Ef­fondre­ments

Blatten

Publikationsdatum
16-09-2025

«Monsieur l’abbé, chez nous, quand un chalet est détruit, on le reconstruit!» Cette phrase prononcée par un vieil armailli aurait, dit-on, inspiré au compositeur gruérien Joseph Bovet les paroles de sa célèbre chanson patriotique Le Vieux Chalet. 

Le 28 mai 2025, peu après 15h, la neige et les rochers se sont bel et bien unis pour faire crouler le village haut-valaisan de Blatten, douze jours après l’évacuation en urgence de ses habitants par les autorités valaisannes. À peine la poussière était-elle retombée sur les ruines du village que les paroles du vieil armailli résonnaient dans le Lötschental: d’un cœur vaillant, il faut rebâtir Blatten, plus beau qu’avant!

Mais le faut-il? À quel prix? À quel risque? Ce sont ces questions, encore taboues, que TRACÉS est allé poser à des politiciens du Vieux Pays et à des spécialistes valaisans de l’aménagement du territoire. Confronté à la fois à une augmentation de sa population (et de l’urbanisation qui va de pair) et aux effets du changement climatique, le Canton se devra d’aborder ces questions qui fâchent. L’émotion suscitée par la catastrophe de Blatten permettra-t-elle d’infléchir le discours dominant qui veut que l’on puisse habiter partout?

Si les dégâts matériels sont incommensurables à Blatten – 90% du village est détruit –, le suivi du phénomène par les géologues a permis d’éviter une catastrophe humaine, à l’exception d’une malheureuse victime. Une victime de trop qui, par décence et respect, force à mettre en sourdine les éloges que méritent les spécialistes sur le terrain. À l’heure où les discours antiscience reçoivent de plus en plus d’écho, il est bon de rappeler que les géologues ont vu juste et que les politiques ont pris les décisions qui s’imposaient en se basant sur leur analyse rationnelle. 

C’est précisément une telle équipe de spécialistes que TRACÉS a pu accompagner sur les flancs du Kleines Nesthorn dans le cadre d’une mission de cartographie aérienne quelques jours après la catastrophe. Une fois traitées, les données récoltées durant ces vols aident les scientifiques à comprendre et quantifier l’événement, mais permettent aussi aux équipes appelées à travailler sur place à mieux planifier leurs interventions.

L’écroulement de Blatten est certes exceptionnel par son ampleur et son impact sur la population. Mais est-il pour autant unique ou s’inscrit-il lui aussi dans la trajectoire logique (plus gros, plus fréquent) des conséquences du changement climatique dans les Alpes et, plus généralement, en haute-montagne? Probablement. Dès lors, comment identifier et surveiller les sites de futures catastrophes? Comment se prémunir de leurs effets? Autant de questions auxquelles il est urgent de répondre et qui posent celle, plus vaste et éminemment politique, de l’habitabilité de la montagne.

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