Je pen­sais que c'é­tait hier.

Nous publions, avec l’aimable autorisation de son auteur, ainsi que de l’éditrice Gabriela Burkhalter, le texte du catalogue qui se réfère à Group Ludic, le collectif dont les travaux, disparus pour l’essentiel, portent la trace indélébile de l’optimisme et de la «liberté de faire» des années 1960.

Publikationsdatum
24-05-2016
Revision
26-05-2016

Aussi, accepter, presqu’un demi-siècle après la fondation du Group Ludic, d’en parler encore, peut répondre à différentes logiques. L’une, en forme de plaisanterie, tendrait à démontrer que le fait de s’impliquer dans la conception et l’aménagement des espaces de jeu pour les enfants est un moyen éprouvé pour éviter le vieillissement prématuré des créateurs qui s’y sont consacrés; l’autre plus sérieuse, serait de pouvoir affirmer que, malgré les efforts de notre équipe et de bien d’autres créateurs de l’époque, le sujet est plus que jamais d’actualité et qu’il y a toujours et encore nécessité et urgence pour que de nouveaux venus prennent le relais et poursuivent le chemin.

Pour tenter d’éclairer l’itinéraire suivi par notre équipe – David Roditi, Simon Koszel et Xavier de la Salle – on rappellera les composants essentiels qui ont engendré la démarche et permis la matérialisation des nouvelles approches mises en place à l’époque, faisant émerger de nouveaux concepts développés à partir de plus d’une centaine de réalisations ou manifestations de grande ampleur.

Une période d’ouverture et de créativité attendue

C’est un peu avant ce que l’on nommait alors en France «les événements de 1968» que les trois partenaires fondateurs du Group Ludic se sont rencontrés. Chacun d’entre eux avait vécu à sa façon la mutation comportementale profonde qui se préparait en Europe et dans les grands pays industrialisés, remettant en cause un certain nombre de principes et de comportement. Ces principes hérités de modèles de pensée, de logiques d’actions, avaient traversé et survécu à deux conflits européens, aux mouvements de «décolonisation», sans que ces catastrophes n’aient tant soit peu modifié les ordonnancements établis.

Ensemble, ils partagent les besoins de changement et de transformation «des systèmes», qui font émerger une effervescence de propositions, d’initiatives, de programmes d’actions, de projets, destinés à répondre à des insuffisances révélées : volonté de rompre avec un système éducatif jugé obsolète ou inadapté aux mutations de l’environnement social et technique, nécessité de révision des modes de relations inter­générationnelles, refus de transmettre des modèles obsolètes établis sur le respect des traditions et fermés aux données inhérentes à l’évolution des modes de vie, ignorance des effets évolutifs du mouvement des idées et des mœurs, dénonciation de l’existence et du poids des inégalités et injustices sociales.

 Dans ce bouillonnement de vie et ce foisonnement de nouveaux concepts, le monde de l’enfant, son espace de vie et de développement, devenaient pour notre trio un enjeu social, intellectuel et créatif, pouvant contenir la matérialisation de leurs projets d’expression et de création. Il ne s’agissait pas d’entrer en révolution et d’éradiquer pour le transformer un système institutionnel existant, mais de proposer des projets novateurs, d’expérimenter de nouvelles solutions de conception des espaces de vie du quotidien, de matérialiser formes, volumes, matières, couleurs, textures, approches formelles, comportementales et relationnelles adaptées. Nous voulions mettre en place des initiatives d’appropriation différentes ou inexploitées, permettant de revivifier l’environnement social et humain de l’enfant, d’adapter son espace de vie et de développement actuel, tout en intégrant aussi les mutations techniques et technologiques qui se développaient. Le message «l’enfant est le père de l’homme», constituait un point de ralliement évident, qu’aucune logique ne pouvait renverser.

Nous partagions tous les trois des profils atypiques : jeunes créateurs d’une trentaine d’années chacun, provenant de pays et cultures différentes (Grande Bretagne, Pologne et France), ayant déjà eu des expériences professionnelles très variées dans des domaines de création assez pointus (dessin de mode, design, cinéma, architecture, communication, peinture et sculpture). Notons aussi que c’est l’époque où la «créativité» traversant tous les aspects du quotidien constituait une base comportementale prégnante.

Si l’on voulait donner une image illustrant le monde côtoyé ou admis par le trio, il faudrait alors se représenter un espace construit et développé dans une superstructure de Buckminster Fuller, protégée par des structures tendues d’Otto Frei, ayant favorisé l’implantation d’une réalisation de Yona Friedman, lieu de vie et de développement dans laquelle Buster Keaton mettrait en scène des poèmes de Jean Piaget, repris par Fernand Deligny. Françoise Dolto viendrait y distiller des énonciations, commentées par Gilles Deleuze les raisonnant et Félix Guattari, les ayant ordonnées, en proposerait des applications. La musique générale de l’accompagnement serait assurée par les structures sonores des frères Baschet, intégrant parfois la présence de Frank Zappa.

