Fa­çades pho­to­vol­taïques

L'exemple du bâtiment des SIE

Le conseil d’administration de SIE SA, Service intercommunal de l’électricité, distributeur de l’énergie électrique des communes de Chavannes-près-Renens, Crissier, Ecublens et Renens, souhaitait regrouper l’ensemble de ses services sur le site de son centre d’exploitation à Crissier et abandonner des bâtiments administratifs mal adaptés, situés au centre de Renens. Le projet retenu comprenait notamment l’intégration d’une façade avec des panneaux photovoltaïques de nouvelle génération.

Date de publication
14-02-2012
Revision
19-08-2015

Selon le règlement du plan de zone communal, le projet devait se réaliser sous forme d’agrandissement du bâtiment existant, par juxtaposition ou par superposition. En 2007, une étude de faisabilité montrait la viabilité de ce concept. C’est sur cette base que le maître de l’ouvrage a pris la décision de principe de réaliser le projet sous forme de concours entre entreprises totales, réunissant dans une seule équipe l’ensemble des concepteurs de l’ouvrage, voire une partie des exécutants. Les raisons de cette option étaient d’abord les contraintes importantes du site synthétisées dans l’étude de faisabilité mise à disposition des concurrents qui limitaient la liberté architecturale. A celà s’ajoutaient la volonté de disposer dès le départ d’une maîtrise des coûts et des délais et le souci de limiter les risques de recours en matière de procédure. En effet, bien que constituée en société anonyme, SIE SA est soumise aux règlements des marchés publics. Ne disposant pas d’expérience pour piloter une telle opération, la direction de SIE SA s’est adjoint l’appui d’un architecte à titre de conseil du maître de l’ouvrage, chargé notamment d’organiser la procédure de concours entre entreprises totales.

Objectifs du maître de l’ouvrage

Dans son cahier des charges, le maître de l’ouvrage attachait une grande importance à la qualité fonctionnelle et architecturale du projet, notamment par une bonne interconnexion des bâtiments existant et nouveau et par une grande flexibilité et modularité des espaces. En matière architecturale, le bâtiment devait contribuer à l’image de marque d’un maître de l’ouvrage ouvert aux technologies nouvelles et soucieux de durabilité. Dans le domaine énergétique, le standard minergie était imposé, de même que le raccordement à l’usine de chaleur-force à base de déchets de bois CRICAD située à proximité. Pour le reste, les concurrents étaient invités à présenter des concepts énergétiques et de gestion de l’énergie innovants, y compris le recours à l’énergie solaire, accompagnés le cas échéant de calculs de rentabilité. Par ailleurs, les concurrents devaient fournir une proposition de densification ultérieure du domaine bâti sur la parcelle, le cahier des charges laissant toute liberté à ce titre. Les objectifs du maître de l’ouvrage ont été pris en compte dans la pondération des critères de sélection, où les aspects liés à la conception, la technique et la planification (40 %) l’emportent sur le prix (30 %) et sur les critères administratifs (30 %).

Le projet lauréat

La commission d’évaluation a proposé de retenir le projet de l’entreprise générale Batineg SA, qui allie des qualités architecturales et fonctionnelles – notamment des liaisons multiples et courtes entre le bâtiment existant avec la nouvelle construction – pour un prix se situant dans la moyenne des cinq offres déposées. Le projet lauréat tire profit de la possibilité offerte de superposer partiellement la nouvelle construction au bâtiment existant, le solde des locaux étant logés dans un nouveau volume adossé au bâtiment existant. Le projet densifie par ailleurs l’exploitation de l’existant par la création de planchers intermédiaires dans certains volumes à double hauteur.
Ces propositions ont permis de maintenir un prix global raisonnable, malgré les difficultés techniques et statiques engendrées par la surélévation du bâtiment existant, qui n‘avait pas été conçu dans cette perspective. Pour la densification future, les lauréats proposent une surélévation de trois étages du nouveau corps de bâtiment juxtaposé à l’ancienne construction, laissant ainsi la porte ouverte à une extension interne ou à l’accueil de tiers.
Au niveau de la façade, le projet utilise des éléments photovoltaïques d’une nouvelle génération, répondant ainsi à la volonté du maître de l’ouvrage d’exploiter des technologies innovantes. La possibilité de couvrir ultérieurement le toit avec des éléments photovoltaïques reste ouverte. Le climat intérieur est régulé par des moyens classiques : fenêtres ouvrantes (conformément au cahier des charges), ventilation selon standard minergie, chauffage par radiateurs, refroidissement par aérorefroidisseurs individuels dans les plafonds, commande de tous les éclairages par détecteurs de présence et de luminosité.
Après analyse, la commission d’évaluation a proposé de retenir une variante d’entreprise consistant à étendre la nouvelle façade au bâtiment existant et de le rendre lui aussi conforme au standard minergie. Le projet ainsi complété demeurait dans le budget du maître de l’ouvrage et, le 25 mars 2010, le Conseil d’administration de SIE SA acceptait toutes les propositions de la commission d’évaluation.

