Avec la cha­leur et le froid du Lé­man

Morges veut utiliser l’eau du ­Léman pour fournir de l’énergie à de nouveaux quartiers. La station de pompage sera aussi utilisée pour un projet dans une commune voisine.

Date de publication
08-12-2021
Jacques Perret
Ingénieur en génie civil EPFL, Dr ès sc. EPFL et correspondant pour TRACÉS.

Morges s’est décidée pour la dévelop­pement durable et favorise des réseaux thermiques en se lançant dans un projet d’hydrothermie. Mais, pour minimiser le risque, il était indispensable que les autorités communales puissent compter sur un consommateur pouvant lui garantir la pérennité financière de l’opération.

C’est le développement de deux nouveaux quartiers entre la vieille ville et la gare, pour plus de 1300 habitants, qui lui ont offert cette opportunité. Futurs voisins, les investisseurs des projet immobiliers envisageaient initialement de recourir à la géothermie. Mais cela impliquait la réalisation d’un champ très dense de sondes thermiques sous l’ensemble des parkings. Ils craignaient même un abaissement excessif de la température pouvant entraîner la gélification du sol dans une zone à proximité de voies ferroviaires et s’attendaient à des difficultés d’intervention sur les sondes en cas de dysfonctionnement. Jugée trop risquée, cette solution commune a été abandonnée au profit du recours à l’utilisation des eaux du lac comme source de chaleur ou de froid. C’est ainsi que le projet hydrothermique MorgesLac a pu commencer.

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Pour la commune, associée à Romande Energie, cette ambition implique de réaliser une station de pompage et de poser des conduites pour alimenter des échangeurs thermiques et garantir le retour de l’eau vers le lac. Soucieuse de ménager les nappes phréatiques qui garantissent son alimentation en eau potable, la commune a décidé de profiter de l’occasion pour couvrir les besoins de la piscine et de l’arrosage municipaux. Le projet offre en outre aux services industriels une nouvelle source de revenus susceptible de compenser la diminution future de ses prestations comme fournisseur de gaz; tout en donnant un signe fort de la volonté de la ville de participer à la transition énergétique et de garder la maîtrise des aspects énergétiques sur son territoire. Finalement, MorgesLac s’inscrit parfaitement dans la décision politique de la commune de suivre la planification énergétique territoriale, qui prévoit notamment le développement de réseaux thermiques.

Parallèlement, la commune voisine de Tolochenaz étudiait le plan de quartier intitulé Sud Village. Mixte, ce plan prévoyait notamment la réalisation de logements pour près de 2500 personnes. Il était là ­aussi envisagé, à travers le projet EnerLac développé en partenariat avec une société de contracting, de recourir aux eaux du lac pour la régulation thermique des nouveaux bâtiments. Le projet associait aussi le lieu d’une entreprise médicale, dont l’usine nécessite des besoins significatifs de chaleur et de froid. Revu avec des capacités moindres à la suite du rejet en votation du plan de quartier, EnerLac prévoyait un autre prélèvement dans le lac dans une zone écologiquement moins favorable ­appartenant à des tiers.

Une seule station de pompage

Au fil des discussions avec le Canton de Vaud autour du prélèvement d’eau du lac, le rapprochement entre les deux projets est devenu une évidence et il a été décidé de mutualiser une partie des équipements en ne construisant qu’une station de pompage. Celle-ci sera régie par des conventions entre la commune et les deux sociétés privées, la concession pour le pompage dans le lac étant accordée à la seule commune de Morges. Au-delà de la station de pompage, l’eau est distribuée dans des conduites séparées selon les usages envisagés par les partenaires.

Située à proximité du parc des sports de Morges, la nouvelle station de pompage comprend une importante partie enterrée dans laquelle se trouvent les machineries et les pompes, ainsi qu’un puisard qui sert de tampon entre la conduite lacustre et les pompes, afin d’éviter d’éventuels coups de bélier.

Afin de disposer d’une température constante (entre 8 et 9 °C), l’eau du lac est prélevée à une profondeur d’environ 45 m. Compte tenu de la topographie des fonds lacustres, il a fallu aller chercher l’eau à plus de 1000 m des rives. La conduite, d’un diamètre de 1000 mm, a été assemblée à Villeneuve, au bord du Léman, puis transportée par flottaison avant d’être immergée. Ses lests ont été dessinés de façon à éviter que les filets des pêcheurs s’y prennent et les responsables cherchent des solutions pour la protection contre les moules invasives quagga. La conduite pour le rejet des eaux dans le lac est sensiblement plus courte (120 m) et le delta de température est de l’ordre de 3 à 4 °C. Il avait été envisagé d’utiliser la rivière de la Morges pour l’infrastructure de rejet, ce qui aurait permis d’économiser près de 900 m de conduites, mais cette solution n’était écologiquement pas acceptable.

Les deux projets permettent d’envisager une extension future de la capacité thermique. À Morges, les bâtiments situés le long de la Rue de la Gare pourront venir se brancher au réseau hydrothermique en cas d’assainissement énergétique. Alors qu’il sera possible, moyennant la construction de nouvelles conduites, d’alimenter en eau du lac un éventuel nouveau quartier à Tolochenaz.

Morgeslac / Enerlac

 

Source d’énergie: eau du Léman

 

Type d’exploitation: chauffage, refroidissement

 

Principes de planification: Planification énergétique territoriale Ville de Morges resp. Tolochenaz VD

 

Début du projet: 2017 resp. 2019

 

Puissance (final): 4,7 MW chaleur, 1,0 MW froid / env. 8 MW chaleur, 4 MW froid

 

Responsable du projet: Ville de Morges / Energie 360° (Contracting)

 

Participants: Romande Energie / Energie 360°, Bouygues E&S InTec Suisse, CSD Ingénieurs

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