Les premiers pas

Ayant donc décidé d’œuvrer ensemble pour le monde de l’enfant, nous nous sommes dans un premier temps réunis non loin de David Roditi, qui vivait à cette époque sur une péniche ancrée en plein centre de Paris, en utilisant ses espaces et les quais de la Seine comme lieu de ralliement et de production. David réalisait alors les premiers prototypes de jeu géant de constructions à partir d’éléments modulaires, expérimentés sur les quais avec ses enfants et des enfants de promeneurs.

Parallèlement, notre approche théorique du monde de l’enfant s’enrichissait de l’exploitation des références que nous avions rapportées des Etats-Unis, de Grande Bretagne ou de différents pays nordiques, très avancés dans la réalisation de jardins publics, d’espaces urbains récréatifs et de parcs paysagers. Elle s’appuyait aussi sur des écrits théoriques ou résultants de travaux qui se diffusaient alors largement, – du Libre Enfants de Summer Hill, aux travaux de Jean Piaget, en passant par les apports des méthodes de Maria Montessori ou de Célestin Freinet –, allant interroger aussi les travaux de psychothérapie institutionnelle développés par Fernand Deligny et ses disciples, dont Simon Koszel était un grand connaisseur.

Il s’agissait donc d’intervenir sur l’espace, la manière dont on le construisait, dont on l’occupait, comment on le mettait à disposition des enfants, le pourquoi devenant une des bases de l’équation: apprentissage, développement, éducation, bien-être, confort et découverte.

Les premières propositions, toujours reprises ensuite et servant de support à nos réalisations, étaient basées sur une matérialisation d’espaces composés de formes basiques et élémentaires (cubes, cylindres, sphères, pyramide, etc.), permettant des organisations spatiales complexes (par exemple: un assemblage de petits volumes, passages, grands volumes, passerelles, espace ouvert, espace fermé), des continuités ou des ruptures spatiales, des accès variés (glissière, échelles), des points de vue: observer, se dissimuler, des enjeux physiques : escalader, se balancer, se suspendre, glisser, des occupations spontanées de lieux : se raconter, s’endormir, observer, lire, mais aussi, inventer des jeux collectifs, échanger des jeux ou des supports de jeu.

En fait, il s’agissait, à partir d’un assemblage de formes et de volumes simples, de proposer des organisations spatiales complexes mais d’une approche aisément assimilable, permettant aussi toute appropriation et projection fantasmatique d’univers multiples, pouvant se décliner à l’envie ou au besoin, en grotte, capsule spatiale, île déserte, repaire de pirates, restaurant, etc. 

Il importait que ces espaces ne constituent pas une suite de volumes aux fonctions prédéfinies, mais qu’ils existent en tant que tels, avec leur charge plastique et esthétique propre – émanant de la nature même des matériaux ayant servi à leur fabrication, de leur organisation volumétrique et spatiale, de leur texture, de leur coloration, de leur éclairage, des relations volumétriques qui s’établissaient entre eux. Comme il n’existait pas de mode d’emploi attaché à leur utilisation, ils pouvaient devenir le lieu de toutes les appropriations possibles par les enfants, soit en terme basique (glisser, ramper, se faufiler, se balancer), soit en terme d’imaginaire ou de projection. Le terme de «structure de jeu» que nous utilisions alors n’était pas là pour «faire chic», mais pour bien faire comprendre aux adultes que l’on entrait dans un «autre monde».

Par ailleurs, l’environnement dans lequel ces structures de jeu étaient implantées, jardins ou parcs publics, ensembles d’habitation, était lui aussi, traité, planté, sur des sols adaptés au jeu, dessinés et organisés pour favoriser l’appropriation de ce nouveau lieu de vie. L’espace public devenait un lieu où trouver un «événement», à partir duquel on pouvait éprouver un moment privilégié et inattendu, glisser sur des volumes inconnus, passer dessous, tourner autour, se cacher, escalader, se poursuivre, en somme tout ce qui constitue le plaisir d’être ensemble et de jouer. 

Nombreux échecs, premiers succès

Dans notre vision, aussi généreuse que naïve, ce que nous produisions dans le domaine de l’aménagement de l’espace de l’enfant aurait dû intéresser le monde de l’éducation, les responsables d’opérations immobilières ou de programmes de logement social, les architectes engagés dans la réalisation d’espaces publics. Ce ne fut pas le cas. Nous avons été éconduits, jusqu’à ce qu’un architecte, Alain Villeminot, séduit par «les vertus du jeu libre comme apprentissage de la vie», et souhaitant qu’un espace de jeu pour les enfants devienne le lieu majeur de vie d’un village de vacances qu’il était en train de concevoir, nous passe commande d’un projet.

