Adap­ter l’amé­na­ge­ment du ter­ri­toire ju­ras­sien aux en­jeux ac­tuels

Cet été, la section SIA Jura | Jura bernois a participé à la consultation sur la révision totale de la loi sur les constructions et l’aménagement du territoire (LCAT), clôturée à la mi-août. L’objectif: dépoussiérer la législation cantonale au regard des enjeux actuels, notamment le réchauffement climatique. Retour sur les points importants de cette révision.

Date de publication
26-09-2022

Au cours de ces dernières années, la prise de conscience de la nécessité d’une utilisation mesurée du sol s’est diffusée. En témoignent les récentes discussions au Parlement1, ou encore la Stratégie Sol Suisse adoptée en 2020 par le Conseil fédéral, dont l’un des objectifs-clés est zéro consommation nette de sol dès 2050. Dans le canton du Jura, la révision totale de la loi sur les constructions et l’aménagement du territoire (LCAT), en consultation jusqu’au 15 août dernier, et de l’Ordonnance sur les constructions et l’aménagement du territoire (OCAT)2 entend répondre à la nécessité d’adapter la législation cantonale – dont la dernière révision date de 1987 – aux enjeux et contexte contemporains. Prenant appui sur le cadre fédéral, le droit jurassien ne cherche donc ni plus ni moins qu’à évoluer vers une meilleure intégration du développement vers l’intérieur. Il s’agit là de la principale exigence de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT), dont la deuxième révision partielle (LAT2) est en cours. Par ailleurs, la révision s’oriente aussi en direction de la lutte contre le réchauffement climatique.

Harmoniser, clarifier et simplifier

Outre une meilleure cohérence dans la structure et la clarification de la terminologie, le projet de modification de la LCAT entend simplifier les procédures pour les collectivités publiques. Dans l’ensemble, le projet de révision est à saluer, estime Pascal Burri, président: «Il va dans le bon sens et contient des améliorations bienvenues en faveur de la section section Jura | Jura bernois et de ses membres. L’un des aspects qui nous a réjoui·es est que ce projet de révision demande une meilleure qualification pour les dépôts de dossier de permis de construire, une exigence qui émane de l’administration et pas des associations professionnelles ou de la section.» Néanmoins, quelques points méritent vigilance, notamment pour les aspects qualitatifs, au centre des préoccupations de la SIA. «On constate que la qualité du bâti pour ce qui est de l’implantation dans les zones agricoles peut parfois laisser à désirer. Une certaine attention est portée aux secteurs constructibles, mais elle est moins soutenue en dehors de la zone à bâtir. C’est un élément qui nous a interpellé·es et sur lequel nous souhaitons attirer l’attention de la Commission des Paysages et des Sites (CPS).» La section de la SIA considère que la CPS devrait aussi pouvoir consulter les dossiers en dehors des zones sensibles.

Encouragement des surfaces végétalisées

Dès le premier article, ce nouveau projet de révision assume l’objectif de lutter contre le réchauffement climatique. Celui-ci figure aussi au cœur de plusieurs dispositions. L’article 65 traite ainsi des prescriptions en matière de construction pour ce qui est de l’intégration et demande que les surfaces non végétalisées soient justifiées par un usage spécifique, là où le cadre actuel ne fait pas mention du principe de végétalisation des surfaces. L’art. 74, lui, règle les prescriptions en matière de construction sur le plan des espaces de détente et de jeux, l’al. 2 stipulant que «sauf exception ponctuelle justifiée par l’utilisation, les espaces de jeux et de détente sont constitués de surfaces perméables végétalisées et arborisées.»

