Nous sommes des hu­mains comme les autres!

Au cinéma, les androïdes ont très tôt revendiqué le droit d’être des humains comme les autres, aimants et sensibles, dominants et autoritaires. Alors que la fiction a longtemps eu un temps d’avance sur la réalité, serait-elle en passe d’être rattrapée?

Date de publication
01-11-2017
Revision
04-12-2017

Dave Bowman: Open the pod bay doors, HAL.
HAL: I’m sorry, Dave. I’m afraid I can’t do that.
Dave Bowman: What’s the problem ?
HAL: I think you know what the problem is just as well as I do.
Dave Bowman: What are you talking about, HAL ?
HAL: This mission is too important for me to allow you to jeopardize it.
Dave Bowman: I don’t know what you’re talking about, HAL.
HAL: I know that you and Frank were planning to disconnect me, and I’m afraid that’s something I cannot allow to happen.


Dans 2001, l’Odyssée de l’espace, sorti en 1968, le superordinateur HAL tentait de prendre le contrôle du vaisseau spatial Discovery one, avant que Dave, le dernier astronaute de l’équipe survivant, ne finisse par déconnecter ses blocs mémoires holographiques, autrement dit son intelligence, pour le réduire à l’état de vulgaire machine.

La littérature (Philip K. Dick, Isaac Asimov, ...) comme le cinéma se sont rapidement emparés de la figure du robot s’émancipant de ses créateurs pour devenir un être humain comme les autres, qui domine, subit, aime, souffre. Pures machines froides comme HAL, corps humains transformés (Robocop), robots endossant des dépouilles humaines ou mimant l’apparence d’êtres humains (l’androïde de Métropolis en 1927, Blade Runner, Terminator, Ghost in the shell...), toutes les configurations ont été largement explorées.

Depuis les années 1970, l’inflation de films et désormais de séries s’emparant du thème du robot trop intelligent, capable d’éprouver des sentiments, croît en proportion des nouveaux développements scientifiques. L’imminence d’un monde à venir que nous devrons partager, nous et « eux », accélère encore la production de fictions anticipatrices du pire comme du meilleur, dans lesquelles nous pouvons projeter nos angoisses autant que nos désirs.

Dans D.A.R.Y.L., film mineur sorti en 1985, le robot a les traits d’un petit garçon de 10 ans. Derrière l’enveloppe charnelle se cache un programme lancé par le Pentagone, une expérimentation au service de l’armée : le «Data Analysing Robot Youth Lifeforme», autrement dit un enfant expert en technologies, un futur « soldat de choc », conçu dans une éprouvette et doté d’un cerveau-ordinateur. Par la grâce d’une pirouette scénaristique, le «programme», qui n’aurait jamais dû sortir des laboratoires du gouvernement, se trouve projeté dans la vie normale d’une petite société middle class d’une banlieue paisible comme seuls les films américains des années 1980 savent les montrer. Confronté à ce nouveau milieu, ce Pinocchio des temps modernes apprend aussi à devenir un vrai petit garçon. Son intelligence lui permet d’analyser les sentiments de ses congénères humains, auxquels il répond et s’adapte, pour finalement les éprouver. Récupéré par le Ministère de la Défense et isolé dans les bureaux du Pentagone, D.A.R.Y.L. est triste, il a peur, ses parents adoptifs lui manquent. Les deux scientifiques qui l’ont créé finissent par en convenir: «D.A.R.Y.L. est plus qu’une machine. Une machine devient humaine quand on ne sait plus faire la différence.» Ainsi, s’il avait passé le test de Turing (lire note 2, p. 7), l’enfant-robot l’aurait réussi haut la main et gagné le droit de vivre sa vie de petit garçon américain normal.

C’est ce test qui sert de cadre au film Ex Machina (2015), huis-clos mettant aux prises un inventeur égocentrique, sa «créature» androïde Ava et un jeune programmeur surdoué chargé de lui faire passer ledit test pour déterminer si elle est ou non douée d’une conscience. Ava, évidemment, finit par échapper à la maîtrise de son créateur tout puissant. Et, à la différence de D.A.R.Y.L., elle n’aspire pas à devenir une gentille petite fille...

L’âge de la transhumanité est venu, réalisant la prophétie contemporaine qui s’écrit pour de vrai depuis une dizaine d’années dans la Silicon Valley. Point question de fiction ici, on construit très sérieusement un avenir résolument optimiste qui verra la fusion de l’homme et de la machine, pour le plus grand bonheur de l’humanité. A l’Université de la Singularité, Ray Kurzweil, théoricien du transhumanisme, et ingénieur chez Google, enseigne le concept de «singularité technologique», ce point de passage de l’ère humaine à celle du transhumanisme qu’il situe en 2045, lorsque que les intelligences artificielles seront capables de prendre en charge leur propre développement et deviendront capables de s’engendrer elles-mêmes. Ceci se passe et se pense aujourd’hui, ringardisant toutes les fictions...

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