Pour les 180 ans de la SIA: des ébran­le­ments et des bâ­tis­seurs

Date de publication
13-07-2017
Revision
09-09-2017

Une heure du matin: trois fortes secousses se succèdent rapidement. Les soubresauts tirent une bonne partie de la population de son sommeil. L’épicentre du séisme de force 5,4 est en Valais, à Birgisch. Nous sommes le mardi 24 janvier 1837 – le jour où la SIA va être fondée.
Mardi 24 janvier 1837, 10 heures du matin – 57 bâtisseurs sont rassemblés dans la petite salle du Casino d’Aarau. Ils ont répondu à l’invitation de Carl Ferdinand von Ehrenberg, natif de Halle an der Saale. Formé à l’Académie d’architecture (Bauakademie) de Berlin comme « königlich-preussischen Baukondukteur », Ehrenberg est privat-docent en mathématiques appliquées et art de bâtir à la toute jeune Université de Zurich. Arrivés des quatre coins du pays, les membres de l’assemblée s’apprêtent à le nommer premier secrétaire de la nouvelle « Gesellschaft Schweizerischer Ingenieure und Architekten », l’association qui deviendra plus tard la SIA.
Les secousses de la nuit ont provoqué de légères atteintes aux bâtiments dans nombre de villes. Des pignons sont tombés, des murs ont été endommagés, quelques cheminées se sont effondrées. Mais le séisme ou ses dégâts ne constituent nullement le motif de la réunion de la matinée à Aarau – et l’événement n’y a probablement même pas été abordé. Si les messieurs présents se sont pour beaucoup imposés un pénible voyage à cheval ou en diligence postale vers Aarau, c’est pour poser la première pierre de la nouvelle société évoquée, dont l’objectif est l’avancement des connaissances dans les disciplines de l’architecture et des sciences de l’ingénierie.

Séisme lointain – notification immédiate


Samedi matin 29 avril 2017 – un séisme, à nouveau, mais d’une portée atteignant cette fois 7,2 sur l’échelle de Richter. A la différence de l’épisode de 1837, ça se passe aux Philippines, à 10 000 kilomètres de distance. Avec de nombreux immeubles endommagés, mais peu de blessés et aucun mort, des millions de personnes en sont quittes pour la peur. Or, il y a 180 ans, les 62 délégués des sections et des groupes professionnels de la SIA réunis ce matin-là à Winterthour n’auraient strictement rien su de ce tremblement de terre. En ce temps-là, si l’on voulait partager des informations, il fallait se rencontrer en personne ou s’envoyer des lettres. En 2017, une alerte sur smartphone suffit.
Depuis presque 50 ans, la sécurité parasismique en Suisse fait l’objet de prescriptions de la SIA. Ses représentants ne se retrouvent donc pas ce samedi d’avril pour parler de dangers naturels, mais de l’avenir de la Suisse. Lorsque leur association a vu le jour, seules quelque 2,4 millions de personnes occupaient le territoire de la Suisse actuelle. En 2017, elles sont 8,4 millions. « Bâtir pour une Suisse à 10 millions d’habitants » est le défi que les professionnels de la construction doivent maintenant relever et les élus comme les citoyens attendent d’eux des réponses à cette problématique. Le débat autour de l’élaboration d’une vision de la Suisse en 2050 domine ainsi les échanges lors de l’assemblée annuelle des délégués de la 181e année d’existence de la Société.

Avancement du savoir et perspectives


Mi-journée du 24 janvier 1837 – la matinée s’est déroulée conformément à l’ordre du jour : Monsieur von Ehrenberg a ouvert l’assemblée constitutive ; le colonel Pestalozzi, inspecteur des constructions de Zurich, a été élu président, puis il a délivré un discours qualifié de « consistant » par les chroniqueurs de l’époque ; enfin, les statuts ont été adoptés. La nouvelle société est fondée et l’on passe à la partie récréative du jour, que le journal Der Schweizerische Republikaner relatera en ces termes une semaine plus tard : « Un déjeuner convivial au Casino, relevé de conversations hautement passionnantes sur des sujets techniques, a fait de nombreux collègues arrivés de près ou de loin des amis. » Quant au but proprement dit de la Société, soit « l’avancement du savoir », les membres ne s’y consacreront qu’à partir de 1838 lors de la deuxième assemblée à Lucerne, où de nombreux bâtisseurs présenteront des communications sur leurs ouvrages. Il faut en effet se souvenir qu’il n’existe alors pas encore d’école d’ingénieurs suisse qui transmette ces connaissances.
Dans la Neue Zürcher-Zeitung du 25 janvier 1837, la fondation de la Société se traduira par les considérations suivantes : « Aux architectes qui se sont récemment réunis à Aarau, nous aimerions adresser quelques mots et quelques vœux. Nous reconnaissons en plusieurs d’entre eux des hommes compétents, éclairés et patriotes. Nous pouvons dès lors entretenir l’espoir qu’eux-mêmes et leurs collègues donneront à cette association une orientation d’utilité publique, afin que toute tentative émanant de maîtres d’œuvre fanfarons pour s’en prendre à la bourse des béotiens demeure écartée. » On se gardera d’épiloguer sur les fanfaronnades des maîtres d’œuvre actuels et leurs éventuelles visées sur la bourse des béotiens. En revanche, le souci d’utilité publique porté par la Société est incontesté en 2017. Du haut de ses 180 ans, la SIA réussira-t-elle également à tracer les perspectives d’une Suisse où il fait bon vivre ?

Mike Siering, ing. arch. dipl. RWTH/SIA, ing. en économie dipl., responsable Communication, directeur suppl. ; mike.siering [at] sia.ch (mike[dot]siering[at]sia[dot]ch)

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