Les édi­tions B2

Une production éditoriale éclectique dans un format carte postale

Date de publication
11-12-2013
Revision
17-11-2015

Parti en 2008 au Centre Canadien d‘Architecture (CCA) dans le but de mener une étude relative à l’eugénisme et au modernisme de l‘entre-deux guerre, Nikola Jankovic en est finalement revenu avec l’audacieuse envie de créer une maison d’édition à Paris. En automne 2011, l’idée se concrétise avec la sortie de Trouville palaces, villas et maisons ouvrières, un petit recueil de trois études consacrées à l’édification entre 1840 et 1940 de cette station balnéaire française.

Plus de deux ans après la parution de ce premier opus, la jeune maison d’éditions comptent à son actif 27 volumes répartis en sept collections.

Un contenant minimal

Tout d’abord, le format carte postale. De dimensions 10x15, ces livres «de poche» – qui ont l’avantage de réellement tenir dans la poche puisque même l’épaisseur reste relativement mince – n’échappent sans doute pas aux intarissables curieux. En revanche, leur petitesse ne les préserve pas du risque de passer inaperçu au milieu des pavés monographiques, techniques, théoriques, voire promotionnels sur lesquels les grandes maisons d’éditions affichent leur label.

Côté graphisme, malgré le budget très serré dont dispose la jeune maison d’éditions, impossible de nier le soin et l’originalité que Nikola Jankovic et un trio1 issu de l’école des Arts Décoratifs de Paris ont porté au concept.

A chacune des collections correspond un code coloré – du rouge au violet – puisé dans le spectre visible de l’arc-en-ciel. En couverture, tout aussi élégante qu’énigmatique, voire incongrue, une photographie franc bord traitée en bichromie combinant la couleur d’une des sept collections et un noir profond fait la «une». Ce même duo coloré se retrouve au fil des pages: si le texte est en noir sur fond blanc, les appels de notes, les notes de bas de page ainsi que l’arrière-plan du cahier iconographique situé au centre de l’édition sont baignés de couleur. Un concept dynamique qui met en valeur et motive la consultation de ces éléments de référence dont la minutie décourage bien trop souvent la lecture. En bas de la couverture, un logo de forme triangulaire –en référence au célèbre avion furtif de l’armée américaine baptisé B-2 – se fond dans l’image. Pour plus de précisions, le sixième opus titré Fatal Beauty - Une ombre aux ailes coupées? rédigé par l’architecte Jan Kovac interroge justement l’ingénieuse conception de ce bombardier, aussi léger qu’onéreux.
De Trouville au domaine de l’aviation militaire, les deux opus susmentionnés et respectivement issus des collections «Patrimoine» et «Design» dévoilent une autre caractéristique fondamentale des éditions B2: l’éclectisme du contenu.

Un contenu maximal

Si l’architecture sert de fil rouge aux sept collections et connecte entre eux tous les éléments de l’essaim B2, le champ d’investigation embrasse en réalité toutes les disciplines qui interagissent – de près ou de loin – avec l’architecture. C’est justement cette généreuse marge de manoeuvre «dans le temps et dans l’espace, de Los Angeles à Vladivostok et de l’an mil à nos jours» qui confère tout l’intérêt au «cabinet de curiosités architecturales».

Sur les 27 opus, environ deux tiers sont des rééditions ou premières éditions en langue française de travaux plus ou moins récents, majoritairement menés en Amérique par des chercheurs issus du monde entier. Dénichés par l’éditeur, ces écrits méritent d’être traduits et véhiculés outre-Atlantique. C’est ainsi que fut, entre autres, (re)dévoilé dans la collection verte «Société» un opus intitulé La pelouse américaine en guerre, de Pearl Harbor à la crise des missiles, 1941-1961, un essai original que Beatriz Colomina avait écrit pour l’ouvrage collectif The American Lawn publié en 1999 par le CCA.

On trouve également dans ces deux tiers des textes collectors datés qui enrichissent la collection violette des «fac-similés» – notamment Form follows function de Sullivan, ou encore l’obsolescence planifiée de Bernard London. L’occasion de réviser ses classiques.

Dans un avenir proche, le tiers restant – principalement composé de textes récents et francophones – sera complété par le nouvel opus Rem: le bon, la brute rédigé par le sociologue français Jean-Louis Violeau.

En 2014, Claude Parent signera également un texte inédit sur la question des centrales nucléaires conçues pour leur inscription dans le site et leur enveloppe architecturale.

Une fois de plus, ne faut pas se fier aux apparences. Car, si, de manière unitaire, les éditions B2 peuvent sembler désuètes, mises bout à bout, il conviendrait plutôt de les considérer tel un «bricolage», au sens lévi-straussien du terme2, dont la qualité et la richesse éditoriale – pourtant réalisées avec les «moyens du bord» – méritent le détour.
Tous les ouvrages sont disponibles en ligne: www.editions-b2.com

 

Notes

1 Fabien Labeyrie, Geoffroy Pithon et Aurélien Thibaudeau
2 La Pensée sauvage, Paris, Ed. Plon, 1960, p. 27  

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