Effervescence de l’équipe, plans, maquettes, commande, six mois de «jours sans nuits», et déclinaison de toutes les questions à résoudre: construire avec des responsabilités techniques très ciblées et fondamentales, approfondir nos connaissances sur  le monde de l’enfant». Autant de questions qui dépassaient de loin l’image d’artistes rêveurs qui nous accompagnait souvent alors. 

La réalisation de Royan sera un succès, aussi bien auprès des enfants que des adultes qui utilisent «le sous-marin» à d’autres heures que celles des enfants. 

Cette réussite nous valut une reconnaissance médiatique et une série de commandes de plusieurs organismes de vacances. Nous réaliserons sur trois ans une dizaine de chantiers. Pour avancer dans l’approfondissement de notre «discipline», chaque réalisation était ensuite suivie d’une phase d’observation, pendant un temps assez long. Son intérêt résidait dans les possibilités de modifier certains aspects négatifs (transformer certains volumes, modifier la hauteur ou la surface d’accès à un espace, améliorer un éclairage naturel). L’observation favorisait surtout l’approfondissement de certaines données fondamentales, comme la prise de risque à différents âges et dans différentes situations, l’occupation de l’espace en fonction de la nature des volumes ou de groupes, les comportements de l’enfant seul ou accompagné dans les différents espaces.

Nous n’avions aucune prétention à mener des études scientifiques, ni à devoir et pouvoir théoriser ces observations, pas plus qu’à devenir des «artistes spécialisés en réalisation d’espace public». En revanche, nous voulions pouvoir prétendre être de bons concepteurs et réalisateurs d’espaces de vie et de jeu pour les enfants, créateurs responsables «d’objets de vie», mieux adaptés à leur environnement, apportant ainsi notre contribution positive à des attentes révélées, techniques et poétiques.

De la recherche et l’expérimentation au passage sur le «vrai terrain»

Le véritable chantier pour nous, c’était les îlots urbains difficiles, les cités-dortoirs, les villes où l’animation des quartiers avait disparu au nom du principe de mono-fonctionnalisme, stupidement appliqué par tant de concepteurs se drapant dans «la Charte d’Athènes», que nous nommions simplement «villes sans ville». Un étudiant architecte, Jean-Jacques Johannet, en stage dans une agence d’architectes travaillant sur un nouveau quartier de ville issu d’une plaine à betteraves, avait convaincu son «patron» de nous inviter à réaliser un espace de jeu, destiné à fédérer les espaces collectifs de plusieurs immeubles. Dessiné à la suite de nombreux séjours sur le site, alors en chantier, cet aménagement se nourrit d’une collaboration étroite avec les habitants, tant dans la prise en compte de détails de fonctionnement à partir des données fournies par les usagers, que pour l’appropriation de ce qui devenait leur espace public. C’est de là que sont issues l’ensemble des démarches participatives mises en pratique ensuite par l’équipe.

Rencontre remarquable… 

Peu après, nous avons croisé François Mathey, qui préparait, épaulé par François Barré, l’ouverture du Centre de création industrielle (CCI). Ils nous confièrent de mettre en place une exposition dite de préfiguration, dans l’un des pavillons des Halles de Baltard, qui allaient être détruites pour laisser place au chantier du RER parisien. Ils avaient été séduits par le «dessin» de nos créations, tout autant que par leurs enjeux sociaux. Ils nous laissaient carte blanche pour occuper cet espace prestigieux de plusieurs milliers de mètres carrés, afin d’exposer une nouvelle approche de l’espace public pour les enfants, mais aussi de permettre à plusieurs dizaines de milliers d’entre eux d’aller «jouer aux Halles», seuls ou avec leurs parents qui restaient présents et visibles, mais en dehors des espaces de jeu. Cette présentation d’approches différentes voulait par ailleurs démontrer l’inanité de certains tabous ou interdits, comme le risque, le danger, la peur de l’inconnu, le mélange des âges.

C’est aussi aux Halles que nous avons expérimenté, sous l’impulsion de Simon, le détournement d’objets industriels. C’est ainsi que nous avons utilisé un coussin «géant» gonflable, destiné à aider à désembourber un avion, comme sautoir géant, ancêtre du trampoline actuel. 

Pendant ce temps-là, David était en charge de trois chantiers en Hollande, à Amsterdam, Rotterdam et Eindhoven, où étaient implantés les magasins Bijenkorf. Pour l’anniversaire de leur fondation, ils offraient à chacune des villes un immense parc de jeu intégrant des formes de jeu inconnues : pont suspendu aérien au-dessus d’un canal, pyramide géante aux façades colorées transparentes en plexiglas, jeux à effets de transformation optique, jeux d’observation manipulables, bassins aquatiques. Le vocabulaire formel s’élargissait, la connaissance des milieux humains d’intervention s’enrichissait, comme la prise de conscience de la nécessité d’écouter et d’entendre attentivement le poids des territoires locaux, leurs cultures et traditions, les manière d’être et de se comporter au quotidien, pour réussir, au-delà des aspects techniques et sociaux, les véritables greffes et les vraies appropriations des innovations par les habitants des lieux. 

