Loi sur le CO2: quels im­pacts sur le lo­ge­ment?

À travers un webinaire organisé le 18 mai dernier, rassemblant partisans et opposants de la révision de la loi sur le CO2, la SIA a su démontrer sa responsabilité en faveur d’un cadre de vie de qualité, axé sur la durabilité, en contribuant à la formation d'opinion sur un débat de société.

Date de publication
27-05-2021

La neutralité carbone à l’horizon 2050 est l’objectif que s’est fixé le Conseil fédéral en août 2019.  Actuellement, la Suisse émet plus de 4 tonnes de CO2 par habitant, soit près de 2,5 de moins qu’en 19901. Pourtant, si l’on ambitionne d’atteindre zéro émission nette d’ici une trentaine d’années, des mesures radicales sont nécessaires. Les objectifs fixés par la loi CO2 sont donc insuffisants, mais c'est un premier pas que l'on ne peut pas manquer. C'est en substance ce qui ressort du débat organisé par la SIA le 18 mai dernier.

Des moyens qui font débat En vue de la votation du 13 juin 2021, la SIA a organisé à la mi-mai un webinaire intitulé "La nouvelle loi sur le CO2, quel impact sur nos villes et nos logements?". Ce débat se fonde sur les principes énoncés dans le document de position (2020) de la Société, portant sur les objectifs pour le parc immobilier et les infrastructures face au changement climatique. Ce débat était l’occasion d’inviter un panel dont les membres soutiennent ou rejettent la nouvelle révision de la loi sur le CO2. Si chaque intervenant a reconnu le changement climatique comme l’un des plus grands défis contemporains, la nécessité de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C et de s’adapter au climat à venir, les divergences de point de vue résidaient principalement dans le choix des moyens ainsi que les délais de leur mise en œuvre.

À propos de l’objectif de 1,5°C, Robin Augsburger, représentant de la section neuchâteloise de la Grève du Climat et membre du comité référendaire «Pour une écologie conséquente et sociale», estime que cette loi ne permettra pas de limiter le réchauffement à 1,5°C et renforcera certaines inégalités sociales. De son côté, Francine Wegmüller, membre de la direction de Weinmann Énergies SA, spécialiste de la durabilité à l’échelle du bâtiment et du quartier, affirme que l’augmentation des températures et la protection climatique vont changer le rapport des professionnels au climat : la question de la climatisation gagnera en importance, tandis que celle du chauffage deviendra secondaire avec les années. Quant à Patrick Eperon, délégué à la communication et aux campagnes politiques du Centre patronal et coordinateur romand de la campagne du comité économique «Non à la loi ratée sur le CO, il estime qu’il est indispensable de s’adapter au changement climatique, mais que «ce n’est pas l’objectif de la loi sur laquelle nous serons amenés à nous prononcer». D’après lui, les coûts de son implémentation seraient plus élevés que les avantages que l’on pourrait espérer en tirer. Enfin Peter Dransfeld, président de la SIA, est d’avis que l’adaptation au climat doit impérativement avoir lieu, en particulier en Europe centrale et en Suisse.

Suivre le rythme de la planète ou celui des propriétaires?

Sur l’ensemble du parc immobilier suisse, qui compte 1,5 millions de bâtiments, près de deux-tiers sont chauffés à l’énergie fossile. En Suisse, la production de CO2 a diminué de 34% depuis 1990, bien que l’OFEV avait fixé pour 2020 un seuil à 40% de moins. La loi sur le CO2, elle, prévoit que l’installation de systèmes à combustible fossile soit rendue plus difficile sans pour autant être interdite. Elle préconise par ailleurs l’utilisation du fonds climat, qui vise à accompagner les changements nécessaires dans le bâtiment en termes d’isolation et de chauffage, et de subventionner, sous certaines conditions, les propriétaires qui souhaiteraient mettre en place la rénovation énergétique de leurs bâtiments. Ces constats soulignent la difficulté du parc immobilier à atteindre les objectifs de l'OFEV, malgré les efforts consentis. Dès lors, il paraît évident de se demander si le rythme des assainissements souhaités est trop lent compte tenu de l'urgence climatique ou trop rapide pour les propriétaires.

À ce propos, Patrick Eperon relève qu’aujourd’hui, 40% des bâtiments sont chauffés au mazout et 20% au gaz2. Il ajoute que la majorité du parc immobilier est vieillissant et que tous les propriétaires ne sont pas toujours capables d’effectuer ces investissements, en particulier dans la période post-covid-19. Ainsi, selon lui, la plus grande part de la facture devra être payée par ces derniers. Pour Francine Wegmüller, le rythme est bien trop lent: avec 1% des bâtiments rénovés par année, l’ensemble du parc sera rénové dans 100 ans, alors que les cycles de rénovation sont compris entre 25 et 50 ans. Concernant les propriétaires, elle précise que les assainissements peuvent être anticipés sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment: les revenus locatifs permettent en effet d’alimenter un fonds de rénovation du bâtiment. D’après elle, les rénovations et les assainissements ne sont pas des investissements à fonds perdus, mais permettent de faire augmenter la valeur d’un bien. Robin Augsburger est, lui aussi, d’avis que la planète a besoin de mesures fortes et immédiates. Il rejoint cependant Patrick Eperon sur le fait que le rythme semble aussi trop rapide, mais pour les petits propriétaires uniquement. Selon lui, l’Assemblée fédérale a choisi de faire peser la charge de cette loi, jugée pas assez contraignante, à une population peu représentée en politique. Peter Dransfeld, quant à lui, se montre optimiste pour ce qui est du rythme des rénovations et admet qu’il peut mettre en difficulté certains propriétaires. Il apprécie la flexibilité de cette loi, qui laisse une grande liberté au marché. En somme, tous s’accordent sur le fait que le défi qui nous attend est majeur, que la loi nous positionne sur le bon chemin, mais qu’elle se révèle insuffisante sur certains points. Dès lors, que pouvons-nous proposer? La réponse reste ouverte.

Préserver un Éden ou limiter la casse?

D’après Patrick Eperon, il est nécessaire de prendre en compte les agissements des autres pays européens. En Suisse, la taxe de CO2 s’élève à CHF 96.- par tonne. En Allemagne, jusqu’au 31 décembre, elle était à 0,25 cts d’euros avant de se hisser jusqu’à 25 euros le 1er janvier 2021. En Suisse, la taxe est donc quatre fois plus élevée que celle de nos voisins allemands. Pour Robin Augsburger, il est extrêmement réducteur d’évaluer cette loi uniquement par le prisme des taxes, mesure qu’il estime être profondément anti-sociale. Il juge également que la mise aux enchères de certificats carbone est problématique car elle permet aux entreprises de continuer à polluer avec des compensations à l’étranger. Pour Francine Wegmüller, enfin, la loi sur le CO2 n’est pas parfaite, mais possède au moins le mérite de nous emmener dans la bonne direction, à travers la poursuite d’un objectif global.

 

Notes

 

1. Office fédéral de l’environnement (OFEV), Indicateur Climat, Émissions de gaz à effet de serre par habitant, 12 avril 2021.

2. Office fédéral de la statistique (OFS), Domaine énergétique, Système de chauffage et agents énergétiques, 2017.

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