Ate­lier Bow-Wow : joie de vivre à To­kyo

A Zurich, une exposition est consacrée à l’atelier d’architecture fondé en 1992

Le bureau japonais fait l'éloge d'un certain art de vivre « les uns sur les autres »

Date de publication
19-03-2013
Revision
23-10-2015

L’exposition qui se tient jusqu’au 18 avril à l’Institut d’histoire et de théorie de l’architecture (gta) de l’EPFZ propose une immersion dans l’univers riche en contrastes de l’atelier Bow-Wow. Le bureau fondé en 1992 par Yoshiharu Tsukamoto et Momoyo Kaijima a forgé son identité en proposant des agencements astucieux pour des habitations de taille réduite. Avec humour, ils font l’éloge d’un certain art de vivre « les uns sur les autres », jouant avec des concepts accrocheurs comme pet architecture, ou mini house. Au-delà du caractère anecdotique de ces jeux de mots, les propos tenus par le duo dans les nombreux ouvrages dont ils sont les auteurs font preuve d’une authentique réflexion sociale et politique. 
La condensation de l’habitat dont ils se sont fait les spécialistes tient plus de la spécificité de la trame urbaine japonaise que d’un quelconque maniérisme qui consisterait à habiter des maisons de poupées. Au Japon, le prix du foncier et les nombreuses taxes obligent les propriétaires à segmenter les terrains dont ils héritent. Il en résulte, au fil des générations, une diminution progressive de la taille des parcelles constructibles. Pour les classes moyennes, segmenter son terrain est la seule façon d’en rester propriétaire. Si Tsukamoto et Kaijima s’obstinent à décliner des maisons particulières sur des parcelles exiguës, ce n’est pas tellement par conviction, mais plutôt parce qu’on le leur demande. Cela dit, le caractère obligé de cette situation ne les empêche pas d’en exploiter le potentiel. Toute leur recherche peut être apparentée à une tentative de transformer cette contrainte technique en avantage, tant sur un plan constructif que conceptuel.
La façon dont les Japonais construisent leurs maisons pourrait-elle nous apprendre quelque chose de la ville en général ? La trame urbaine japonaise, beaucoup plus instable que celles européenne ou américaine, est en constante évolution. Une mutation perpétuelle que confirme la moyenne d’âge des bâtiments, globalement divisée par trois : en Europe on construit pour cent ans et au Japon pour trente. Cette précarité, souvent perçue comme un obstacle à la construction de qualité, peut néanmoins se transformer en atout.

Vernaculaire contemporain


Bow-Wow y voit là une instabilité capable de se muter en dynamisme. La trame japonaise bouge, contrairement à celles parisienne ou new-yorkaise, figées à jamais dans leurs âges d’or respectifs. Cette liberté peut de surcroît s’apparenter à une gestion plus équitable de l’espace urbain. Moins dogmatique que l’architecture collectiviste stalinienne, moins exubérante que la pompe impériale haussmannienne et moins inégalitaire que l’érection capitaliste, la rue japonaise serait un paradigme démocratique en acte. Dans ce schéma, la division des parcelles, qui restent constructibles quelle que soit leur taille, s’apparente à un partage de la richesse foncière.  
Bow-Wow s’efforce de trouver des brèches, à la fois littéralement et de manière figurée. Concrètement, les brèches sont les espaces inadéquats, rendus habitables par leur intervention. Au sens figuré, la brèche résume le mode de vie qui va rompre avec l’ennuyeuse normalité de la vie pavillonnaire nipponne. Des maisons atypiques pour des habitants hors du commun. 
Dans cette quête d’exception, les quartiers résidentiels de Tokyo sont leur principale source d’inspiration. Il existe une architecture vernaculaire de notre temps, faite avec peu de moyen et sans véritable valeur foncière. Dans le contexte japonais, elle prend la forme de petites constructions, souvent commerciales, qui répondent au manque de place par des réalisations hors normes. Pet architecture, cette étude d’édifices interstitiels publiée en 2001, serait le manifeste de ce vernaculaire moderne dont s’inspire Bow-Wow.

 

Atelier Bow-Wow

Jusqu’au 18 avril 2013
Hall principal, Zentrum, EPF Zurich
Du lundi au vendredi de 8h à 22h, samedi de 8h à 17h
www.gta.arch.ethz.ch/veranstaltungen/atelier-bowwow

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