Pour constater que la reconnaissance ne signifie pas réussite 

Considérant que nous avions acquis des compétences plus fiables et convaincantes, nous avons ­entrepris de présenter nos méthodes aux décideurs, en espérant créer un courant de pensée et d’action. 
La reconnaissance des instances spécialisées et des «médias», ne nous aida pas à franchir les barrières de réticences institutionnelles et décisionnelles, ni les conservatismes farouchement ancrés.

Cela ne nous empêcha cependant pas de réaliser, dans les années qui suivirent, plusieurs dizaines de projets, dont les chantiers furent menés en collaboration avec la Société Aires et Volumes, fondée par l’éditeur Jean-Jacques Nathan, qui voulait soutenir notre recherche et notre action, tout en diffusant certains petits éléments de jeu plus spécialement destinés aux écoles maternelles. Sa position honorable nous convenait, nous permettant de mieux nous confronter au champ de la «ville en crise».

Ce que ne dit pas en 1979 l’Année de l’Enfance

Cette période se termine par une demande du Ministère de l’Environnement de monter une exposition au jardin des Plantes de Paris, sur un espace d’un hectare couvert par une toile tendue. L’exposition devait aborder le monde de l’enfant, son environnement et la perception qu’il en avait. Les thèmes majeurs devaient être traités sous forme de petites expositions thématiques et d’ateliers. On y trouvait des tables rondes avec des «personnages remarquables» interrogés par les enfants : Michel d’Ornano, ministre de l’Environnement de l’époque, l’architecte Jean Prouvé, la pacificatrice Louise Weiss. Un ensemble de moyens et d’outils techniques étaient là réunis, pour révéler avec l’aide d’adultes les capacités de production du «monde de l’enfance», ses interrogations et attentes, mais aussi ses inventions, pour apporter une contribution positive, dès lors que l’accompagnement de l’enfant ne se traduirait plus en perpétuelle infantilisation ou «bétification», mais le considérerait véritablement comme « enfant père de l’homme ».

Puis l’attention particulière portée à l’enfant durant les années 1970 déclina. On assista, comme aux Etats-Unis vingt ans auparavant, à un constat: «L’enfant n’est plus un thème porteur, ni à la mode». L’enfant en devenir, celui qui nous concernait, était de fait éliminé. L’attention que nous lui portions, son environnement, n’était plus un objectif d’intérêt social.

L’enfant consommateur devint en revanche un enjeu majeur. Rappelons-nous : pour promener les jeunes enfants, les « designers de sécurité absolue » dessinèrent des forteresses à promener que l’on nomma toujours voiture d’enfant, mais qui ressemblaient à des 4×4 sur suspensions oléo-pneumatiques. Quant aux jeux extérieurs, les gadgets de protections sécuritaires remplacèrent peu à peu le jeu lui-même. De fait, on était souvent tenté de munir ces nouveaux enfants d’une bouée de sauvetage, avant de se permettre de les inciter à aller se laver les mains.

Dans les grands ensembles urbains, ceux pour lesquels nous avons en priorité tenté d’apporter des réponses mieux adaptées, nous avons assisté à un réel refus d’affronter les véritables raisons de la montée des dysfonctionnements et dérèglements urbains, les laissant, par laxisme et incurie, s’installer durablement.

La conjonction de ces facteurs aura une conséquence majeure: l’aménagement des espaces de jeu extérieurs urbains, dans les grands ensembles, quartiers, îlots, cessera d’être un enjeu majeur. Notre propre démarche, basée sur des montages financiers acrobatiques, n’aura plus les moyens de se poursuivre.

Un bilan contrasté et confiant

Des sourires de plaisir rencontrés sur les chantiers de Reims ou d’Hérouville Saint-Clair aux cris des «enfants des Halles», nous avons appris que si l’enfant est le père de l’homme, ce n’est pas à l’enfant cependant de devenir le père de son père, ce qui clarifie la juste répartition des rôles de chacun. Des habitants d’Asnières, nous avons retenu que proposer supposait aussi accompagner, dans le temps et la durée, et il faut parfois aussi apprendre à vivre la ville pour savoir l’habiter.

De tous les concepteurs, créateurs, artistes, architectes qui se sont attachés comme nous à aménager l’espace public, nous avons retenu que les qualités spatiales, dans les opérations maîtrisées, sont toujours lourdes d’une charge émotionnelle qu’aucun cahier des charges ne pourra intégrer dans un descriptif.

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