Su­ré­le­ver la Su­is­se

Publikationsdatum
10-10-2023

Dans ce numéro de TRACÉS, vous dénombrerez près de 400 logements construits en Suisse ces dernières années… sans terrain, et sans démolition massive. Dans le match crise climatique vs crise du logement, ce chiffre est-il suffisant pour estimer que le «foncier aérien» est une carte à jouer? Pionnière en Europe, Genève a anticipé cette question, en initiant en 2008 une loi et un processus, modelés sur sa situation spécifique. Quinze ans plus tard, on se demande comment les autres communes de Suisse traitent la question. En effet, la surélévation a gagné une nouvelle actualité depuis que la réduction du bilan carbone lié au secteur de la construction est devenue une priorité absolue. Non seulement la surélévation permet d’exploiter l’énergie grise déjà investie, mais elle permet en même temps d’aborder, voire de financer, la rénovation énergétique.

Alors pourquoi ne pas surélever toute la Suisse? Combien de logements pourraient être réalisés ainsi? Prenons un peu de hauteur: si l’idée semble bonne à première vue, ce raisonnement apparaît naïf quand on découvre la complexité du sujet, que nous ne pouvons que survoler ici avec quelques cas d’études récents. On s’aperçoit que toute la difficulté réside dans l’encadrement, véritable casse-tête des services d’urbanisme: si certaines règles ne sont pas assouplies, les investisseurs se découragent, tant l’opération est coûteuse et risquée. Mais dans les centres, les surélévations deviennent aussi un objet de spéculation à haut rendement, renforçant encore davantage les inégalités. Conclusion intermédiaire: ce n’est pas dans les villes les plus denses du pays qu’il faudrait densifier à la verticale – mais partout ailleurs!

Comme l’explique Géraldine Bouchet-Blancou, la surélévation, si elle est prise en compte dans un règlement, peut devenir un instrument de politique urbaine. La Commune de Meyrin exploite ce thème pour améliorer ses aménagements extérieurs, encourager la rénovation énergétique ou réduire les places de stationnement. Cela est possible, à condition que la transformation par le haut ne soit plus une simple opportunité, mais s’inscrive dans une politique: rigoureusement encadrée dans les centres, encouragée dans d’autres territoires. Voilà peut-être la clé pour mettre fin au régime systématique de démolition / reconstruction.

L’autre condition concerne l’image de la ville: pour surélever correctement, un investisseur ne peut pas parachuter une caisse en bois sur un immeuble, comme si son toit livrait un sol «fini». Cela suscite forcément une rupture entre un «ancien» et «un nouveau», alors que la ville, on le sait, est un processus de mutation permanente. Comme toute transformation, la surélévation nécessite de redessiner entièrement une nouvelle entité, en partant de contraintes extrêmes. Pour cette raison, elle est certainement l’un des exercices les plus difficiles, mais aussi l’un des plus stimulants de l’architecture contemporaine.

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