L’exil en ville

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Le collectif Le Silo s'attarde ici sur un long métrage de Jacques Rivette sorti sur les écrans en 1981. "Le Pont du Nord" est un film-balade dans Paris, mené par l'intrigante protagoniste Baptiste

Date de publication
20-08-2013
Revision
23-10-2015

Premier son, un survol d’hélicoptère. Première image, un panoramique du boulevard périphérique depuis la Porte de Montreuil. A l’horizon, des grues. Avant que la caméra n’achève son trajet, une jeune fille en mobylette (Pascale Ogier) entre dans le cadre. Ensuite, un travelling fait le tour de la statue du lion située au milieu du rond-point de Denfert-Rochereau. La caméra traduit le regard de la conductrice, dans un improbable contre-champ du plan d’ouverture : de l’excentrique au concentrique. La jeune fille sur le deux-roues s’appelle Baptiste, et son prénom intrigue autant que le personnage lui-même (pourquoi porte-t-elle un prénom d’homme ? d’où peut-elle bien sortir ? d’un hôpital psychiatrique ? est-elle en fuite  ). C’est Baptiste, et elle guide Le Pont du Nord, film-balade dans Paris réalisé par Jacques Rivette en 1981.
Les lions des monuments parisiens semblent affronter l’objectif de Rivette, du 14e arrondissement à l’Hôtel de ville, en passant par la place de la République, toujours raccord avec le regard de Baptiste. Sa rencontre la plus importante aura lieu sous le lion de la place Denfert-Rochereau, où elle renverse Marie (Bulle Ogier, mère de Pascale), récemment sortie de prison. Les deux femmes, marginales, ne se quittent plus. Elles passent d’un quartier à l’autre, en suivant la forme de l’escargot dessinée par les arrondissements parisiens, comme s’il s’agissait du jeu de l’oie.
En toile de fond, des coupures de presse évoquent les meurtres politiques des années 1970, sujet sensible à l’époque et peut-être l’une des raisons de l’accueil plutôt timide que le film a reçu. Au premier plan, une relation conflictuelle à la ville. Marie étouffe dans les espaces clos et doit passer ses nuits sur des bancs ; Baptiste répète des mouvements de karaté contre des ennemis imaginaires. Dans plusieurs séquences, on aperçoit d’anciennes bâtisses en démolition. Puis de nombreux chantiers, dont ceux à proximité d’un pont, dans le nord de Paris, sur le canal de l’Ourcq. Grues et grands ensembles tout neufs, filmés en contre-plongée, rappellent le regard menaçant des lions. D’où vient le danger ? Où sont les repères ? Une chose est certaine : « le vieux Paris n’est plus ».

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