Pay­sage de deux villes

Editorial paru dans Tracés n°15-16/2014

Date de publication
21-08-2014
Revision
10-11-2015

Un geste coordonné duquel résulte deux variantes de l’expérience paysagère urbaine et périurbaine. Lausanne et Genève s’associent cet été en présentant chacune une grande manifestation paysagère : Lausanne Jardins et Genève, villes et champs. On aurait pu craindre que cette dernière-née, qui a lieu cette année pour la première fois, ne soit que la pâle copie de sa grande sœur, pionnière du genre et initiée en 1997. Il n’en est rien. Si toutes les interventions qu’elles proposent ne sont pas remarquables, les deux manifestations ont le mérite de mettre en exergue des problématiques urbaines à la fois distinctes et essentielles : à Lausanne, on s’interroge sur la manière de réinscrire le végétal dans le réseau urbain et dans le centre-ville ; à Genève, on se demande comment faire croître la ville sans faire fi de l’agriculture. 

Dans leur manifeste de 1955 Achtung : die Schweiz, Lucius Burckhardt  et Max Frisch écrivaient qu’un mètre carré de terres agricoles disparaissait toutes les trois secondes en Suisse. Selon l’Office fédéral de la statistique, les surfaces agricoles utiles (SAU) sont en constante baisse sur le territoire helvétique. Genève ne fait pas exception : durant cette dernière décennie, les SAU par habitant ont baissé de 8 % dans le canton par rapport aux dix années précédentes, en raison notamment de la croissance démographique et du besoin en logement qui conduit au mitage des terres agricoles. 

Le développement de la ville semble inéluctable, comment procéder pour qu’il ne se fasse pas au détriment de la campagne et des zones agricoles ? La première édition de Genève, villes et champs s’efforce de répondre à la question. Avec un parcours de treize interventions menant de la campagne à la ville, elle esquisse une réponse en proposant, comme Burckhardt, de se promener sur le territoire. Prenant le contre-pied de la promenade romantique, méditative, elle est censée servir de socle à la réflexion. 

A Lausanne, la promenade est aussi de rigueur. Au moyen de la déambulation, le visiteur de la 5e édition de Lausanne Jardins a l’occasion d’éprouver la topographie accidentée de la ville. Dans la capitale vaudoise, le périmètre est plus restreint qu’à Genève : les 29 jardins de Landing ont été semés dans le centre-ville. Plutôt que de mettre en perspective le territoire lausannois, l’édition 2014 promeut le jardin-objet, veut repenser la forme du jardin et son mode de présence en ville. 

Au final, les deux manifestations paysagères empruntent des voies différentes, mais tout aussi pertinentes. L’une répare la frontière entre sa ville et sa campagne en tissant avec les liens que constitue la promenade proposée. L’autre éprouve la limite de l’objectivation des jardins, jouant avec la rhétorique contre laquelle avait été créée : le confinement du jardin.

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