L’éthique au quo­ti­dien: quo va­dis?

Début novembre 2016, le Conseil suisse d’honneur, présidé par Jacques Richter, a organisé un colloque sur l’éthique en collaboration avec la SIA Vaud et SIA-Form. Après une partie introductive, plus de 40 participants ont débattu des deux questions empreintes d’éthique que sont les honoraires et les appels d’offres.

Date de publication
04-01-2017
Revision
04-01-2017

Dans leur pratique quotidienne, les planificateurs sont confrontés à de nombreuses situations qui soulèvent des questions sur le comportement à adopter. Il s’agit la plupart du temps de dilemmes relevant de l’éthique et de la déontologie, d’où la difficulté à évaluer ces problématiques et à y remédier. Ou, pour le dire avec des couleurs: le tableau est rarement noir ou blanc. Les planificateurs évoluent majoritairement dans une zone grise et sont souvent amenés à naviguer entre gris clair et gris foncé, pour reprendre le tube des années 1980 de Jean-Jacques Goldman.
Jacques Haldy, avocat et professeur de droit, a su rendre les personnes présentes attentives à cette dimension, synonyme de pouvoir d’appréciation et de liberté. Jacques Richter a plaidé pour la confiance à accorder aux planificateurs dans l’exercice de leur profession et de leurs tâches, tout en rappelant que la confiance doit s’arrêter là où l’individu se montre incapable de gérer ses libertés, comme l’histoire nous l’apprend. 

Carton Rouge 


Le président du Conseil d’honneur du groupe professionnel Architecture, Jacques Aeschimann, a évoqué différents états de fait relatifs à des comportements d’architectes qui ont dû être analysés sous la perspective du respect des devoirs de la profession ancrés dans le Code d’honneur (SIA 151): conscience professionnelle, concurrence loyale, responsabilité professionnelle et éthique, respect des normes de la SIA, objectivité, sauvegarde du secret d’affaire et interdiction de percevoir des avantages de la part de tiers. Ces devoirs sont d’ailleurs imprimés au verso d’un carton rouge qui sera envoyé prochainement à tous les membres de la SIA, dans le but de leur rappeler les règles de comportement simples et éthiquement sûres (Safer Six) à appliquer au quotidien et les dangers afférents en cas de non-respect (Carton Rouge). Avant l’ouverture de la table ronde, Walter Maffioletti a lancé un appel pour le respect des droits d’auteur, étroitement lié à l’exercice loyal de la profession.

Honoraires


L’ingénieur Claude Penseyres, l’architecte Christiane von Roten et le professeur Blaise Carron ont illustré différentes problématiques menant à des situations aberrantes, telles que le recrutement de planificateurs étrangers au titre d’un «stage» avec des salaires ne permettant pas de vivre dignement, ou encore le recours à la sous-traitance dans des pays lointains. Lors des échanges avec le public, force a été de constater que les planificateurs sont contraints à réduire leurs prestations afin de pouvoir survivre avec des honoraires toujours à la baisse. Selon les intervenants, la sensibilisation des maîtres d’ouvrage sur la qualité et le prix des prestations d’étude pourrait constituer un garde-fou pour freiner cette tendance, en insistant sur le fait qu’économicité ne rime pas nécessairement avec bon marché, que la culture du mandat et du partenariat doit être exhumée et la plus-value des prestations intellectuelles valorisée.

Appels d’offres


Le respect d’une concurrence saine à la recherche d’une qualité offerte dans des conditions de travail correctes: c’est ainsi que Gabriele Guscetti, Alain Wolff et Daniele Graber ont résumé l’essence des appels d’offres. L’ingénieur, l’architecte et le juriste, du même avis, ont rappelé que la participation à un appel d’offre problématique le cautionne, rendant vain le travail des observatoires des marchés publics qui s’efforcent de rendre les planificateurs attentifs à la qualité des procédures d’appel d’offres. A cet égard également, un effort de sensibilisation est grandement nécessaire. Le public s’est montré très préoccupé par la présence de membres SIA au sein de jurys d’appels d’offres classés «rouge» par les observatoires des marchés publics. Un tel comportement est à déplorer et incompréhensible, comme constaté lors de cette journée à Renens, dans les locaux de Pont 12.

Message


Le colloque s’est clos sur ces propos de Jacques Richter: «Si, le soir avant de me coucher, je peux me regarder dans le miroir sans avoir mauvaise conscience, il est fort probable que j’ai agi pendant la journée de manière éthique et conformément à mes devoirs déontologiques.»
Le message final ne saurait être plus clair et pertinent, à condition que le planificateur ait une conscience et un miroir, et surtout que le miroir soit propre. Durant l’apéritif qui a suivi, le soupçon planait sur certains acteurs de la branche de ne pas disposer de miroir (ou de ne le jamais le nettoyer) exprès pour ne pas avoir à s’y regarder. 
Un miroir comme condition pour devenir membre de la SIA? Oui. Pas de conscience, pas de miroir propre, pas de dignité pour porter un titre SIA. 

Me Walter Maffioletti, responsable SIA-Droit, membre du comité du gestion

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