Drive

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Le Silo, un collectif de chercheuses dédié aux images en mouvement, présente un excursus au croisement du cinéma et de l’architecture. Dans cette contribution, Silo porte son regard sur le film Drive de Nicolas Winding Refn.

Date de publication
13-01-2012
Revision
01-09-2015

« Bien plus tard, assis par terre, adossé à une cloison dans un motel à la sortie de Phoenix, les yeux fixés sur la mare de sang qui se répandait vers lui, le chauffeur se demanderait s’il n’avait pas commis une terrible erreur. Encore plus tard, bien sûr, il n’aurait plus le moindre doute. » 

Le protagoniste de Drive est cascadeur. Le jour il conduit pour le cinéma et la nuit pour le compte de la mafia. L’homme aux mouvements précis et au cœur sensible vient de nulle part. On ne connaît rien sur son passé. On ne connaîtra rien sur son avenir. Impassible. Inexpressif. Dans l’instant. Le tourment guette au fond de son regard. Et puis, viennent les scènes de carnages. L’homme au volant devient un tueur expéditif. Sec.
La mise en scène de Nicolas Winding Refn s’indiffère des transitions classiques. Frôlant le risible, il assume le cliché impur entre mélodrame poétique et violence gore. Le désir pour la femme de la porte d’à côté ne s’extériorise jamais entièrement. Le corps le détient. Le cadre le manifeste mais ne le délivre pas. Refn et son protagoniste Ryan Gosling ont voulu faire un film néo-noir aux allures de conte de fées. 
Universal avait déjà voulu faire de ce roman de James Sallis un film d’action. Cette première version éliminait du récit l’élément du cascadeur et la référence au cinéma, exercice d’autoréflexion ayant probablement été jugé fort dérisoire. Mais sans quoi l’histoire était mutilée et le personnage vidé de son art. Refn et Gosling remettent le livre dans le script. Le chauffeur retrouve ses deux gagne-pains et la noirceur cynique qui définit son personnage.
Les deux hommes avouent – non sans vouloir alimenter leur propre mythe – que le film est l’essence de ce qu’ils ont vécu en le développant : beaucoup de driving in LA et de séances de cinéma. Ils se voient réincarner le duo Steve McQueen et Peter Yates. En 1968, le couple avait enfanté Bullitt et une des plus emblématiques courses poursuites de l’histoire du cinéma : Ford Mustang vs. Dodge Charger
Quant au sens du titre Drive il dit à la fois la conduite et la pulsion. L’essence mobilisatrice qui transforme l’aspiration en action. Face à une telle instance d’élan, Refn déploie un rythme hybride entre lenteurs de suspension et hâtes de chocs immédiats. Il accélère et puis il ralentit. Il change les vitesses et les écritures cinématographiques. Entretemps, le jeu de son acteur reste minimal, liminal. Son visage est imperturbable à la limite du vivant. L’automobile et le film partagent le même moteur et la même boîte de vitesses. Refn est à la commande du cinéma et Gosling au volant de la voiture qui le transcende et l’allégorise. Ils conduisent ensemble deux engins qui se ressemblent, qui nous font voyager en faisant défiler les images.

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