Dé­mo­li­ti­on: tes jours sont comp­tés – ent­re­ti­en avec Count­down 2030

L’exposition organisée par l’association Countdown 2030 et le S AM propose une réflexion engagée sur l’acte de démolition. Composée de documentation émanant de toute la Suisse, elle est aussi un acte de mobilisation collectif sans précédent.

Publikationsdatum
02-09-2022

Espazium: Comment est née votre association et pourquoi ce nom?
Countdown 2030 : Nous avons créé l’association en 2019. Elle était composée d’architectes un peu déconcerté·es par l’urgence climatique, qui voulaient agir mais sans savoir comment. C’était très informel, amical, spontané. Puis nous avons proposé ce slogan 2030 (au lieu de 2050), pour manifester auprès de l’industrie qu’on ne pouvait pas attendre pour opérer un changement fondamental dans nos manières de construire. En effet, nous ne croyons pas aux petites mesures qui servent surtout au greenwashing et qu’on trouve en nombre dans l’architecture.

Quel est le but de votre exposition?
L’exposition au S AM durera sept semaines, pendant lesquelles il y aura toujours un·e membre de Countdown 2030 présent·e pour discuter. Elle compte quatre espaces : dans l’un d’entre eux, l’Atlas des démolitions (Abrissatlas) présente la masse des démolitions en Suisse. Cet atlas est composé à partir de notre réseau et des appels lancés dans la presse technique et la grande presse. C’est une initiative suisse, à ne pas confondre avec d’autres projets comme l’Abriss­atlas de Berlin, auquel il fait en partie écho. On constate qu’il y a un mouvement européen, voire mondial, pour dénoncer cette culture de la démolition. En Suisse, beaucoup de bâtiments des années 1980, qui n’ont pas 40 ans, sont démolis.

Le phénomène de la démolition est assez difficile à appréhender, car il n’est pas forcément visible.
Dans l’exposition, nous tâchons de sortir de l’abstraction en montrant des objets concrets, que l’on connaît, qu’on a vus au coin de la rue, et qui disparaissent, quotidiennement. D’après l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), chaque seconde, plus de 500 kg de déchets de construction sont produits en Suisse. Nous voulons que les gens puissent ressentir cela, comprendre physiquement ce qui se passe. C’est pourquoi un second espace de l’exposition est un cinéma, le Abbrisskino, qui donne la sensation de passer dans un chantier de démolition. On y découvre la masse de la démolition, mais on reconnaîtra aussi des éléments qui sont encore en très bon état – et qui pourraient être réemployés.

Le réemploi d’éléments de construction est-il une voie que vous privilégiez?
Oui et non. Nous avons parfois l’impression que le réemploi est exploité comme discours qui permet de justifier la démolition. Nous pensons que le meilleur réemploi est toujours de conserver une structure entière et de renoncer à démolir.

Beaucoup d’acteurs et d’actrices sont concerné·es par ce problème, les avez-vous consulté·es?
Le troisième espace de l’exposition est le bureau de Count­down 2030. Nous rassemblons les informations : qui démolit, pour quelles raisons, à quelle échelle, etc. Nous avons mené beaucoup d’entretiens avec des administrateur·rices, des politicien·nes, des entrepreneur·euses, des banques, des caisses de pensions, etc. Nous présentons les règlements et les normes qui encouragent la démolition. Le but est de déployer une masse d’informations exploitables. Dans cette salle, il y aura en permanence une personne de Countdown 2030 (qui regroupe une soixantaine de membres) et qui sera à disposition pour discuter – il peut s’agir d’un·e architecte, d’un·e ingénieur·e, d’un·e chef·fe de chantier, d’un·e journaliste, d’un·e historien·ne de l’art, par exemple, des personnes dont l’activité est liée au bâti. Nous travaillons aussi en partenariat avec des bourses aux matériaux, des bureaux d’architectes, Patrimoine suisse et la chaire EPFZ de Silke Langenberg, qui recherche des méthodes de conservation pour des bâtiments qui sont difficiles à rénover.

Pensez-vous que l’exposition peut susciter une prise de conscience?
Le quatrième et dernier espace est simplement le compte à rebours: le temps qu’il reste jusqu’à 2030, date à laquelle nous devons atteindre le zéro net dans la construction. Le but est que les gens ressentent le sentiment d’urgence qui engage à changer les choses, mais nous émettons également des propositions concrètes afin que chacun·e puisse s’engager : une pétition qui s’oppose à la démolition.

Que demande-t-elle?
La pétition en cinq points lancée à l’ouverture de l’exposition appelle les politicien·nes suisses à agir : Countdown 2030 et tous·tes les signataires exhortent le Parlement et le Conseil fédéral à stopper la démolition de bâtiments. L’argument central concerne l’énergie grise engagée dans une structure qui est entièrement perdue quand celle-ci est démolie, et dans laquelle il faut réinvestir. C’est pourtant l’option qui est systématiquement encouragée dans la culture architecturale actuelle. Dans la pratique, on constate que la transformation n’est pas mise en avant, c’est en tous cas l’expérience que j’en ai retirée. Les certificats sont conçus pour valoriser l’économie d’énergie d’exploitation – plus difficiles à obtenir avec une rénovation – mais ne concernent pas l’énergie grise. Le coût du cycle de la construction devrait enfin être calculé.

Il y a un problème règlementaire qui favorise la démolition et le remplacement par de nouvelles structures.
En effet, des raisons règlementaires, mais aussi fiscales, encouragent directement à démolir : on reçoit un bonus quand on fait du Ersatzneubau ! La transformation devrait être privilégiée par rapport à la construction nouvelle. À Zurich, par exemple, une caisse de pension qui souhaite construire sur un secteur pourra obtenir un droit d’utilisation du sol plus élevé si elle reconstruit entièrement. Il faudrait à l’inverse mettre en place un bonus récompensant la conservation de l’existant. Il faut également relever les exigences des constructions nouvelles, qui devraient favoriser les matériaux biosourcés, le réemploi, etc.

Où peut-on signer cette pétition?
Elle est disponible en ligne sur le site act.campax.org/p/abriss ou celui de l’association countdown2030.ch

DIE SCHWEIZ: EIN ABRISS

03.09 – 23.10

Musée suisse d’architecture S AM, Bâle

sam-basel.org

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