de haut standing comprenant deux entrées. L’une sur la rue principale menant aux appartements luxueux et l’autre à l’arrière, réservée aux habitants des quelques logements sociaux programmés par des promoteurs cyniques voulant profiter des subventions et exonérations offertes aux projets immobiliers favorisant la mixité sociale. 

Toute proportion gardée, le programme du concours du lot A de la halte CEVA de Chêne-Bourg, dont nous présentons dans ce numéro le très beau projet lauréat de Lacaton & Vassal, est à la mixité fonctionnelle ce que « la porte des pauvres » est à la mixité sociale. La mixité des programmes qui se cantonne à faire coexister des bureaux et des logements de manière entièrement autonome – le concours exigeait deux entrées séparées desservies par des ascenseurs distincts – évite certes le syndrome de la Défense, mais ne nourrit en rien la réflexion sur une nouvelle façon de faire la ville engendrée par la nécessaire densification. Cette manière d’imaginer la diversité des usages au sein d’un immeuble ne s’éloigne pas fondamentalement de la monoculture des constructions de l’après-guerre. 

Monoculture que Lacaton & Vassal condamnent. Avec leur étude « Plus. Les grands ensembles de logements. Territoire d’exception », ils s’inscrivent dans la vision des modernes – Le Corbusier ou l’architecture révolutionnaire soviétique – et militent pour l’utilisation commune des étages inférieurs : le hall d’entrée se transforme en service d’accueil et de conciergerie, les premiers étages abritent une crèche, un restaurant, une bibliothèque, etc. Pour eux, « faire du logement, c’est faire de l’urbanisme ». La qualité d’un immeuble et de son programme se propage par contamination à celui d’à côté et de « proche en proche » la ville se fait. 

Faute d’un programme audacieux pour le concours de Chêne-Bourg, Lacaton & Vassal n’ont pu développer leur version idéale du logement collectif. Mais cette dernière rappelle que la mixité fonctionnelle est plus que la simple superposition d’étages de commerces, de bureaux et de logements. Appliquée uniquement par quelques coopératives – principalement alémaniques –, la véritable diversité d’usages doit désormais être étendue à tout type d’habitat collectif, qu’il soit financé par les autorités publiques ou des investisseurs privés. La densification pourra alors être étroitement associée à une nouvelle qualité de vie urbaine.

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