Val de Loire, ent­re show et event

Ici est ailleurs

Eugène poursuite ses pérégrinations. Il se rend en France, dans la vallée de la Loire précisément. Il découvre avec stupéfaction que les châteaux et autres charmes de la région se sont transformés en de véritables attractions touristiques: manèges et spectacles sons & lumières partagent l'affiche avec machines interactives et festivals

Publikationsdatum
20-08-2013
Revision
23-10-2015

A l’office du tourisme de Tours (dessiné par Jean Nouvel himself), je suis noyé de brochures. Il y a le château avec le parcours Léonard de Vinci, celui qui a inspiré Hergé pour Moulinsart, celui avec l’expo de jardins, celui dont le son et lumière est accompagné par la voix off d’Alain Decaux. Et puis, bien sûr, le brame du cerf de Chambord. « Mais ça, c’est en automne, me précise l’employée, et nous ne sommes qu’en juillet. Bon, alors, vous voulez réserver pour quel spectacle ? » J’ai la tête qui tourne devant cette mer de prospectus colorés étalée sur le desk !
- Et si je ne veux voir que les châteaux de la Loire, c’est possible ? demandé-je timidement.
- Bien sûr, me répond-elle en souriant. Mais dans ce cas, vous ne profiteriez pas des tarifs avantageux des billets combinés.
Argument massue. J’emporte cette littérature touristique dans un grand sac en plastique et je m’installe sur un banc face à la cathédrale de Tours, pour planifier ma semaine chez les rois de France.
Sur la carte, je réalise qu’il n’y a plus de Val de Loire. Mais un vaste parc d’attractions. Une sorte de Disneyland avec différents manèges correspondant à ce qu’on appelait anciennement des « châteaux ». Désormais, on « vit le château » : on s’abreuve d’histoires, de nourritures, de couleurs, de parfums. De neuf heures du matin à minuit, il y a toujours quelque chose à faire.
Première étape : The Big Leonard World. Autrement dit, le bon vieux château d’Amboise, abritant la tombe du génie de la Renaissance, venu finir ses jours en France sur invitation de François Ier. Le château est « pas mal foutu », pour reprendre l’expression d’un touriste pressé, mais le clou du spectacle représente la visite du Clos Lucé, une magnifique demeure où a séjourné Leonard durant trois ans. Vingt machines géantes interactives parsèment le parc. Wow ! Toujours plus fort, l’Auberge du Prieuré, le restaurant gastronomique, est tenu par Stéphane Sausin, consultant en cuisine historique et grand amoureux de la restauration théâtrale. Il a déjà régalé François Mitterrand, Georges Bush et JP2 (Jean-Paul II pour les non initiés). Cuisine Renaissance midi et soir ! 
Prochaine étape : Chaumont-sur-Loire. En 1992, s’est tenue la première édition du Festival international des Jardins, une vingtaine de jardins mêlant l’art, l’architecture et les recherches paysagères. Un véritable coup de fouet pour cette bâtisse qui sommeillait paisiblement au bord de la Loire. La ville de Lausanne importe l’idée en 19971. Désormais, le parc de Chaumont s’étend sur 32 hectares, peuplé de sculptures, d’installations végétales. Et bien sûr, le visiteur a droit aux Nuits magiques. Non seulement les 22 jardins sont éclairés par des diodes électroluminescentes, mais en plus les façades du château, où vécut Catherine de Médicis, sont sublimées par 2500 chandelles !
Au suivant : Chenonceau. Cette année, on fête les cinq siècles de ce lieu magique. Une résidence royale posée sur l’eau, entourée de jardins à la française et de labyrinthes végétaux. Ici, les suppléments visuels et les shows sont très limités. Normal, le château et ses espaces verts historiques sont déjà une féérie en soi ! Mais on ne peut déroger complètement au sacro-saint dogme du divertissement. C’est pourquoi, Nikos, Nausicaa, Gliko et Apollonia, les quatre ânes, amusent les enfants près de la grille d’entrée…
Bon, question château, j’ai besoin d’une pause. 
Je m’offre la Scénoféerie de Semblançay, à 15 km de Tours. Méga son et lumière avec 450 figurants, costumes d’époque, effets pyrotechniques, douze chevaux, deux attelages, des canons à neige et des projections vidéo sur les façades d’une bâtisse historique.
Succès populaire depuis un quart de siècle ! Et tout à coup, je pense à la thèse de Rem Koolhaas pour New York délire : un manifeste rétroactif pour Manhattan. Selon Koolhaas, les folies architecturales du parc d’attractions de Coney Island ont grandement influencé les gratte-ciel de Manhattan. En France, c’est comme si le Val de Loire avait pris la Scénoféerie comme modèle absolu. Un spectacle qui aurait orienté les mises en scène des autres châteaux.
Le lendemain, je décide de finir en beauté, avec une promenade à Chambord. Ici, le gigantisme est le maître mot : « Le domaine de Chambord est constitué d’un château, d’un village, de fermes et d’un territoire boisé de près de 5440 ha, soit environ la superficie de Paris intra muros », annonce fièrement la guide, dans la cour du château. Lectures, expositions temporaires, jazz, concert de trompes animent cette sublime demeure qui abrite en son centre le légendaire escalier à double révolution. Mais ce n’est pas tout, puisqu’on vous propose balades en calèche, location de bateaux électriques pour voguer sur le Cosson, promenades en 4x4 à travers les landes du domaine. Et bien sûr, fin septembre, juché sur un mirador d’observation, vous pourrez écouter le cerf bramer pour 35 euros.
Le Parc Astérix peut aller se rhabiller.

 

Note

1 La prochaine édition de Lausanne Jardins aura lieu en 2014  

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