Dis­tinc­tion Dis­tinc­tion «Um­sicht – Re­gards – Sguardi 2017»: un pal­ma­rès éclec­tique

Perspectives pour les régions alpines reculées, concepts de bâtiments intelligents, densification maîtrisée et mode de vie solidaire dans l’agglomération: le palmarès de Regards 2017 reflète les défis qui se posent aujourd’hui au bâti suisse.

Date de publication
20-04-2017
Revision
20-04-2017

Aucune salle du Musée national suisse à Zurich ne pouvant contenir les 400 invités de la remise des prix de Regards, la SIA a décidé de la mener simultanément dans une salle de la nouvelle aile et dans l’une du bâtiment d’origine à l’architecture de style médiéval, où étaient accueillies les équipes des projets primés. Grâce aux écrans installés dans chacune des salles, le public ainsi réparti en deux groupes a pu suivre en direct la présentatrice Monika Schärer, le président de la SIA Stefan Cadosch et les lauréats, d’abord dans le nouveau bâtiment, puis dans l’ancien, avant de se retrouver au complet dans le foyer à l’issue de la cérémonie. Une telle opération requiert une coordination et une synchronisation parfaites, un planning réaliste et des processus maîtrisés. Aussi, la chorégraphie de la cérémonie Regards 2017 a-t-elle prouvé qu’avec une bonne dose de communication et de travail d’équipe, de la précision et une solide expérience, des défis complexes peuvent être relevés. La transformation et l’extension de la gare d’Oerlikon, qui s’est étalée sur près de douze ans, en est l’illustration parfaite. Malgré le nombre de personnes impliquées, plusieurs maîtres de l’ouvrage, des replanifications, les travaux en pleine exploitation et des extensions du périmètre d’étude, les architectes du bureau zurichois 10:8 sont parvenus, en collaboration, avec 16 concepteurs spécialisés, à maintenir une unité de langage architectural sur l’ensemble des ouvrages. C’est pourquoi le jury n’a pas hésité à attribuer l’une des six distinctions à ce projet. Interdisciplinaire, multi-dimensionnel, inscrit sur le long terme, il porte toutes les valeurs promues par la SIA au travers de sa distinction « Umsicht – Regards – Sguardi ».
79 travaux ont été soumis à l’occasion de la quatrième édition de Regards, soit exactement le même nombre qu’en 2013. Le président de la SIA, Stefan Cadosch, qui a également assuré la présidence du jury, a souligné que la qualité des projets soumis s’est améliorée à chaque édition. Pour les initiateurs de la distinction, cela démontre clairement que le concept s’est imposé.

« Investissez le champ du politique »


Malgré les discours élogieux, la cérémonie de remise des prix n’a guère versé dans l’autocélébration corporatiste. « N’entrez pas en politique par la porte de service ! » a lancé Matthias Daum, responsable de l’antenne suisse du journal Die Zeit aux invités. Certes, les associations de concepteurs sont admises dans les sphères du pouvoir. Les politiques – dont la conseillère fédérale Doris Leuthard – les consultent. Mais il n’en reste pas moins que les véritables décisions sont prises par d’autres. « Ne vous limitez pas à votre rôle de conseiller ou de prestataire », les a enjoint Daum. Qu’il s’agisse de la lutte contre le mitage ou d’une politique énergétique durable : « Vous pouvez et devez investir le champ du politique ! » Et ce tous les jours, pas uniquement aux échéances du calendrier politique.
A peine les applaudissements pour ce discours engagé de l’invité d’honneur s’étaient-ils tus que la transmission commençait dans le nouveau bâtiment, la présentatrice ayant rejoint l’ancien. Les distinctions – des sésames, mini-trésors contenant le verdict du jury destinés à être fixés aux ouvrages – étaient remises aux lauréats, dont l’identité était ainsi dévoilée au fur et à mesure, après la tenue d’un bref discours par l’un des jurés.
La rénovation de la centrale de Hagneck sur le lac de Bienne et la revitalisation de l’Aire en périphérie de Genève, deux projets articulés autour de la thématique de l’eau, se distinguent par l’interdisciplinarité de leurs approches. La nouvelle centrale concilie des contraintes écologiques, paysagères et hydrotechniques au travers d’une architecture contemporaine alliée à des technologies de pointe.
Outre le dialogue mené sur un pied d’égalité avec les concepteurs spécialisés, la clef du succès de ce type d’entreprises complexes réside dans la remise en question des routines et procédures établies, explique Christian Penzel, du bureau zurichois Penzel Valier Architekten.

