Pé­nu­rie de re­lève dans le gé­nie ci­vil: mythe ou réa­lité?

Jamais les professionnels solidement formés n’ont été aussi recherchés en Suisse. Le secteur de la construction épingle le fait que les besoins en personnel qualifié ne puissent être couverts par des travailleurs nationaux. Quelle est la cause de cette pénurie et que peuvent faire les ingénieurs et les associations professionnelles? Une étude récente nous livre quelques clés.

Date de publication
15-11-2017
Revision
07-12-2017

Réalisée par Swiss Engineering (UTS) et economiesuisse, l’étude récente La situation du personnel qualifié chez les ingénieurs enquête sur la pénurie actuelle et tente de trouver des solutions. Les auteurs constatent que, si des mesures politiques sont nécessaires, des mesures émanant du patronat et du salariat sont tout aussi cruciales afin de permettre une meilleure « correspondance de profil », autrement dit une meilleure adéquation du profil du poste avec les compétences de candidats qualifiés.

Sur le plan des compétences « soft skills », il règne en effet un écart entre les attentes des employeurs et les capacités des candidats. Les employeurs attendent expérience et réussite professionnelle, un bon réseau de relations, mais aussi des compétences sociales. Selon l’étude d’UTS, ils sont également 80 % à estimer que la formation continue est cruciale dans le contexte actuel. Si les notes finales figurent en bas de la liste des critères essentiels pour la carrière professionnelle, des qualités relevant de la compétence sociale comme l’esprit d’équipe, la confiance en soi, le dynamisme peuvent faire la différence. Les entrepreneurs seront appelés à miser davantage sur leurs collaborateurs s’ils veulent contribuer à enrayer la pénurie de professionnels. Bien entendu, la pression actuelle sur les prix complique les choses, mais à long terme, une politique du personnel garantissant la promotion et l’évolution des collaborateurs est un élément indispensable au succès. La formation spécialisée du personnel et sa faible rotation réduisent les coûts salariaux et augmentent la productivité.

Avec le concours de son groupe professionnel Génie civil (BGI), la SIA souhaite mettre en place un programme de mentorat qui permettrait à des ingénieurs chevronnés et à de jeunes diplômés de se rencontrer pour échanger. Ceci permettrait ainsi de réduire le fameux fossé des soft skills. Des échanges de ce type contribuent aussi à la valorisation des jeunes collaborateurs, le manque de considération étant un motif de démission fréquent.

Le candidat parfait n’existe pas


Comme nous l’avons précédemment mentionné, le manque de compatibilité des profils est l’une des principales causes de la pénurie de professionnels. Dans le même temps, on constate que de nombreux employeurs ne sont pas disposés à former un candidat ne correspondant pas exactement au profil recherché. L’étude sur le personnel qualifié révèle que, dans les entreprises qui recrutent sans mal des candidats au profil adéquat, le salaire n’a pas été décisif dans le choix de ces derniers. Ils auront davantage tenu compte de critères tels que les contenus de travail, l’ambiance, les perspectives d’évolution et l’estime témoignée aux collaborateurs.

Aujourd’hui, il appartient aux ingénieurs de prendre en main leur plan de carrière et de se positionner en conséquence sur le marché du travail. Des plates-formes comme engineers.ch permettent par exemple aux employeurs et aux demandeurs d’emploi de se présenter à un public spécifique tout en se tenant informés des possibilités de carrière et de formation continue ainsi que des événements proposés. Il est de plus en plus important pour les entreprises d’être perçues comme des employeurs attractifs. Dans l’environnement créatif du génie civil, il s’agit donc de mettre en avant des projets intéressants, via un site ou des plates-formes tierces. Employeurs et salariés peuvent ainsi rapidement se rendre compte s’ils sont faits pour travailler ensemble, et, le cas échéant, s’épargner un mauvais choix.

Qu’en est-il de la future génération ? Nombreux sont les jeunes à vouloir bâtir un monde meilleur, plus durable. Pour cela, nous avons besoin d’ingénieurs, mais aussi de personnes capables de susciter l’intérêt pour les cursus menant à ces professions. Le « profil professionnel de l’ingénieur », sur lequel travaille actuellement le BGI, devrait être une bonne base pour lancer une campagne de promotion en faveur du métier d’ingénieur auprès des parents et des élèves, ce dès l’école obligatoire. De nombreux enfants perdent très tôt tout intérêt et toute motivation pour les mathématiques et les sciences. D’après l’étude d’UTS, la formation continue fait aujourd’hui partie du profil professionnel de l’ingénieur. Pourquoi n’en serait-il pas de même de la transmission des savoirs ? Certaines écoles recherchent d’ailleurs des ingénieurs ayant choisi d’enseigner à temps partiel pour partager leur motivation et leurs connaissances.

Des carrières professionnelles peu valorisées


Le manque de professionnels en Suisse est un problème structurel : l’écart entre l’offre et la demande se creuse de plus en plus. Si l’on se base sur une croissance économique annuelle de 2 % et une immigration nette de 40 000 personnes, la Suisse manquera d’ingénieurs à l’avenir – entre 20 000 et 50 000 selon l’étude d’UTS. Pourquoi de nombreux ingénieurs se détournent-ils de la profession et pourquoi ne poursuivent-ils pas leur parcours en tant qu’experts ? Les raisons évoquées par l’étude sont des perspectives d’évolution réduites et la stagnation des contenus de travail. A cela s’ajoute le fait que très peu d’entreprises rétribuent la formation continue d’experts. La seule possibilité de promotion se résume souvent à une fonction de dirigeant, les carrières de spécialistes n’étant que rarement encouragées et reconnues. Il faudrait développer une culture où les carrières de spécialistes et de cadres sont mises sur un pied d’égalité, d’un point de vue financier également.

En résumé, nous avons besoin d’un profil professionnel moderne qui incite les jeunes à devenir ingénieurs, d’un programme de mentorat qui encourage, valorise et promeut les jeunes ingénieurs, et de plates-formes d’échanges où employeurs et salariés peuvent se présenter et se rencontrer. Le groupe professionnel SIA Génie civil reste mobilisé!

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