Port­brügg 2013

Résultat de concours

Le contournement de la A5 nécessite la construction d’un nouveau pont sur le canal Nidau-Büren. Le projet lauréat, un pont haubané, sera mis à l’enquête en 2015.

Date de publication
07-05-2014
Revision
14-10-2015

La mise en service du contournement de la A5 à Biel-Bienne va modifier l’exploitation du barrage-pont entre Port et Brügg dans le canton de Berne. Les conséquences prévisibles nécessitent la construction d’un pont additionnel – ou, tout du moins, l’élargissement du l’ouvrage existant – sur le canal Nidau-Büren. 
Le département des routes nationales de l’Office des ponts et chaussées du canton de Berne était à la recherche d’une solution esthétique avec une bonne intégration dans le paysage et un mariage réussi avec les ouvrages existants.
Il a donc organisé l’été dernier un concours de projet en procédure préselective. Le cahier des charges comprenait la construction du pont, la définition des axes routiers, la conception du portail du tunnel et sa liaison avec le nouveau pont, l’intégration urbanistique et paysagère de l’ouvrage d’art notamment dans les rives du canal – espace public très fréquenté en période estivale – et dans le barrage de régulation classé monument historique. 
Huit équipes pluridisciplinaires – ingénieur civil, architecte et ingénieur en mobilité – ont rendu un projet. Le jury a récompensé le projet « Sägubrügg » dont la typologie se démarque très clairement des autres rendus. Rencontre avec l’ingénieur civil du groupement lauréat, Philippe Menétrey, fondateur et directeur du bureau lausannois INGPHI.

Tracés : Le concours PortBrügg est un concours avec procédure sélective pour la construction d’un pont enjambant le canal Nidau-Büren. Le projet devait être présenté par une équipe pluridisciplinaire comprenant un bureau de génie civil, un bureau d’architecture et un ingénieur en mobilité. Comment s’est constitué le groupement ? 
Philippe Menétrey : Le concours portant principalement sur un pont, c’est l’ingénieur civil qui est moteur et le groupement s’est composé sous l’impulsion du bureau INGPHI. La conception des ponts est un domaine spécifique qui requiert de la part de l’architecte une culture de la construction, de l’expérience et surtout une propension à échanger avec l’ingénieur. Les bureaux d’architecture qui ont ces compétences, qui possèdent une véritable culture de la construction des ponts ne sont pas nombreux en Suisse. Nous avons donc fait appel à Roland Vassaux du bureau valaisan Nunatak avec qui nous avions déjà collaboré lors de plusieurs concours et gagné, il y a quelques années, celui du pont de Branson. 
Concernant la question du trafic, nous souhaitions un bureau bernois : un ingénieur en mobilité pour qui le contexte, le site et les problématiques locales soient familiers et qui puisse également, même si cela peut paraître secondaire, nous aider à exprimer notre concept et notre projet dans la langue de Goethe. Nous avons donc fait appel au bureau Weber & Brönnimann. 
Au début, nous avons envisagé de nous associer avec un autre bureau d’ingénieur civil. Mais en analysant le programme, nous avons conclu que nous avions les reins assez solides pour y répondre sans l’appui d’un autre bureau. 

Ce n’est pas la première fois que vous construisez un pont en collaboration avec un bureau d’architecture. Je pense notamment au viaduc sur l’A9 réalisé avec B+W architecture. Comment se déroule une telle collaboration ?
Il faut tout d’abord mentionner que nous ne réalisons pas tous les ponts avec des architectes. Il nous arrive assez souvent d’en planifier seuls, comme les viaducs Eaux des Fontaines sur la N16 qui sont les plus grands ponts autoroutier en construction actuellement.
Mais d’une manière générale, la collaboration avec les architectes nous permet de travailler sur l’image et l’intégration dans le site par le dialogue et l’échange qui se font au début du processus de conception.
Pour le pont à Bienne, avec l’architecte, nous analysons le site et la manière d’intégrer l’ouvrage d’art dans son environnement – notamment la centrale existante – et nous abordons la question de l’image. Ces discussions préliminaires donnent les premières esquisses du projet. Nous retravaillons ensuite, à l’interne, ces premières esquisses en y intégrant les contraintes telles que celles liées à la statique, aux méthodes constructives, aux contraintes géotechniques, etc. Nous développons plusieurs variantes que nous rediscutons avec l’architecte. C’est un processus créatif très intéressant  qui se fait de manière itérative et qui permet d’améliorer le projet  à chaque étape. Le but étant d’intégrer dans un ouvrage synthétique toutes les exigences pour créer un ouvrage d’art. La réponse à un concours est une réponse subjective qui dépend des différents intervenants. L’échange avec l’architecte est donc important.