Des travaux de longue haleine


Les équipes de concepteurs chargées de la revitalisation de l’Aire – rivière longtemps corseté de béton – ont dû faire preuve de la même endurance que celles d’Oerlikon. Mais, loin de considérer la durée du projet – il a été initié en 2000 – et le grand nombre de personnes impliquées comme des freins, l’ingénieure Corinne Van Cauwenberghe, qui s’est vu remettre le sésame au nom de son équipe, y voit surtout une opportunité : « Pour ce troisième segment de la rivière qui est aujourd’hui récompensé, nous avons mis à profit les expériences que nous avons faites avec les précédents tronçons. Pareillement, les enseignements de cette dernière phase nous serviront pour la quatrième. » Avec cinq disciplines et quatre communes impliquées, ce qui avait commencé comme une mesure de protection contre les crues s’est mué en projet interdisciplinaire ressortissant à la biologie, à l’architecture paysagère et au génie hydraulique.
Plus concrètement, les ingénieurs hydrauliciens et les architectes paysagistes ont réhabilité le flux naturel du cours d’eau en creusant, le long de l’ancien canal, un large ruban excavé selon une grille en forme de losanges, analogue à un champ de bosses dans la neige. Ce lit, constitué d’îles parfaitement symétriques au départ, a rapidement été façonné par l’eau, qui y a déroulé ses méandres. Des éléments architecturaux ont été apportés à l’ancien canal, diversifiant sa spatialité de manière à faire émerger un jardin aquatique propice à la détente.

Identité et renouveau


Par leur caractère unique, nombre de réalisations sont devenues des points de repères pour la population, conférant aux lieux une dimension identitaire. Ce postulat est particulièrement bien illustré par la transformation de l’ancienne école à Valendas, dans les Grisons, en centre des visiteurs du parc naturel Beverin. Signée Nikisch Walder Architekten, ladite requalification démontre de manière exemplaire la force d’impact des initiatives locales lancées dans cette région alpine pour en contrer la désertification. A Valendas, cela s’est traduit par un véritable renouveau : « Plus de 20 jeunes gens partis s’installer en ville souhaitent revenir » se réjouit l’une des initiateurs du projet.
Quelles conclusions tirer de la soirée ? « Plus Regards se distinguera des prix d’architecture classiques, plus nous encouragerons les concepteurs issus des disciplines les plus variées à y participer », a souligné Barbara Zibell, urbaniste et membre du jury.
L’architecte David Munz s’est montré impressionné par le « large éventail de propositions ». En sa qualité de chef de projet et gestionnaire des bâtiments de l’aéroport de Zurich, il exerce une activité technique, « mais, dit-il, les travaux que j’ai le plus appréciés ce soir s’éloignent des approches conventionnelles du bâti, et cela atteste, à mon sens, de la qualité de Regards. »
Lors de son allocution de clôture, Stefan Cadosch a rebondi sur les propos critiques de Matthias Daum. Reconnaissant le bien-fondé de son injonction, il a admis que la SIA doit encore lutter pour trouver sa place sur l’échiquier politique. « Toutefois, a-t-il affirmé, depuis 4-5 ans, nous nous sommes affirmés sur le plan politique. Et je vous en fais la promesse : nous ne relâcherons pas nos efforts, nous poursuivrons sur notre lancée. »
Les invités venus des quatre coins du pays ont nettement apprécié le cadre offert par le Musée national. Sans longs discours, sans cérémoniel pompeux et autres formalités d’usage, la soirée s’est déroulée sans temps morts, grâce aussi à au professionnalisme et à l’entrain de Monika Schärer.

Vous trouverez de plus amples informations, les films et photos des projets ainsi que le rapport du jury à la fois dans le hors-série consacré à Regards et sous
www.sia.ch/regards

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