«Amour fou» de Jes­sica Haus­ner en avant-pre­mière

Projection dans le cadre du cycle l’Architecture à l’écran, à la Cinémathèque suisse à Lausanne et aux Cinémas du Grütli à Genève.

Date de publication
18-01-2016
Revision
18-01-2016

Un mois sur deux, TRACÉS, la Cinémathèque suisse et la Maison de l’architecture explorent les liens entre architecture et cinéma. Les séances de février à Lausanne et à Genève sont consacrées au film Amour fou de Jessica Hausner qui étudie l’émergence d’une nouvelle éthique de « l’habiter » au tournant du 18e siècle : le style Biedermeier et ses rituels quotidiens.

La bourgeoisie tracée au compas

Revenant sur un épisode célèbre de la vie du poète romantique Heinrich von Kleist, la réalisatrice autrichienne Jessica Hausner joue avec les règles convenues du biopic (genre bourgeois s’il en est) pour proposer un portrait délicatement féroce et drôlement savant de la bourgeoisie allemande. De sa première « demande en suicide » à l’invitation faite à Henriette (qui l’admire) de mourir avec lui, le film ausculte avec malice ce grand homme angoissé qui rétrécit à force de vanité.

Henriette, sa malheureuse compagne de suicide, est dépeinte comme une femme sensible, mais captive de la morale de son époque autant que du dispositif ​domestique parfaitement ajusté que constituent l’intérieur Biedermeier et ses rituels quotidiens (dîners assommants, leçons de piano et travaux manuels). Tout ici est à sa place comme dans une boîte à compas et l’on s’enfonce dans de profonds canapés comme en un confortable tombeau. C’est que la société bourgeoise naissante (mais déjà conservatrice) au tournant du 18e siècle prétend rejouer « en petit » la typologique qui qualifie les intérieurs de la noblesse. 

Dans l’espace confiné d’un appartement de ville, c’est la variété des papiers peints, des nappes et des doubles rideaux qui prend le relais de la pluralité des espaces qui caractérise l’hôtel particulier. Amour fou restitue admirablement cette nouvelle éthique de « l’habiter ». Le décor réalisé par Katharina Wöppermann y est ainsi bien plus que l’arrière-fond de l’intrigue, c’est le boîtier contenant les instruments idéologiques qui façonne le drame.

 

Amour fou, Jessica Hausner, 2014    
Projection en avant-première
A Lausanne, le mercredi 17 février à 21 h au Casino de Montbenon
A Genève, le lundi 22 février à 20 h 45 aux Cinémas du Grütli

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