Por­trait d’en­fant sur fond de ville en mou­ve­ment

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Wim Wenders, avec son film "Paris, Texas" qu'il réalise en 1984, raconte l'errance à travers un road-movie fait d'allers et retours entre Los Angeles et le Texas

Date de publication
12-02-2015
Revision
25-10-2015

Adapté des Motel Chronicles de Sam Shepard, Paris, Texas (1984) de Wim Wenders est une histoire faite d’errances, de séparations et de retrouvailles. Disparu pendant quatre ans, Travis (Harry Dean Stanton) est retrouvé par son frère Walt (Dean Stockwell) dans le désert du Texas, dans un état de mutisme et d’amnésie. Pendant l’absence de Travis, Walt et sa femme, Anne (Aurore Clément), étaient devenus les nouveaux parents de Hunter (Hunter Carson), en réalité fils de Travis. Maintenant, ils se retrouvent tous les quatre sous le même toit, dans une maison de banlieue à Los Angeles. Petit à petit, Hunter et Travis se reconnaissent comme fils et père, et la maison se fait petite. Ils partent alors ensemble à la recherche de Jeane (Natasha Kinski), mère de Hunter. Depuis la séparation, on ne sait pas grand-chose d’elle. Si ce n’est que le 5 de chaque mois, elle se rend à une banque de Houston pour envoyer de l’argent à son fils.

Production franco-allemande tournée aux Etats-Unis, Paris, Texas est un road-movie ­particulier. Il ne suit pas un itinéraire linéaire, mais effectue quelques allers-retours entre la ville de Los Angeles, en Californie, et l’Etat du Texas. D’abord, Walt part à la recherche de Travis, dans le désert ; ensuite, les deux frères font en voiture le trajet vers Los Angeles ; plus tard, père et fils refont le même parcours dans le sens inverse, à la recherche de Jeane. Une bonne partie du film est ainsi dédiée à la vision du paysage américain depuis la route. Echangeurs d’autoroute, désert, villes et villages sont vus depuis les vitres de leur voiture, ou depuis les murs vitrés des restaurants où les personnages s’arrêtent, de sorte qu’ils sont constamment cadrés sur un fond de paysage en mouvement.

La caméra de Wim Wenders/Robby Müller fait preuve d’une véritable obsession pour les surfaces vitrées. L’intérieur est vu depuis l’extérieur et inversement, que ce soit dans les scènes filmées en voiture ou dans la maison de Walt et Anne à Los Angeles. Dans les deux séquences tournées au peep-show improbable où travaille Jeane, ce sont deux intérieurs qui se mélangent, grâce aux propriétés du miroir sans tain, surface à la fois transparente et réfléchissante. Vers la fin du film, lorsque Travis et Hunter arrivent à Houston pour retrouver Jeane, on voit alors la façade en verre, acier et granit de la Texas Commerce Tower, qui venait tout juste d’être inaugurée lorsque Wim Wenders initie le tournage de Paris, Texas, en 1983. Connu aujourd’hui sous le nom de JPMorgan Chase Tower, le gratte-ciel de 75 étages projeté par Ieoh Ming Pei se situe au centre ville de Houston, plus précisément rue Travis. 

L’architecture de verre de Pei est rappelée dans les plans où le petit Hunter est seul à l’hôtel. Il entend le message sonore enregistré sur un magnétophone par son père assis devant la paroi en verre de l’hôtel, derrière laquelle on voit les tours du quartier des banques de Houston. La caméra se déplace légèrement et l’enfant semble davantage flotter au milieu d’une forêt de tours, les personnages errants filmés par Wenders ne pouvant évoluer sur des fonds opaques : exilés d’une maison familiale ayant brûlé lors de la séparation de Travis et Jeane, ils ne sont vus que devant un paysage en mouvement permanent lui aussi.

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