Gran­deur et dé­crois­sance des grands en­sembles ge­ne­vois

Un demi-siècle après les cités satellites, une génération de nouveaux quartiers sort de terre en périphérie de Genève. De quelles règles sont-ils les produits, de quels modèles sont-ils les héritiers? Et que se passera-t-il après eux?

Date de publication
12-03-2023

Toute une génération de nouveaux quartiers est récemment apparue dans le paysage genevois : plusieurs milliers de logements construits sur des zones agricoles, des colonies d’habitants qui doivent maintenant inventer leur vie dans ces espaces tout neufs. Programmés au début des années 2000 en zone de développement 31 pour répondre massivement aux besoins en logements, notamment à loyers modérés et aborables, que nous racontent ces grands ensembles, échos contemporains des cités satellites, quelques années après leur livraison? Sont-ils de purs produits immobiliers, issus de procédures et d’outils d’aménagement calibrés pour faciliter la croissance urbaine? Ou plutôt des terrains d’expérimentation, des opportunités – qui ne se représenteront peut-être plus – d’inventer des morceaux de ville sur des terres vierges, de concrétiser dans l’espace un projet de société plus égalitaire, une vision pour un avenir décarboné, au-delà de la notion galvaudée et réductrice d’«écoquartier»?

Ce dossier s’intéresse à ce que la planification, les règles de l’urbanisme et le marché font au territoire, à ce qu’ils produisent comme formes urbaines et comme urbanité. Il tente, à travers l’observation de quelques-uns de ces grands ensembles, d’imaginer les modes de vie qui vont s’y développer et leur potentiel d’adaptation aux changements à venir.

Une visite des Vergers à Meyrin, de La Chapelle-Les Sciers à Plan-les-Ouates et Lancy et de Belle-Terre à Thônex révèle des récits, des réalités et des ambiances très contrastés, loin de l’uniformité à laquelle les perspectives des projets nous avaient préparés. Densité, formes urbaines plus ou moins compactes, styles architecturaux bigarrés ou parfaitement accordés, usages des rez-de-chaussée et traitement des espaces libres, chaque quartier a sa singularité. Les photographies de Matthieu Gafsou en rendent compte avec malice et finesse. L’heure du jour (le matin, en semaine) et la température (entre – 2° C et 2° C les 26 et 30 janvier 2023) expliquent pour partie l’absence d’êtres humains dans ses photos. Elles révèlent aussi le caractère quasi exclusivement résidentiel de ces ensembles.

Genève a désormais consommé toutes ses zones à bâtir et ces nouveaux quartiers sont sans doute le chant du cygne de l’urbanisme du masterplan, les derniers grands gestes urbains et architecturaux hérités de la croyance très moderne en une croissance infinie. Après eux, les modes de production de la ville devront se réinventer pour continuer à accueillir et loger, en composant cette fois avec les limites du territoire.

Note

 

1 Voir la loi générale sur les zones de développement (LGDZ): les constructions en zones de développement 3 sont financièrement contrôlées par l’État avec une importante proportion de logements subventionnés.

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