Le fleuve sau­vage

Elia Kazan, 1960

Le Silo décortique l'hommage de la politique rooseveltienne du "New Deal" fait par Elia Kazian dans son film "Le fleuve sauvage"

Date de publication
19-02-2013
Revision
23-10-2015

Au début des années 1930, le gouvernement américain fait construire une série de barrages sur le Tennessee. L’objectif est double : d’une part, contrôler le débit de la rivière pour éviter les inondations; de l’autre, générer de l’électricité. L’arrivée du progrès dans cet état du sud des Etats-Unis est mise en scène par Elia Kazan dans Le fleuve sauvage, qu’il réalise en 1960. Chuck Glover, le personnage joué par Montgomery Clift, est l’incarnation de la modernité. Représentant de la Tennessee Valley Authority (TVA), il vient de Washington pour convaincre les derniers riverains de quitter leur maison pour que la mise en eau puisse avoir lieu. Face à lui se situe Ella Garth, une dame âgée interprétée par Jo Van Fleet. Personnification du sud archaïque, elle refuse de partir, et ne s’intéresse pas vraiment aux bénéfices de l’électricité.
L’hommage à la politique rooseveltienne du «New Deal» voulu par le réalisateur s’avère pourtant compromis. Non seulement le personnage de Van Fleet se révèle plus charismatique que celui de Clift, mais l’image de la campagne vouée à l’inondation dépasse, en charme et luminosité, celle du bourg. Fraîchement arrivé de Washington, le fonctionnaire de la TVA doit se mettre au travail dans un bureau encombré, où la paperasse, des cartons et des plans s’accumulent sur des étagères métalliques.
Juste en face, une population misérable attend la distribution de vivres. Après avoir pris le bac pour se rendre sur l’île où vivent la famille d’Ella Garth et ses employés, Glover y découvre une maison qui le fascine: tout en bois, et dotée d’une généreuse terrasse. Ella, sa fille et sa petite fille y sont assises, sans parler, en train de regarder le paysage.
Dans une région où les affects semblent prévaloir, le personnage de Montgomery Clift reste le représentant de la raison et du progrès, notamment en payant le même salaire aux employés noirs et blancs qu’il embauche. Néanmoins, le film ne fait pas non plus l’éloge de la modernisation. A ce sujet, le fragment d’actualité filmée, à l’ouverture, peut être compris à double tranchant: si le pouvoir mortifère de la rivière est mis en valeur par l’image d’une maison qui s’effondre et le témoignage d’un homme qui vient de perdre toute sa famille dans une inondation, le fait que cela arrive dans le Tennessee après la mise en oeuvre des barrages fait émerger un doute sur leur efficacit頖 ou leur nécessité.

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