Pour un ma­nié­risme cri­tique

Première publication en français sur le travail des architectes et designers zurichois Trix &Robert Haussmann

Date de publication
25-07-2014
Revision
10-11-2015

Une publication qui sonne comme une soif de réparation, et qui délivre dans le même temps une foule d’informations. Le dernier-né des éditions B2 s’intéresse au parcours atypique d’un couple d’architectes, designers et théoriciens zurichois qui ne l’est pas moins : Trix & Robert Haussmann. Le livre, co-édité avec Fri Art – centre d’art fribourgeois qui a précisément consacré le mois dernier sa première exposition romande au duo né il y a près d’un demi-siècle –, débute par une introduction à la fois riche et teintée de regrets. Ses auteurs, Balthazar Lovay et Sylvain Menétrey, respectivement directeur et coordinateur artistiques du centre d’art, tout en présentant la production architecturale des Haussmann dans la capitale économique de la Suisse, déplorent leur manque de reconnaissance. Ils racontent ensuite les liens tissés consciemment ou non par les Zurichois avec une poignée d’artistes suisses reconnus – Markus Raetz, Daniel Spoerri ou Meret Oppenheim – et avec l’Italie, territoire qui, dans les années 1960, « débordait d’initiatives néo-avant-gardistes », contrairement à une Zurich alors « sage et peu informée ». 
La seconde partie de l’ouvrage reprend le manifeste de Trix & Robert Haussmann, Manierismo critico, écrit en 1981, et qui permet de « synthétiser vingt ans de pratique et (de) développe(r) de nouveaux outils pour les 25 suivantes ». Les Haussmann tentent de montrer que le maniérisme n’est pas seulement un courant pictural du 16e siècle défini par les historiens d’art, mais constitue une posture à l’encontre d’une pratique (quelle que soit l’époque) trop figée. Pour eux, le maniérisme critique est « une simple tentative de renouer avec une tradition oubliée pour la développer et lui donner une interprétation contemporaine ». Ils expliquent leur position : « Le mercantilisme et l’internationalisation croissante des principes du modernisme nous semblaient en partie responsables de la pauvreté d’expression ambiante ». A cette rigidité, les Haussmann opposent un travail protéiforme, critique et pince-sans-rire, mêlant illusion, incongru, apparition et détournement. 
Leur travail est justement montré dans la troisième partie de la publication. Le cahier iconographique présente en une vingtaine de pages des « objets didactiques » imaginés par les Zurichois – soit des maquettes qui « expose(nt) des problèmes de création avec les moyens de la création » – et quelques-unes de leurs pièces de mobilier. L’ouvrage s’achève par une discussion avec les Haussmann, menée en 2012 par l’historienne de l’architecture Gabrielle Schaad – remaniée à l’occasion de la publication – et découpée en plusieurs parties thématiques. 
Pour un maniérisme critique, première publication en français consacrée à Trix & Robert Haussmann, s’inscrit dans une tentative amorcée ces dernières années de redécouverte de la pratique et de la vision des Zurichois, toujours actifs à passé 80 ans et lauréats du Grand prix fédéral du design 2013. Chacun des quatre chapitres du petit ouvrage permet d’apporter un éclairage différent et riche sur l’œuvre de ces créateurs hors normes. 

 

Trix & Robert Haussmann – Pour un maniérisme critique

Editions B2 et Fri Art, Paris-Fribourg, 2014 / CHF 13.-

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