Quelles sont les particularités du site et du programme du concours PortBrügg ? 
Concernant le site, le nouveau pont longera le barrage-pont existant de la centrale de régulation des eaux du Jura. C’est une contrainte très forte. Cela revient à devoir construire un pont autoroutier à côté d’un ouvrage existant. La deuxième contrainte contextuelle provenait du fait qu’il faut non seulement franchir le canal de Nidau-Büren, mais aussi une centrale hydroélectrique et une écluse à bateaux qui devra, pendant la construction, rester en activité. L’ouvrage doit donc franchir une zone de 180 mètres, alors que le canal ne mesure que 80 mètres de large. Enfin, la dernière contrainte est paysagère. En effet, les berges du canal sont bucoliques et appréciées par les habitants de la région. C’est une zone agréable et fréquentée. 
Au niveau du programme, le pont devait intégrer quatre voies et une piste cyclable.

Votre réponse est un pont haubané avec pile centrale, sans voie dédiée à la mobilité douce. Pourquoi ce choix ?
L’idée du pont haubané a assez vite émergé : elle visait à se différencier de l’ouvrage existant. Nous voulions à tout prix éviter l’amalgame. La verticalité qu’introduit un pont haubané était donc, à notre avis, une excellente réponse. Nous avons ensuite pris le risque de reporter la mobilité douce sur l’ouvrage existant. Insérer une voie cycliste dans notre pont aurait rendu sa section asymétrique. Ce choix affirme aussi notre souci de différenciation. Deux ouvrages, deux fonctions différentes : la mobilité motorisée d’un côté et la mobilité douce de l’autre, en site propre. De plus, cela améliore le confort des usagers.
Le pont haubané a aussi, dans ce cas, des avantages liés au site. Il permet à la fois de libérer le cours d’eau, les berges et les promenades et de régler le problème de l’écluse. On a essayé plusieurs variantes, jusqu’à quatre mâts de part et d’autre du canal, placés à des endroits différents. Nous sommes arrivés à la conclusion que, tant au niveau esthétique que de l’intégration et des contraintes contextuelles évoquées, le mât central était la solution idéale. Ensuite, nous avons poussé l’idée jusqu’au bout en proposant un mât central avec une nappe de haubans centraux. Les placer sur les côtés aurait changé le rapport au paysage. L’usager de l’ouvrage se serait retrouvé dans une sorte d’espace créé par les nappes de haubans de chaque côté. 
Cette solution permet de franchir le canal, la centrale et l’écluse en limitant au minimum les impacts sur le canal en un point : une seule pile qui rappelle les mâts de voilier et la proximité du lac.

Quelles sont les conséquences de ce choix sur le mode de construction ?
Elles sont importantes. En effet, deux nappes de haubans permettent d’atteindre une plus grande stabilité. Notre choix nous a donc obligé à développer un tablier spécial pouvant supporter les efforts de torsion résultant. Le tablier construit en encorbellement est particulièrement large et ne peut pas être construit en une étape. Nous allons devoir d’abord construire la partie centrale puis ensuite les parties latérales (schéma). Le tablier est évidé afin d’enlever la matière où elle n’est pas nécessaire en conservant des diagonales pour augmenter la rigidité à la torsion.

 

Membres du jury

Jean-Pierre Zürcher, Office des ponts et chaussées, canton de Berne, président
Uli Huber, architecte, Berne / Aurelio Muttoni, ingénieur, professeur EPF
Rudolf Vogt, architecte, Bienne
Daniel Rossel, commune de Brügg
Thomas Rudin, commune de Port
Stefan Graf, TBA NS Bau, Berne (suppléant)
Miguel Fernández Ruiz, ingénieur civil, EPFL (suppléant)
Rolf Weber, Service des monuments historiques, canton de Berne (suppléant)

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