In­té­grer les ré­seaux cy­clables dans le tissu ur­bain

Le vélo a un très grand potentiel de développement en ville : améliorer les infrastructures est essentiel. Afin de tendre vers de meilleurs réseaux cyclables, plusieurs stratégies et axes d’intervention peuvent être imaginés

Date de publication
21-07-2015
Revision
22-10-2015

Dans les villes, de nombreux itinéraires et aménagements cyclables sont aujourd’hui discontinus, peu adaptés aux besoins des usagers ou tout simplement inexistants. Les raisons les plus souvent invoquées pour «justifier» ces trous dans les réseaux sont le manque de moyens à disposition et de place dans un espace urbain souvent contraint, la difficulté de planifier ou réaliser des aménagements sur un itinéraire complet plutôt que par tronçon au gré des opportunités, ou encore l’absence de planification spécifique en faveur des vélos.
Pourtant, cela fait près de quinze ans que l’Office fédéral des routes (OFROU) a été chargé d’élaborer un plan directeur départemental (lire encadré) en vue d’encourager les mobilités douces. A la base de cette initiative se trouve la volonté de la Confédération de donner un statut égal aux trois piliers du transport des personnes: trafic individuel motorisé, transports publics et mobilités douces.


Les atouts du vélo en milieu urbain


C’est en milieu urbain que le vélo est le plus apte à remplir son rôle de troisième pilier du transport de personnes. A l’heure actuelle, un tiers des déplacements réalisés se font sur des distances inférieures à 3 kilomètres et la moitié sur moins de 5 kilomètres. Si ces distances sont parfaitement adaptées à la pratique du vélo, le vélo électrique permet, lui, d’envisager de plus grands trajets. Le potentiel de la mobilité cycliste est énorme et insuffisamment exploité.
L’efficacité est un autre atout du vélo en milieu urbain. Très concurrentiel, il permet une simplicité de déplacement, de porte à porte, sans détours ou changements, et ne nécessite que peu d’espace. C’est particulièrement dans le milieu périurbain, à plus faible densité et où la couverture en transports en commun est parfois insuffisante, que le vélo est le mode le plus efficace – par exemple pour se rendre au centre-ville.
Même les contraintes topographiques, souvent citées comme frein majeur au développement de la pratique du vélo, ne sont plus insurmontables. Avec l’avènement du vélo électrique, les villes avec des déclivités importantes deviennent également attractives pour les cyclistes.


Enjeux et stratégies possibles de mise en œuvre


Le vélo est, comparativement au trafic motorisé, un mode non dominant et donc vulnérable. Il est en position de faiblesse dans le trafic. Il faut donc tenter d’équilibrer le rapport de force entre les différents modes. Par ailleurs, il est rare que de nouvelles infrastructures routières viennent faciliter l’aménagement de réseaux cyclables; dans la majorité des cas, il est nécessaire d’intervenir sur le réseau routier existant.
Il est également indispensable d’encourager et développer la pratique du vélo. La mise à disposition d’infrastructures de qualité est une condition essentielle au développement de la mobilité cyclable, mais elle ne suffit pas à elle seule. Promouvoir le vélo comme mode de déplacement quotidien doit donc faire partie des stratégies cyclables mises en place. Deux modes d’interventions apparaissent: les interventions infrastructurelles et celles de promotion.


Interventions infrastructurelles


Dans les localités, chaque intervention sur l’espace public, et plus particulièrement la voirie, nécessite de modifier la répartition de l’espace entre les modes. Dans de rares cas, il est possible «d’ajouter» un aménagement cyclable sans modifier de manière significative la situation des autres modes – par exemple lorsque les voies de circulation sont plus larges que ce qui est nécessaire. Mais, dans la majorité des cas, l’aménagement d’itinéraires cyclables entraîne des arbitrages et des compromis, jamais aisés à obtenir et qui ne donnent pas toujours des résultats satisfaisants.
Aux aspects techniques s’ajoutent les aspects financiers. Là aussi, il faut trouver un équilibre entre les montants que la collectivité veut/peut investir et la solution optimale pour les cycles – qui nécessite peut-être des investissements importants, par exemple un franchissement dénivelé d’un carrefour à très fort trafic.
Pour développer des méthodes facilitant la réalisation d’aménagements cyclables de qualité, il existe trois stratégies principales de mise en œuvre d’interventions infrastructurelles. En premier lieu, profiter des grands projets d’aménagement. Autrement dit, faire preuve d’opportunisme et améliorer le réseau lorsque des possibilités se présentent. Des projets tels que le réaménagement de routes dans le cadre de l’assainissement au bruit routier ou les grands projets de transports en commun sont autant de possibilités pour réaliser des infrastructures cyclables de qualité. L’enjeu est alors d’assurer une continuité suffisante et des accroches nécessaires au réseau existant. Il est primordial, surtout aux carrefours et autres points de rivalités potentielles, d’éviter de créer uniquement les tronçons «faciles» et favoriser de la sorte un réseau cyclable lacunaire et peu sécuritaire.
Deuxièmement, planifier des projets phares, soit des projets d’envergure qui permettent de donner une plus-value significative au réseau et une visibilité accrue au développement des mobilités douces. C’est typiquement le cas des franchissements, de voies ferrées ou d’autoroutes, dédiés aux vélos et aux piétons ou des grands itinéraires verts – par exemple des traversées d’agglomération – qui favorisent d’une part la structuration du réseau à large échelle et d’autre part la qualité et la lisibilité des itinéraires à l’échelle locale. Ces projets phares peuvent (devraient) être intégrés aux projets d’agglomération et donc bénéficier d’aides au financement pour leur réalisation. Ici aussi, l’enjeu est de veiller à une planification et une réalisation complète, notamment dans le cas des itinéraires, et non uniquement de certains tronçons.
Enfin, développer des zones à trafic modéré – zones 30 et zones de rencontre. Cette stratégie vise à équilibrer les rapports de force entre cyclistes et usagers de la route et faciliter ainsi le partage de l’espace à disposition plutôt que de tendre vers une séparation des modes qui nécessite sensiblement plus de place.
A ce titre, il faudrait s’affranchir du principe qui veut que toutes les routes, quelle que soit leur hiérarchie ou leur situation, soient équipées pour les cycles, et tendre à une meilleure distribution de l’espace à disposition. Dit simplement, il est peut-être plus aisément acceptable de prioriser et dédier de l’espace aux vélos sur certaines routes si ce n’est pas sur des itinéraires parallèles.
La plupart des routes principales sont équipées pour les vélos de manière partielle, par manque de possibilités ou de volonté, et il existe dans le même temps des quartiers à circulation modérée mais dont la traversée à vélo est peu pratique, en raison de détours, de pertes de priorités ou de franchissements difficiles. Dans certains cas, une amélioration possible consisterait à aménager des itinéraires cyclables forts dans les quartiers à trafic modéré (jalonnement et marquage de l’itinéraire adéquat, priorité aux vélos dans les carrefours, possibilité d’emprunter les itinéraires plus directs par la généralisation des contre-sens cyclables ou rues accessibles en voiture uniquement aux riverains) tout en détournant les vélos des axes principaux.
De telles solutions existent déjà, notamment en Allemagne (Fahrradstrasse) et surtout aux Pays-Bas (Fietsstraat). En Suisse, la législation ne le permet pas encore, mais des réflexions et études allant dans ce sens sont en cours.


