L’iden­tité d’une Suisse en pleine crois­sance

Quels sont les buts du projet de recherche «La Suisse 2050» lancé par la SIA? Entretien avec Ariane Widmer Pham, architecte et urbaniste à Lausanne et membre du Comité de la SIA.

Date de publication
26-04-2017
Revision
26-04-2017

SIA: Madame Widmer Pham, pouvez-vous m’expliquer en quelques phrases les buts du projet «La Suisse 2050»?
Ariane Widmer Pham: Il s’agit de la Suisse de demain et des défis qu’elle doit relever. Un projet de recherche de grande envergure doit nous aider à élaborer la vision d’une Suisse forte de 10 millions d’habitants en réseau avec l’Europe.

Quels sont les résultats attendus?
Notre intention est de mettre sur pied une stratégie territoriale globale permettant de comprendre et de visualiser la Suisse à l’horizon 2050. Elle doit parvenir à mettre en cohérence des données de base chiffrées, mais aussi des objectifs stratégiques et qualitatifs pour le développement territorial: l’urbanisation, les sites naturels, le trafic, la planification des infrastructures, l’énergie et la protection de la nature. Viendront se greffer ici également des facteurs plus «souples» issus du champ de la sociologie notamment. Il est donc également question d’identité, de valeurs et de perception que la Suisse a d’elle-même. Nous avons volontairement décidé de ne pas prendre en compte uniquement la problématique des ouvrages et d’élargir le champ de la recherche à l’espace de vie dans son intégralité. Cette approche qui s’intéresse à la qualité de vie des générations futures répond aux objectifs de la SIA. Dans un même temps, nous nous intéressons au processus, c’est-à-dire au chemin qui mène à l’objectif visé: échanges continus entre la recherche et la pratique, large participation, mise en réseau systématique et consolidation progressive des acquis.

Les données requises n’existent-elles pas déjà?
Oui bien sûr, elles existent. Cependant, et c’est là l’un des aspects de l’important travail de fond que doit accomplir la recherche, il faut collecter et interroger un grand nombre de données provenant de sources très diverses, aussi hors du territoire national. Il faut donc les réunir dans une base de données afin de les modéliser, puis d’évaluer différents scénarios. Données cadastrales, flux de trafic, informations SIG, données démographiques: c’est cette diversité qu’illustrent les potentialités du nouvel outil informatique!

Parlons de planification et de données: l’aménagement du territoire suisse met en œuvre des approches interdisciplinaires et intervient aussi à l’échelle intercantonale ou intercommunale. Est-il pertinent de faire entrer en jeu de nouvelles méthodes et de nouveaux outils, parallèlement aux dispositifs établis?
Dans le cas de «La Suisse 2050», il s’agit d’un projet de recherche transdisciplinaire et non d’un instrument de planification territoriale. La Confédération et les cantons ne peuvent effectuer de telles recherches appliquées dans le cadre de leur travail. «La Suisse 2050» offre à tous les partenaires, et en particulier aux membres de la SIA, la possibilité de participer activement au développement de nouveaux outils. Ils accéderont ainsi aux tous derniers résultats de la recherche.

Dans quelle mesure ces acteurs doivent-ils être intégrés?
Nous souhaitons inclure en temps utile les offices fédéraux et autres organismes concernés. Les experts des cantons et de la Conférence tripartite sur les agglomérations doivent également être impliqués. Je pense qu’il est essentiel que nous sortions ensemble des schémas de pensée sectoriels qui caractérisent la planification territoriale, tout comme il est important que nous pensions et agissions de manière plus globale. Maria Lezzi, directrice de l’ARE, s’est exprimée de manière très encourageante sur le sujet. Elle avait trouvé l’ouvrage de l’ETH Studio Basel, La Suisse – portrait urbain, paru en 2005 sous la direction de Herzog et de Meuron, particulièrement stimulant, précisément parce qu’il procède beaucoup par associations d’images et repose sur une approche à la fois documentaire et très créative du territoire suisse.

Vous voulez dire que le projet associe une approche culturelle et territoriale à une dimension politique et sociale?
Oui, le fait est que «La Suisse 2050» ne doit pas être et ne sera pas un pur projet d’aménagement du territoire. La question clé – politique, sociale et culturelle – de cette entreprise est: dans quel pays voulons-nous vivre en 2050? Si nous voulons préserver la qualité de notre cadre de vie au sens large du terme, nous devons nous doter d’une vision pour comprendre comment allier au mieux les ressources du présent aux potentialités de l’avenir.

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