«Les clients ac­cueil­lent fa­vo­ra­ble­ment le pack zéro souci»

Zurich se lance dans la reconversion de l’approvisionnement en chauffage de toute la ville: d’ici 20 ans, les réseaux énergétiques interconnectés devront couvrir environ la moitié de la chaleur encore fournie aujourd’hui par les combustibles fossiles.

Date de publication
04-12-2021

espazium: Mme Banfi Frost, la Ville de Zurich veut atteindre le zéro émission nette d’ici à 2040. Comment organiser l’approvisionnement en chaleur sans énergies fossiles?

Silvia Banfi Frost: Nous savons qu’environ 21 000 installations de chauffage sont actuellement alimentées par des combustibles fossiles et qu’elles devront être converties aux énergies renouvelables d’ici 2040. Toutefois, lorsque les propriétaires ne sont pas autorisés à extraire eux-mêmes de l’énergie directement du sous-sol ou des eaux souterraines, ou lorsqu’aucune aucune autre ressource locale n’est disponible pour le chauffage, nous souhaitons proposer une infrastructure d’approvisionnement sans énergie fossile. C’est pourquoi la Ville prévoit de développer intensivement les réseaux thermiques. D’ici 20 ans, les réseaux énergétiques interconnectés devront couvrir environ la moitié des besoins en chaleur encore fournie aujourd’hui par les combustibles fossiles.

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Quelle est à ce jour la part d’approvisionnement du réseau de chauffage à distance?

Le réseau de chauffage à distance existant n’alimente que près de 30 % de la zone habitée et couvre un peu moins de 20 % des besoins énergétiques de la ville. L’extension du réseau n’est cependant pas illimitée, car il ne sera pas nécessaire de raccorder au réseau de chauffage à distance tous les biens immobiliers des zones desservies. Les propriétaires pourront continuer à choisir librement leur fournisseur de chaleur. Entre-temps, la Ville se concentrera sur le raccordement des grandes propriétés à forte consommation et sur celles qui ne disposent concrètement d’aucune autre solution pour un approvisionnement en chaleur non fossile.

La Ville de Zurich vise donc à doubler l’offre de chaleur publique. D’où proviendra cette énergie?

En effet, nous utilisons déjà les principales sources, comme l’usine de valorisation énergétique des déchets de Hagenholz (qui alimente Zurich-Nord et Zurich-Ouest) et l’usine de valorisation des boues et des eaux usées traitées (pour l’approvisionnement thermique d’Altstet­ten et de Höngg). L’eau du lac est également bien exploitée sur le plan thermique dans la zone d’habitation proche du rivage,
mais une extension est prévue dans les quartiers situés en retrait. En outre, nous avons achevé l’an dernier une étude de faisabilité montrant que le chauffage et le refroidissement de la zone urbaine sont largement possibles avec l’eau du lac. La Limmat offre un autre potentiel complémentaire pour les réseaux thermiques. Nous envisageons enfin de combiner au réseau la source d’énergie que représente le bois.

Dans quelle mesure les projets d’approvisionnement en énergies non fossiles à l’échelle de la ville sont-ils concrétisables?

Les politiciens parlent du projet du siècle: les trois entreprises communales d’approvisionnement en énergie investiront environ 1,5 milliard de francs suisses et mettront en service d’ici 2040 des dizaines de grands réseaux interconnectés … si les instances politiques et les citoyens donnent bien leur feu vert. Jusqu’au milieu de la décennie, nous utiliserons le temps principalement pour les travaux de planification et de coordination. Nous n’avons, par exemple, pas encore identifié toutes les zones urbaines pour lesquelles une connexion au réseau est indispensable.

Les réseaux existants pourront-ils à l’avenir continuer de fonctionner comme aujourd’hui?

Non, c’est un réel défi que de fournir de l’énergie sans fossiles dans les réseaux existants jusqu’au dernier kilowattheure. Actuellement, le chauffage à distance de Entsorgung + Recycling Zürich (ERZ) est alimenté à 75 % par les rejets thermiques provenant de l’incinération des ­déchets et des centrales à bois, le reste étant d’origine fossile. Les réseaux de chauffage à l’eau de lac nécessitent également en­viron 20 % de gaz pour la couverture des pointes annuelles de consommation. Des schémas de couverture sans énergies fossiles de ces charges de pointe sont en cours d’élaboration.

Quels sont les risques inhérents à une extension des réseaux thermiques?

