Bel­mondo au pays de Nie­meyer

L’Homme de Rio, 1964

Le collectif Silo analyse la fable ethnographique de Philippe de Broca.

Date de publication
26-06-2012
Revision
19-08-2015

Réalisé en 1964 par Philippe de Broca, sur un scénario d’Ariane Mnouchkine et Jean-Paul Rappeneau, L’Homme de Rio est un film d’aventure ethnographique. Malgré ses maladresses, le film a conservé une vraie fraîcheur, en partie due au charme de Françoise Dorléac, mais aussi à l’intrépidité de son scénario qui fait fi de toute forme de vraisemblance. Il déploie l’histoire d’un jeune militaire en permission, incarné par Jean-Paul Belmondo, qui se lance, par amour, à la recherche de statuettes brésiliennes à l’insondable secret. La série d’aventures auxquelles le héros se trouve confronté est à l’image des coupes brusques qui interviennent dans le film : il ne s’agit jamais de « raccorder », de réconcilier les séquences entre elles, mais au contraire de faire croire à l’impossible. Il semble qu’un certain nombre d’épisodes de Tintin aient été à l’origine du film, qui repose effectivement sur l’invention d’une civilisation maltèque, dont les descendants auraient à cœur de récupérer leur trésor. Le film est une fable, comprise dans une boucle temporelle et spatiale (la gare de Lyon ouvre et clôt le film), qui s’adosse sur une ironie mordante, soumettant tous ses personnages à une forme de critique résolument acerbe. 
La réussite du film repose sur un grand écart entre le début et la fin, qui accentue le rocambolesque du scénario. Les toutes premières séquences se déroulent au Musée de l’Homme, où l’une des statuettes est dérobée. On y découvre le musée tel qu’il se présentait aux visiteurs en 1964, dans une muséographie surannée, aux ambitions néanmoins scientifiques. Les objets présentés en vitrine sont, à l’instar de la statue volée, le produit d’explorations mystérieuses associant chercheurs et aventuriers. Cette dimension énigmatique est traitée avec beaucoup d’esprit par la musique doucement moqueuse de Georges Delerue.
Le film se déplace ensuite au Brésil, notamment à Rio puis à Brasilia. Face à un Paris filmé de la façon la plus convenue possible, c’est le Brésil moderne, bien que travaillé par ses archaïsmes « maltèques », qui retient l’attention du réalisateur. Dans une scène de poursuite fameuse, Belmondo transforme Brasilia, alors encore en chantier, en un gigantesque terrain de jeu. Sa silhouette se détache des immenses bâtisses dessinées par Niemeyer, ovnis architecturaux et fantasmatiques posés en plein désert. Le sable ocre recouvre son complet blanc. On est loin de la place du Trocadéro

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