Renforcer la position des professionnel·les

L’une des orientations positives du projet de révision est qu’il est globalement favorable aux professionnel·les de la SIA, notamment les art. 2 et 3 qui précisent dans la section «Dispositions générales», la composition des commissions ad hoc. Ici, l’intérêt réside dans la précision du mandat de la commission consultative pour l’aménagement du territoire – «accompagner la révision du plan directeur cantonal» –, qui n’existe pas dans l’actuelle loi. Un autre point à relever est l’ajout en son sein de spécialistes des milieux de l’aménagement du territoire et de la protection de la nature et du paysage. Auparavant, la formulation se faisait au détriment des professionnel·les, puisqu’elle n’évoquait que la présence – floue en matière de compétences techniques – de «représentants des différentes parties du Canton, de l’économie et de la science».

Dans cet article est également mentionnée la CPS, qui ne figure actuellement que dans l’art. 14 al. 1 de l’OCAT. Celle-ci «est composée d’experts issus des différentes régions du canton, notamment des architectes et des représentants des communes» et «a pour mission d’examiner, l’intégration des ­projets de construction dans les paysages et les sites bâtis». Sur ce point, la section SIA Jura | Jura bernois demande qu’elle soit composée majoritairement d’expert·es à l’image des architectes, paysagistes ou d’autres spécialistes, condition pour une culture architecturale de qualité.

Qualifications des professionnel·les

Le projet de révision vise également à renforcer les qualifications des personnes aptes à établir les plans d’aménagement du territoire (art. 4). Actuellement, cette disposition existe uniquement dans l’ordonnance. Or, le projet de révision souhaite l’inscrire dans la loi et l’élargir aux demandes de permis de construire selon la procédure dite ordinaire, celle des grands permis. Quant à l’ordonnance, elle stipulera que les demandes pour ce type de permis devront être établies par des architectes inscrit·es aux registres A ou B du REG. Pour autant, la révision précise que les individus non-détenteurs de diplôme d’architecte, mais qui présentent l’expérience nécessaire peuvent se faire inscrire au REG B moyennant le succès à un examen de validation des acquis. Sur ce point, la section SIA Jura | Jura bernois indique dans sa prise de position que l’ordonnance devrait également autoriser les ingénieur·es civil·es inscrit·es au REG A ou B à déposer des grands permis de construire (au-delà de 100 000 CHF ou surface hors-sol de 100 m2 ou plus), ces derniers pouvant également porter sur des ouvrages de génie civil.

Réserves de la section SIA Jura | Jura bernois

En revanche, l’association regrette la suppression de la ratification par le Parlement du Plan directeur (art. 12 al 2), qu’elle juge «peu opportune». Selon la section, il est indispensable que des échanges sur ce type de thématique puissent avoir lieu au sein du législatif cantonal. La section argumente que la ratification du plan directeur cantonal par le Parlement renforce le poids de ce dernier, permettant ainsi au débat démocratique d’avoir lieu.

Par ailleurs, la circonspection reste de mise sur l’art. 16 al. 2 let. e. qui précise les compétences en matière d’aménagement régional. Le nouvel article prévoit en effet que les responsabilités de la région en matière d’aménagement du territoire portent entre autres sur la coordination des plans d’affectation. Or, cette coordination ne devrait porter que sur des thématiques mentionnées dans le plan directeur cantonal et/ou régional exigeant une telle coordination sur le plan régional.

Finalement, pour ce qui est de la mise en œuvre du projet de révision, si celui-ci aboutit, les plans d’aménagement local et les règlements sur les constructions deviendront obsolètes. Après analyse des avis exprimés lors de la consultation, le Service du développement territorial (SDT) du Canton du Jura, en charge du groupe de travail ayant élaboré le projet de révision, devra examiner comment celle-ci pourra être mise en œuvre de manière supportable pour les communes.

Notes

 

1 Voir par exemple l’interpellation 20.3605 de Kurt Fluri (PLR), «Ancrer la Stratégie Sol Suisse dans la loi sur l’aménagement du territoire», 2020, ou, plus récemment, le postulat 21.4519 d’Adèle Thorens Goumaz (Verts) «Pour une stratégie d’investigation et d’assainissement des sols pollués en milieu bâti», 2021.

 

2 À noter que cette dernière n’a pas été mise à disposition lors du processus de consultation.

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