Les centres vil­la­geois comme la­bo­ra­toires du «vivre en­semble»

Résultat de concours

Le projet lauréat du concours pour la construction d’un quartier intergénérationnel d’habitations à Athenaz dans le canton de Genève démontre qu’en matière d’habitat les espaces ruraux se prêtent plus facilement à l’inventivité architecturale que les aires périurbaines minutieusement réglementées.

Date de publication
31-01-2020

Avusy est une modeste commune genevoise d’un millier et demi d’habitants située près de la pointe occidentale de la Suisse et vouée principalement à l’agriculture. Pour revitaliser la dynamique de son territoire, les autorités publiques ont lancé un concours d’architecture consacré au réaménagement urbain du centre villageois d’Athenaz. Il s’agissait de faire de son noyau ancien un quartier intergénérationnel d’habitations. Au programme, des logements pour familles, jeunes et personnes âgées, complétés par des locaux collectifs, des espaces culturels et des surfaces artisanales. En particulier, le nouveau fragment d’habitat rural doit garantir une relation harmonieuse avec le cœur du village et ses habitants.

Au vu des résultats du concours, le projet lauréat des architectes et paysagistes APAAR ainsi que l’ensemble des cinq propositions primées prouvent que les solutions architecturales dans des contextes faiblement planifiés mais riches en qualités sont bien plus inventives et inspirantes que les réponses dans des aires de développement fortement réglementées mais souvent dépourvues de caractère.

Absence de règles spécifiques mais abondance de ressources propres
Pour le village d’Athenaz, il n’existe pas de plan de site. Il n’existe pas non plus de plan localisé de quartier, de règlement spécial, de plan d’alignement ni de règlement communal spécifique. Les bâtiments sont implantés, dans la plupart des cas, de façon irrégulière par rapport à la rue qui les dessert. Les espaces ouverts de transition sont géométriquement très variés. L’identité du village est marquée à la fois par la contiguïté des constructions et à la fois par les décrochements des volumes qui créent des espaces privés de transition.

Cette absence de règles urbaines spécifiques est comblée par la prolifération de ressources naturelles caractéristiques de la valeur architecturale du lieu. Dans un tel contexte, les participants étaient invités à juger par eux-mêmes du maintien, du déplacement ou de la démolition d’éléments caractéristiques du site tels que bâtiments patrimoniaux, fontaine ou verger historique. Les candidats devaient même davantage valoriser les recommandations foncières du Plan directeur cantonal en renforçant la densité du site pour atteindre des indices d’utilisation du sol bien supérieurs: IUS de 0.8 à la place de 0.6.

Dans ce type de contexte, les conflits sont non seulement inévitables mais nécessaires. Cette friction entre solutions architecturales contemporaines et qualités patrimoniales et paysagères du lieu est devenue la ressource première des architectes. Sans exception, tous les participants se sont engagés dans un rapport de proximité au contexte avoisinant. À l’instar de la proposition de barre cintrée du bureau Jaccaud Spicher ou de la barre fractionnée du bureau veveysan Rapin Saiz, les espaces interstitiels, la fragmentation des volumes ou les gradations constantes d’intensité urbaine sont la quintessence des propositions présentées. Ces projets, affirmés dans leurs implantations, sont accompagnés de petits pavillons méticuleusement distribués sur le périmètre du concours pour que le nouveau quartier s’intègre habilement aux imprécisions et à la structure aléatoire du village.

L’art de vivre dans un village
«Être au calme, manger sous le pommier, rencontrer son voisin, cueillir les légumes du jardin, discuter avec l’agriculteur, voir les enfants jouer dans la ruelle, se rencontrer à l’épicerie... Le projet cherche à révéler tous les potentiels du village d’Athenaz et à y développer un art de vivre»  (Texte d’introduction du projet lauréat)

À ce jeu des recompositions villageoises, l’équipe d’APAAR architecture et paysage est une experte en la matière. Son savoir-faire, déployé dans des projets similaires comme celui conçu pour le village de Presinge ou à plus grande échelle pour le Grand Genève, a permis à ce binôme de partenaires architecte-paysagiste d’apposer une orientation précise pour les besoins spécifiques des espaces ruraux.

Les propositions villageoises du bureau APAAR se caractérisent par une réaction ambivalente au site. Les nouveaux équilibres recherchés par leurs projets profitent d’une part de la proximité du paysage et d’autre part des opportunités urbaines à créer sur ces lieux. Ses projets s’enrichissent de l’avantage du bâti pour générer de nouvelles formes d’intensités urbaines ruelles, places, murs, esplanadeet des qualités des espaces extérieurs verger, jardins, potagers, chemins pour les relier. Les espaces de transition accès, seuils, entrées, balcons, loggiasviennent soigneusement réunir ces deux univers pour réagir de manière ciblée aux spécificités du site. Avec ce projet pour Athenaz, APAAR continue son exploration du milieu rural pour proposer de nouvelles formes du «vivre ensemble».

L’enseignement des opérations villageoises
Compte tenu des conditions d’habitabilité et de la diversité typologique imaginée par les participants, qui n’habiterait pas dans un centre villageois comme celui d’Avusy à la place des périmètres périurbains en cours de développement?

Cette modeste opération urbaine d’une quarantaine de logements ne va pas résoudre à elle seule le manque en logements du canton. Elle sert néanmoins de modèle pour que la ville dense s’en inspire et permette/garantisse aux projeteurs des aires de liberté aussi riches et variées que celles forgées en campagne.

Ces nouveaux quartiers ruraux n’ont pas besoin de l’étiquette d’écoquartier ou de «cité de l’énergie»  pour se révéler comme une alternative complémentaire aux modèles de développement actuels. Éloignés du vacarme de la ville, les centres villageois s’érigent peu à peu en authentiques laboratoires typologiques et ils offrent, pour les architectes, un nouveau territoire d’expérimentation des multiples formes d’habiter.

 

Concours d'Athenaz

Tous les projets primés sont visibles sur notre plateforme espazium competitions : Quartier intergénérationnel d’habitations d’Athenaz

Résultats

1er rang «Pomme, poire et cerise»
apaar_ ATELIER PAYSAGE ARCHITECTURE / Ratio Bois / imaginewecreate
2e rang «La Ruelle»
Rapin Saiz Architectes / MCR et Associés Ingénieurs civils / Bureau de paysage Jean Jacques Borgeaud / STRATUS
3e rang «Neave»
Jaccaud Spicher Architectes Associés / 2M ingénierie civile / Atelier Descombes Rampini
4e rang «Chemins de traverse»
Liengme Mechkat architectes / Verso Ingénierie / Pascal Heyraud Architecte paysagiste
5e rang «1822»
A&F architectes / Regtec SA / Boss & Associes Ingenieurs Conseils / Maxime Monnier architecte paysagiste

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