Bu­reaux ha­bi­tés, prière de ne pas dé­mo­lir

Dans ce dossier, Isabel Concheiro nous invite à changer notre perception de l'ordinaire, par un diagnostique architectural, technique et urbain des surfaces de travail délaissées dans les centres-villes et les périphéries. Article de cadrage du dossier du TRACÉS du mois de juillet. 

Date de publication
18-07-2022
Isabel Concheiro
Architecte, maître d’enseignement et responsable adjointe du Joint Master of Architecture, HEIA-Fribourg, et éditrice de la plateforme TRANSFER

«Ne jamais démolir, toujours transformer»: le fameux aphorisme de Lacaton et Vassal est (malheureusement) toujours d’actualité. En Suisse aussi, la démolition semble encore être une pratique courante, comme le montre le projet participatif Abriss-Atlas Schweiz (Atlas de la démolition)1 mis en place par le collectif Countdown 2030. Son objectif est de recenser les immeubles démolis ou menacés de démolition en Suisse, dont plusieurs bâtiments administratifs de la seconde moitié du siècle dernier. Ces objets représentent une part significative du parc bâti. Nés de l’essor économique de l’après-guerre, ils sont énergétiquement obsolètes, généralement sans valeur patrimoniale et confrontés aux changements structurels de modes de travail que la pandémie a accélérés. Ainsi, de nombreux immeubles de bureaux sont aujourd’hui inoccupés dans différentes villes d’Europe et, selon les prévisions, le seront aussi dans les années à venir.

Dans des contextes urbains tendus en termes de besoins en logements, notamment abordables, et dans la perspective de réutiliser des structures existantes plutôt que de les démolir, leur potentiel de transformation semble s’accroître: plusieurs opérations en cours dénotent un intérêt grandissant de différents types de maîtres d’ouvrage et d’investisseurs. Les réflexions et les projets présentés dans ce dossier analysent les principaux enjeux de la reconversion, tant disciplinaires qu’opérationnels, dans plusieurs villes européennes. Ils soulèvent des questions au niveau environnemental, mais aussi architectural et urbain. Quelle est la valeur de ces structures en l’absence de protection patrimoniale? Quel est leur potentiel comme nouvelle ressource pour la production de logements? Peuvent-elles contribuer à questionner les typologies et les formes d’habiter? Quelles stratégies architecturales doivent être mises en place? Enfin, quel est l’impact de ces transformations sur la ville?

Face à ces transformations structurelles et pérennes, des formes d’occupation provisoire liées aux temporalités longues de ces processus sont aussi un potentiel à explorer. «Ne jamais laisser vide, toujours occuper» pourrait devenir un nouvel aphorisme pour aborder les bureaux vacants, capables de devenir des lieux d’expérimentation, et même de questionner plus globalement notre relation au bâti existant. Ceci nécessite de changer notre perception de l’ordinaire, par un diagnostic architectural, technique et urbain de ces surfaces de travail délaissées dans les centres-villes et les périphéries. C’est à partir d’un regard attentif et sensible projeté sur ces lieux à réinterpréter que naissent de nouveaux projets et que se posent des nouvelles questions. Ce dossier vous invite à porter ce regard.

Note

 

1 abriss-atlas.ch. L’association organise en partenariat avec le Musée suisse d’architecture à Bâle S AM une exposition didactique sur la démolition, en septembre 2022.

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