Oui aux lo­ge­ments abor­dables

Tout comme les personnes à la recherche d’un logement, les architectes et les personnes intéressées par la culture du bâti doivent absolument se rendre aux urnes le 9 février pour voter sur l’initiative populaire «Davantage de logements abordables». Un commentaire de Paul Knüsel, rédacteur en chef adjoint de TEC21.

Date de publication
04-02-2020

En matière d’immobilier privé, l’emplacement est le facteur déterminant: tout d’abord, il détermine le prix du terrain à bâtir. Ensuite, il définit le cercle de personnes qui peuvent se porter acquéreur de la parcelle. Enfin, il définit le prix de l’offre de logements en fonction du marché et ainsi le public cible qui pourra se les offrir. Dans ces conditions, on comprendra que le risque économique de commercialiser un complexe résidentiel idéalement situé, à des prix supérieurs à la moyenne et aux taux de rendements élevés est extrêmement faible.

En contrepartie, il est peu probable que de tels logements soient accessibles aux personnes aux revenus faibles ou moyens. Quelles sont actuellement les nouvelles zones de constructions auxquelles ces principes ne s’appliquent pas? Les terrains constructibles sont une ressource naturelle limitée. L’économie de l’environnement enseigne depuis longtemps que le marché libre et l’utilisation parcimonieuse des terrains sont deux réalités qui s’accordent mal. Les collectivités publiques, bien qu’elles profitent de revenus élevés issus de l’impôt foncier, doivent donc pouvoir jouer un rôle de régulation, tant en Suisse que dans les autres autres pays occidentaux.1

Le 9 février, l’initiative populaire nationale «Davantage de logements abordables» sera soumise à votation; elle prévoit entre autres que 10% des nouveaux logements soient construits par des promoteurs d’utilité publique. Ou que les cantons et communes bénéficient d’un droit de préemption sur les terrains à bâtir disponibles. Si certaines villes sont déjà passées à l’action, de nombreux efforts communaux en matière de politique de logement sont voués à l’échec sans un support fédéral et sans instruments plus efficaces. A cet égard, l’exemple de la ville de Zoug est emblématique. Il y a six ans, les habitants de Zoug ont clairement soutenu l’initiative populaire «Wohnen in Zug für alle» cherchant à contrebalancer le marché libre étouffant la classe moyenne. Depuis, l’exécutif vient seulement d'élaborer une stratégie sur la manière dont doit être mise en œuvre l’initiative dans le plan de zone. Les grues qui construiront des logements à loyers modérés ne sont malheureusement pas prêtes de peupler l’horizon zougois.

L’initiative populaire «Davantage de logements abordables» soulève une question sociale et économique de fond. Mais elle pose également des questions architecturales et urbanistiques. La Suisse a non seulement besoin de plus d’espace dédié à la construction de logements abordables, mais aussi d’acteurs soucieux de contribuer de manière intensive à l’esprit communautaire et au développement durable des zones habitées. Ce sont principalement des développeurs et des promoteurs qui ne sont pas orientés sur le rendement – de la fondation anonyme à la petite association de propriétaires –, des acteurs qui s’engagent sur les plans social et écologique – généralement au-delà des exigences légales – et qui empêchent ainsi une dégénérescence des quartiers en dortoirs et zones d’habitat pour pendulaires. Les services des villes et communes sont souvent dépassés et éprouvent des difficultés à implémenter eux-mêmes ces réalités nouvelles ou à contraindre les investisseurs privés à le faire.

Des constructions efficaces sur le plan énergétique et respectueuses de l’environnement? Depuis des décennies, la plupart des coopératives d’habitation agissent exclusivement dans ce sens et leur esprit pionnier pousse désormais aussi les investisseurs privés à s’y intéresser.

Densifier les espaces urbains? Des coopératives de construction et d’habitation zurichoises rénovent et transforment des immeubles locatifs permettant ainsi à un plus grand nombre de personnes de vivre où elles travaillent, à savoir en ville. L’environnement et la qualité des logements y sont très souvent exemplaires.

Espaces extérieurs de qualité, biodiversité dans l’espace urbain, etc? Il vous suffit de visiter notre espace dédié aux concours d’architecture: ceux qui portent sur la construction de logements sont en grande majorité organisés par des promoteurs d’utilité publique, généralement en collaboration avec des offices communaux. S’ils sont parfois discutables sur le plan esthétique, la qualité, les typologies et la prise en compte du contexte tant architectural que paysagé sont largement supérieurs à la moyenne. Des investisseurs immobiliers privés et institutionnels l’ont bien compris et commencent, sporadiquement, à participer à cette mise en concurrence des idées à la fois abordables et de qualité. Un oui à l’initiative populaire du 9 février encouragera donc également la culture du bâti et le développement durable.

"Cet article est une recommandation personnelle de Paul Knüsel. Il ne reflète pas une position éditoriale commune, ni celle de la SIA".

Note

1. Lecture conseillée: Why can’t you afford a home? Josh Ryan-Collins; Polity 2019

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