Interventions de promotion


La promotion du vélo est un enjeu primordial pour le développement des mobilités douces. Plus le grand public sera impliqué et favorable au vélo, plus il sera aisé d’obtenir des actions politiques pour favoriser son usage.
Encourager la pratique du vélo par des actions ponctuelles mais régulières doit faire partie de la politique cyclable de toute ville souhaitant développer ce mode. Ces actions peuvent prendre des formes très variées: dimanches sans voiture au centre-ville, mise à disposition facilitée de vélos ou encore encouragement des entreprises/employeurs à leurs collaborateurs d’utiliser le vélo pour les déplacements pendulaires.
Il est également fondamental d’endiguer la baisse d’utilisation du vélo chez les jeunes, grâce à la mise en place de formations adéquates et à l’encouragement de la pratique du vélo dans les écoles. Des aménagements adéquats de l’espace public, qui tiennent compte des usagers les plus vulnérables, doivent également être mis en place pour permettre ce renversement de tendance.


Perspectives


Une meilleure intégration des réseaux cyclables dans les villes sera possible si se manifeste une volonté plus forte d’améliorer les aménagements et de davantage favoriser le mode de transport le plus adapté aux distances des déplacements urbains. Des principes d’arbitrage clairs devront être définis et respectés et les compromis ne permettant finalement pas de solutions satisfaisantes évités.
Pour ce faire, tous les outils de planification et de nombreuses opportunités existent. Il s’agit dès lors que tous les acteurs concernés se mobilisent et travaillent dans la même direction pour développer de manière efficace la pratique du vélo dans les villes.

David Tron, ingénieur transports EPFL, chef de projet à Citec Ingénieurs Conseils. Citec est à l’origine de la première zone 30 du canton de Genève qui date de 1999.

 

 

Les bases normatives et de planification en matière de mobilité douce

Le «Plan directeur de la locomotion douce», élaboré en 2001, est le document duquel découlent toutes les directives de planification existantes. Les échelons de planification actuels – qui ne sont pas obligatoires et qui ont alors un degré de développement qui peut différer fortement d’un canton à l’autre – sont:

  • –    en plus de la stratégie générale, la législation, les normes et les recommandations qui sont établies au niveau fédéral et qui donnent le cadre global dans lequel tout réseau cyclable doit s’inscrire;
  • –    la stratégie cantonale pour les mobilités douces qui doit, pour chaque canton, définir la direction vers laquelle il souhaite faire évoluer les mobilités et les moyens qui doivent être mis en œuvre;
  • –    le plan directeur cantonal pour les mobilités douces (ou spécifiquement pour les vélos) qui définit plus précisément les mesures et les priorités pour le développement du réseau cyclable;
  • –    les plans d’agglomération qui, pour le volet mobilité douce, doivent mettre en cohérence et préciser les planifications à l’échelle de l’agglomération (donc les différentes planifications communales ainsi que les planifications au niveau cantonal);
  • –    les plans directeurs communaux qui, soit dans un volet annexe, soit dans un plan directeur spécifique, précisent les réseaux de mobilité douce à l’échelle de la commune.

Finalement, différentes normes (éditées par la VSS) et cahiers de recommandation (pour la plupart édités par l’OFROU) existent. Ces documents donnent les bases à suivre pour le bon aménagement d’itinéraires cyclables : les gabarits, les dimensions, les bonnes pratiques, le tout en fonction du contexte et du type d’itinéraire.

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