Le se­cret der­rière la porte

Fritz Lang, 1948

Clara Schulmann, du Collectif Silo, nous fait visiter la "collection" de Mark Lamphere, personnage principal du film de Fritz Lang "Le secret derrière la porte".

Date de publication
17-01-2013
Revision
19-08-2015

Lors d’un voyage au Mexique, la riche héritière Celia Barrett rencontre un architecte, Mark Lamphere, qu’elle épouse sur un coup de tête malgré les mystères qui entourent le personnage. Une fois revenus de leur lune de miel, les jeunes époux s’installent dans la maison familiale de Mark aux environs de New York, doucement hantée par un mélange de fantômes et de folies diverses. A l’occasion de la fête qu’ils donnent pour leur retour, Mark propose à ses invités, surpris par la pluie, de visiter sa «collection»: comme d’autres collectionnent les papillons, Mark collectionne en effet les chambres. Une partie de sa maison est ainsi occupée par la mise en scène minutieuse d’espaces «historiques» bien singuliers: chaque pièce a, dans un passé parfois lointain, été le théâtre d’un meurtre. Obsessionnellement reconstituées, jusque dans le moindre détail de mobilier original, les chambres permettent d’étranges voyages –
psychiques, temporels ou scénaristiques.
La réception de mariage se transforme en visite guidée. Mark ouvre une à une les chambres et propose à ses invités le récit de l’événement traumatique qui s’y est déroulé. Filmée par Fritz Lang, cette scène prend des allures de conte de Barbe Bleue pimenté de psychanalyse : Hollywood y puise alors – le film sort en 1948 – ses fééries modernes. Parmi les invités, une étudiante en psychologie vient en effet perturber le récit fasciné du personnage pour les meurtres, qu’à sa manière, il collectionne, convaincu que les lieux ont parfois le pouvoir maléfique d’orienter nos actions. Interrompant le flux identificatoire du récit, la jeune femme vient démontrer que le meurtre aurait pu être évité grâce à la psychanalyse: en s’y intéressant, chacun de ces personnages aurait compris ce qui l’aliénait dans les espaces en question. 
La scène est construite sur des séries d’oppositions. A l’image, Lang se concentre sur les objets et accessoires nécessaires à la reconstitution: verre de vin, écharpe, dague, etc. Il joue le jeu de la fascination par la mise en scène et l’immersion. Au son, Mark Lamphere égrène le scénario ayant conduit à l’inévitable. Puis, la jeune femme joue les contradicteurs et démontre à l’auditoire combien les outils psychanalytiques permettent de comprendre, en les déconstruisant, les assises du fantasme. 
Chez Lang, la logique tant divinatoire, performative que morbide du cinéma doit éprouver son propre contre-champ.

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