Structure 

La structure existante comprend deux parties : un bâtiment administratif avec une structure porteuse béton et une halle de stockage en charpente métallique comportant un bardage isolé en façade. Le projet prévoyait une surélévation sur l’ouvrage existant et un agrandissement en partie arrière dans le talus à fort dénivelé.
La surélévation devait être la plus légère possible afin de limiter le renforcement de la structure existante. Une reprise en sous-œuvre a cependant été nécessaire pour renforcer les fondations par rapport à la surcharge apportée par la surélévation. Un étayage provisoire et minutieux de l’ensemble des porteurs de la charpente acier existante a dû être réalisé. Sous chaque pilier concerné par la surélévation, coupé temporairement de sa fondation, au moins deux micropieux ont été forés à des profondeurs comprises entre 15 m et 20 m. Ces micropieux ont alors été coiffés par un profilé type HEB de grosse section et l’ensemble noyé dans une nouvelle semelle béton fortement armée. Les piliers nouvellement refondés ont ensuite été noyés sur l’ensemble de leur hauteur dans du béton afin d’éviter leur flambage et de renforcer leur protection anti-feu. En effet, si la protection anti-feu existante, sous forme de peinture ignifuge, était suffisante pour la construction initiale à deux niveaux ou pour une halle à double hauteur, elle ne satisfaisait plus les exigences liées à l’ajout d’un étage supplémentaire. Dans la même logique, les poutres principales ont dû être protégées par un revêtement en plâtre.

Façades énergétiques et toiture

Les façades ont été réalisées selon le concept FaceActive®, qui assure l’intégration de panneaux photovoltaïques avec leur pré-câblage sur des éléments de façade à ossature bois entièrement préfabriqués en usine. Les éléments sont isolés avec de la laine de roche respectant les exigences de minergie et présentent un revêtement intérieur prêt pour l’application d’une finition. La face extérieure peut recevoir soit des fenêtres à triple vitrage, soit des panneaux photovoltaïques ou du type Emalit.
La solution mise en œuvre a été d’envelopper le bâtiment – y compris sa partie existante – de 800 m?2 de panneaux d’aspect verre noir, dont près de 380 m?2 de panneaux photovoltaïques. Ces derniers, de nouvelle génération, combinent notamment une couche amorphe avec une couche microcristalline de silice, ceci sur la base de technologies de couches minces. Moins coûteux que les panneaux monocristallins, ils présentent cependant un rendement inférieur à ceux-ci. Leur particularité est d’être sensible non seulement au soleil, mais aussi à la lumière. Si bien que, contrairement aux panneaux classiques dont l’efficacité dépend de leur angle par rapport au rayonnement solaire, ces panneaux produisent de l’électricité même en position verticale et sans ensoleillement direct. Ils peuvent donc habiller une façade et produire, dans le cas du SIE, près de
30 000 kilowatts/heure par année.
Sur décision du maître de l’ouvrage, les façades du bâtiment existant, présentant un bardage métallique ondulé sans intérêt, ont été doublées avec une façade d’aspect identique à celle de l’extension. Une structure métallique a été fixée au revêtement existant et une vêture assemblée sur place est venue habiller l’ensemble (fig. 8 ). Les éléments photovoltaïques, fournis en dimensions modulaires, ne correspondant à priori pas aux caractéristiques de la façade existante, ont été complétés par des panneaux Emalit pour assurer les rattrapages dimensionnels. La proportion d’éléments photovoltaïques sur le revêtement de la façade existante est donc forcément inférieure à celle optimisée des éléments préfabriqués de la nouvelle construction. Le prix moyen pour la façade (ossature bois, isolation, vitrages, éléments photovoltaïques et inertes, non compris le réseau électrique bâtiment, onduleurs etc) a été 850.- fr./m?2 HT.
La toiture a été complètement végétalisée, améliorant ainsi l’enveloppe thermique du bâtiment en évitant de gros chocs thermiques, notamment en été. La végétalisation a également permis de réaliser une rétention des eaux pluviales et de créer une cinquième façade bien visible depuis le chemin de la Gottrause, voie d’accès et d’entrée au bâtiment pour les visiteurs.

Concept énergétique et de régulation 

Comme mentionné, l’énergie thermique est fournie par le réseau à distance de l’usine chaleur-force CRICAD qui utilise des déchets de bois. Le souhait du maître de l’ouvrage de produire le froid également par CRICAD n’ayant pas pu être assuré dans des conditions économiques acceptables (en raison de températures de retour peu compatibles avec un fonctionnement rationnel de machines de froid par absorption de chaleur), la production de froid est donc assurée par une machine classique à compresseur. 
Une ventilation double flux et une gestion de la régulation numérique permet d’optimiser le concept de renouvellement d’air. Chaque local est géré par un IRC (Individual Room Control) qui pilote les radiateurs, les vitesses et les vannes de chaque aérorefroidisseur en fonction de la température ambiante et des consignes données par l’utilisateur, ainsi que les stores et le système d’éclairage, basé sur des capteurs de présence. Toutes ces fonctions sont gérées par une télécommande spécifique à chaque local et de façon globale depuis un poste de commande.

Bilan très positif

Le résultat de l’opération répond bien aux demandes d’un cahier des charges exigeant et satisfait pleinement les attentes du maître de l’ouvrage. Les quelques difficultés rencontrées, inévitables dans tout processus de construction, ont été traitées à satisfaction. Le calendrier serré a été respecté, de même que l’aspect financier : les plus-values de 180 000 francs acceptées en cours de chantier, sont inférieures à 1,8 % du marché initial et répondaient à des demandes complémentaires du maître de l’ouvrage. L’extension du parking extérieur, impliquant une mise à l’enquête complémentaire, totalise à elle seule la moitié du montant des plus-values. 
Parmi les aspects critiques, il faut mentionner le renforcement structurel du bâtiment existant, resté en service pendant le chantier, dont la durée et l’impact sur le fonctionnement avaient été sous-estimés par le maître de l’ouvrage. Par ailleurs, le système de contrôle du climat intérieur individualisé, outre l’élimination des défauts de jeunesse, demande un peu de formation et de changement d’habitudes des utilisateurs, notamment en ce qui concerne l’ouverture des fenêtres.

Sébastien Oesch est architecte EPFL à Clarens et architecte conseil du maître de l'ouvrage dans ce projet
Guy Bosméan est ingénieur civil et directeur de Batineg SA

 

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