Dî­ner 2016 des bu­reaux SIA à Rüs­chli­kon: La science-fic­tion se mue en réa­lité quo­ti­dienne

Les cycles technologiques raccourcissent sans cesse, tandis que le profil des tâches assumées par la SIA et ses membres se modifie à toute vitesse – les scénarios d’avenir ont animé les échanges lors du dîner des bureaux SIA.

Date de publication
14-07-2016
Revision
14-07-2016

Le dîner des bureaux a beau être un événement récent dans le calendrier SIA, il fait déjà figure de tradition bien établie : une fois par an, la Société invite des membres de la direction des plus grands bureaux affiliés à une rencontre thématique suivie d’un repas. D’une part pour les remercier du poids de leur contribution à ses travaux, d’autre part pour dialoguer avec ces responsables des grands cabinets d’ingénieurs et d’architectes et prendre le pouls des défis qui les animent. Dans cette optique, les locaux de l’Institut Gottlieb-Duttweiler, qui surplombe le lac de Zurich au-dessus de Rüschlikon, ont une fois de plus offert un cadre parfait.

Mise en réseau intégrale et intelligence artificielle

Captivant et abondant de références factuelles, l’exposé d’une heure délivré par Gerd Leonhard a constitué le clou de la soirée. A la tête de la «Futures Agency» et revendiquant l’appellation professionnelle de futurologue, Leonhard a bien su mettre en exergue ce qui importera à l’avenir et vers quoi les tendances se concentrent. D’après le chercheur en prospective, cet avenir sera réalité dans cinq ans déjà et il se résume aux mots-clés: «Big data, mise en réseau intégrale, intelligence artificielle et transformation numérique». Son exposé a donc mis en scène une multitude de robots, des voitures autonomes et des infrastructures à usage collectif. Sans oublier les «bots», les nouveaux assistants numériques personnels de Google dévolus à des tâches courantes, telles que la réservation automatique de vols, la gestion d’agenda ou l’envoi de courriels à partir d’indications verbales. Un bel avenir est également prédit au «bon vieux» smartphone, qui après avoir débuté sa carrière comme téléphone portable nous ouvre chaque jour davantage les portes du monde et dont Leonhard prophétise qu’il va se muer en simple relais vers le nuage, où toutes les données seront stockées. Il va même jusqu’à affirmer que les «données sont le nouveau pétrole», si bien qu’aujourd’hui Google nous connaît déjà mieux que nos proches.

Leonhard appuie toutefois son propos sur la notion mathématique très ancienne de fonction exponentielle, déjà connue du temps de Platon. Pour lui, c’est précisément cette notion qui explique pourquoi l’avenir se rapproche toujours plus vite : l’élévation horizontale de la courbe est d’abord lente jusqu’à un point donné, où elle prend un rapide ascendant.

«Nous sommes au point de décollage»

Les progrès de la médecine et l’amélioration des conditions de vie augmentent notre longévité de manière phénoménale : d’après Leonhard, beaucoup d’enfants aujourd’hui atteindront sans doute l’âge de 110 ans. De même, l’exploitation des données croît dès maintenant de manière exponentielle. Et l’année 2016 est juste au-dessous du point d’inflexion de la courbe. « L’accélération a commencé, nous arrivons au point de décollage. Tous les objets qui relevaient hier encore de la science-fiction pourront être commercialisés demain », comme l’a expliqué Leonhard à un public suspendu à ses lèvres. Avant de ramener à la réalité les hôtes de la SIA dont l’expression commençait à trahir quelque inquiétude, en rappelant qu’en tant qu’humains nous ne sommes en revanche pas exponentiels et que, de par notre condition, nous sommes à l’exact opposé du développement technologique. Si bien qu’il revient peut-être à l’homme lui-même de canaliser quelque peu la dynamique qui s’annonce, s’il ne veut pas en devenir prisonnier. Cela soulève aussi la question de ce que peuvent la politique, la science et les disciplines liées à l’aménagement pour aiguiller le futur et orienter l’accélération en cours dans la bonne direction.

Du changement à la transition

Dans leurs allocutions de bienvenue, le président de la SIA Stefan Cadosch et son directeur Hans-Georg Bächtold avaient déjà évoqué les défis actuels. Se référant à l’Allemand Matthias Horx qui, comme Leonhard, dirige un institut de prospective, Stefan Cadosch a cité son propos affirmant qu’il faut trouver comment «passer du changement à la transition» – car la transition implique de contribuer autant que possible à façonner le changement – dans la perspective d’un développement porteur d’avenir et écologique au plein sens du terme. Rebondissant sur cette notion clé, Hans-Georg Bächtold a présenté aux invités les activités et engagements politiques et professionnels de la SIA : outre les rendez-vous parlementaires consacrés à la culture du bâti et à la politique énergétique, il a mis l’accent sur le projet «La Suisse 2050», lancé à l’initiative de la SIA. En collaboration avec des équipes de recherche de l’EPFZ et du ETH-Studio Basel, la SIA analyse les conditions auxquelles les infrastructures et les aménagements doivent répondre pour garantir les atouts de la Suisse en 2050: il s’agit de maintenir la qualité de vie, malgré les pressions du développement et un fort accroissement de la population, d’aménager durablement les espaces bâtis et non bâtis, et d’assurer l’efficience de l’approvisionnement énergétique et de la mobilité.

Pour rester à la hauteur de ces défis, la SIA continuera à chercher des partenariats spécialisés et des alliances avec les milieux scientifiques et politiques, de même qu’avec des acteurs économiques comme la Communauté d’intérêts des maîtres d’ouvrage professionnels privés (IPB), que Raymond Rüttimann, directeur Développement & Construction auprès de Crédit Suisse SA, a présentée aux invités de la SIA. Les 34 membres de l’IPB rassemblent les plus importants maîtres d’ouvrage privés du pays – les CFF, la Poste, les banques, la pharma bâloise, pour n’en citer que quelques-uns. Rüttimann a souligné la valeur que revêt le «Réseau numérique» mis sur pied avec la SIA et d’autres partenaires comme premier projet commun d’envergure, se disant convaincu au terme de sa présentation que d’autres thématiques communes émergeront encore.

De fait, vu l’animation des échanges qui ont suivi autour des tables et sur la terrasse aux vues dégagées sur le lac, nombre d’autres sujets passionnants ont encore été abordés au cours de la soirée. Entre aménagistes, ingénieurs civils ou architectes, Alémaniques, Romands ou Tessinois, les régions et les domaines de spécialité étaient apparemment si heureusement distribués autour des tables que personne ne s’est retrouvé à parler boutique entre spécialistes du même bord. Pour moi et d’autres collègues du Bureau SIA, le dialogue direct avec les membres s’est donc à nouveau avéré aussi instructif qu’enrichissant.

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