Sur le plan technologique, nous maîtrisons bien le fonctionnement des réseaux de chauffage à distance. Mais le facteur temps est au centre de nos préoccupations: comment l’extension du réseau sera-t-elle coordonnée avec les autres travaux de génie civil dans l’espace routier public? Les entreprises énergétiques urbaines mettront-elles leurs réseaux à disposition suffisamment vite, donc avant que les propriétaires n’aient déjà opté pour une autre solution? Nous nous soucions également des espaces exigus dans les zones densément peuplées: où trouver de la place pour de nouvelles centrales énergétiques de production et de distribution de chaleur? Il est donc prévisible que des conduites de raccordement plus longues devront être réalisées en complément. Mais là encore, nous n’en sommes qu’à la phase préparatoire et devons encore clarifier certains aspects.

Les rejets thermiques des centres de calcul et d’autres entreprises sont souvent considérés comme une source prometteuse pour l’avenir. La Ville de Zurich dispose-t-elle de telles réserves?

Dans le schéma d’approvisionnement énergétique 2050, nous avons estimé le potentiel d’utilisation des rejets thermiques des installations TIC à environ 1000 GWh d’énergie par an. Cela correspond à environ un quart de la demande de chaleur de la ville et au double des rejets thermiques de l’incinération des déchets. Des sources majeures telles que le centre de calcul de la Ville ou de celui de Swisscom sont déjà utilisées. En outre, des réseaux locaux plus petits, créés à l’initiative du secteur privé, sont déjà en service. En fait, le potentiel d’extension n’est donc plus très important.

Les investissements dans les réseaux de chaleur visent à augmenter l’offre sans énergies fossiles. Mais l’aspect économique doit être bien préparé: les réseaux de chaleur sont-ils compétitifs sur le marché du chauffage?

L’extension prévue ne doit pas conduire à un monopole, et la Ville ne veut pas non plus imposer une obligation de raccordement. Les réseaux thermiques sont toujours en concurrence avec d’autres solutions. Une comparaison des coûts de chauffage, faite l’an dernier, a montré que les réseaux thermiques peuvent déjà rivaliser avec d’autres options de chauffage non fossiles. La Ville soutient aussi financièrement le raccordement au réseau ainsi que les pompes à chaleur ou autres systèmes de chauffage individuels. Dans les régions dotées d’un réseau thermique, en revanche, seuls les raccordements au réseau bénéficient en principe d’un soutien financier. Si la loi cantonale sur l’énergie est votée et appliquée comme prévu, il ne sera pratiquement plus possible de remplacer le chauffage par des combustibles fossiles. À ce moment-là, le raccordement à un réseau thermique constituera une solution très intéressante.

Comment le secteur de l’immobilier réagit-il à l’extension annoncée des réseaux de chaleur?

La demande est importante là où les entreprises énergétiques peuvent déjà proposer des raccordements. Cela valide la position de la Ville de renoncer à l’obligation de raccordement. Nous recevons en outre un retour positif de la part des abonnés au chauffage à distance et l’offre de chaleur est saluée comme un vrai pack «zéro souci». Le bon écho auprès des propriétaires de biens immobiliers a finalement permis de développer l’idée de rafraîchir le centre-ville avec l’eau du lac.

La Ville de Zurich exploite son propre réseau de gaz naturel. Dans quelle mesure est-ce un obstacle au développement de l’approvisionnement en chaleur?

Les réseaux de distribution de gaz sont mis hors service là où les réseaux thermiques sont créés. D’ici 2040, nous ne voulons plus d’approvisionnement en gaz naturel; sauf dans les seules zones ne pouvant pas compter sur des ressources énergétiques renouvelables pour le moment ou ne pouvant pas être connectées à un autre réseau d’approvisionnement. En revanche, nous devrons y utiliser du biogaz ou éventuellement des gaz synthétiques.

La municipalité elle-même ne fait qu’élaborer la planification énergétique. L’extension du réseau doit être mise en œuvre par les distributeurs d’énergie dont la Ville est elle-même propriétaire: le service industriel ewz en tant que fournisseur d’électricité et de chaleur, Entsorgung + Recycling Zurich ERZ comme fournisseur de chauffage à distance et Energie 360°, responsable du gaz naturel. Comment cela sera-t-il coordonné?

Nous nous sommes fixé un objectif très ambitieux en ce qui concerne l’extension des réseaux thermiques. C’est pourquoi nous avons besoin du savoir-faire et des ressources de ces trois sociétés. Avoir plusieurs fournisseurs d’énergie capables de construire et d’exploiter des réseaux thermiques est un avantage. Ils peuvent nous soutenir pour une mise en œuvre opérationnelle rapide. En complément, un bureau interne à l’administration conseillera les propriétaires et la population à partir de 2022.

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