Swiss Tim­ber En­gi­neers - L'as­so­cia­ti­on des in­gé­nieurs du bo­is: "Nous vou­lons que la con­s­truc­tion en bo­is s'é­ta­blis­se com­me stan­dard"

Propos recueillis par Mike Siering

Olin Bartlomé, président de l’association fondée il y a 25 ans, y tient : Swiss Timber Engineers (STE) est ouverte à tous ceux que la construction en bois intéresse. Pourquoi ce matériau connaît-il un tel essor actuellement ? Quels objectifs a-t-il fixés à la STE ? Olin Bartlomé fait le point dans cet interview

Publikationsdatum
04-10-2017
Revision
23-10-2017

Monsieur Bartlomé, qui sont les membres de Swiss Timber Engineers ?
Olin Bartlomé : Swiss Timber Engineers (STE) a été fondée il y a 25 ans par les premiers ingénieurs du bois diplômés de la Haute école spécialisée bernoise (anciennement ETS) à Bienne. Au cours des 30 dernières années, environ 900 ingénieurs du bois sont sortis de ses rangs. Ces professionnels conçoivent des bâtiments et des ponts en bois. Ils disposent également de compétences en gestion d’entreprise et en gestion des processus qu’ils exercent par exemple dans l’industrie du bois.

Pourquoi la construction en bois exige-t-elle une formation spécifique ?
Parce que c’est un matériau particulier. D’une part, le bois est anisotrope, c’est-à-dire que ses propriétés ne sont pas les mêmes dans les trois dimensions. D’autre part, il est hygroscopique et donc susceptible d’absorber ou d’éliminer l’humidité. Il se laisse aussi facilement coller et associer à d’autres matériaux. Toutes ces caractéristiques requièrent un savoir-faire spécifique. Les étudiants formés à Bienne sont majoritairement issus de la menuiserie ou de la charpenterie et détiennent une maturité professionnelle.

Quel est le profil des membres de la STE ?
Pour intégrer notre association, il faut être ingénieur du bois HES ou titulaire d’un autre diplôme universitaire et avoir un intérêt pour le bois. Au cours des cinq dernières années, le nombre d’adhésions a fortement progressé. Aujourd’hui, nous comptons presque 280 membres et avons noué environ 20 partenariats dans le secteur (entreprises et instituts). Notre comité se compose de trois hommes et trois femmes de même que de deux étudiants.

Que fait la STE ?
Nous offrons un éventail de prestations diverses. Dans le cadre des « holzTalks » organisés deux à trois fois par an, nous proposons des visites de constructions en bois ou d’entreprises travaillant le bois. Ces manifestations ne sont pas réservées à nos membres mais ouvertes à tous, comme l’est notre association. Les « mittagsTalks » sont l’occasion de se retrouver en petit comité autour d’un exposé, puis d’en débattre durant le déjeuner. Ces rencontres ont lieu quatre fois par an à Zurich, Lucerne et Berne. Chaque année, nous organisons également une formation, publions quatre numéros de notre magazine « Lignarius » et informons régulièrement via notre newsletter, le bulletin STE.

Pouvez-vous me dire où le bât blesse aujourd’hui et quels sont vos objectifs ?
La construction en bois a fortement augmenté depuis que les prescriptions en matière de protection contre le feu ont été modifiées en 2004. A l’époque, nous nous étions engagés en faveur de cette révision. Puis nous nous sommes attelés à la question de l’isolation acoustique, devenue essentielle pour les bâtiments à étages. Nous tenons à ce que le bois soit davantage utilisé, ce qui est déjà clairement le cas dans la construction suisse. A l’avenir, nous voulons également convaincre plus d’investisseurs que le bois constitue une réelle alternative à la brique et au béton.

De quels préjugés la construction en bois fait-elle encore l’objet ?
Nous maîtrisons la protection contre le feu et le bruit ainsi que la longévité. Néanmoins, les constructions en bois s’avèrent généralement un peu plus onéreuses que les autres. Mais une Mercedes coûte aussi un peu plus cher qu’une Volkswagen (rires) ! Le bois présente de nets avantages, pour les investisseurs également : aujourd’hui, les acheteurs et les locataires sont plus regardants en ce qui concerne les matériaux de construction et la durabilité des bâtiments. De plus, lorsque le bois est adopté dès la phase de conception, nous nous rapprochons du niveau de prix des constructions conventionnelles.

Pour quelle raison avez-vous décidé de rejoindre la SIA en tant que société spécialisée ?
La SIA est l’adresse incontournable pour tous les professionnels de la construction, aussi avons-nous frappé à la bonne porte. En outre, nombreux sont les membres de Swiss Timber Engineers à œuvrer au sein des commissions de la SIA. Pour l’actuel comité exécutif de la STE, l’intégration à la SIA en tant que société spécialisée relevait de l’évidence.

Qu’attendez-vous de la SIA ? Et que pouvez-vous lui apporter ?
Nous espérons qu’au sein de la SIA, une place importante sera accordée au bois. Il ne s’agit pas seulement de promouvoir la norme 265 sur les constructions en bois, mais également d’ancrer ce matériau dans les esprits. La SIA peut y contribuer en servant de relais entre les ingénieurs du bois et le secteur de la construction – via ses pages dans les revues TEC21/Tracés/Archi par exemple. En contrepartie, nous avons constaté un intérêt marqué émanant des groupes professionnels de la SIA, auxquels nous pouvons apporter nos compétences spécifiques. Il va sans dire que nous continuerons de nous investir activement dans les travaux de normalisation, car la construction en bois est en plein essor, notamment grâce à la production numérique. Un matériau archaïque fait sa mue vers le high-tech.

Peut-on parler d’une renaissance de la construction en bois ?
Le bois présente un avantage décisif, celui d’être hautement adapté à la production assistée par ordinateur. Les machines CNC et les systèmes d’usinage automatisés facilitent grandement la construction : tous les éléments d’une maison peuvent être préfabriqués en usine avant d’être assemblés sur le site de construction. Les matériaux à base de bois et les assemblages par collage se développent à une vitesse fulgurante. Beaucoup de membres de la STE s’engagent dans la recherche et le développement. C’est pourquoi nous avons mis en place un partenariat avec S-WIN, le Swiss Wood Innovation Network.

Quels sont les limites et les potentiels de la construction en bois ?
Naturellement, il y a les projets phares, comme le bâtiment de Tamedia à Zurich ou le nouveau siège de Swatch à Bienne (inauguration prévue en 2018), tous deux dessinés par l’architecte et lauréat du prix Pritzker Shigeru Ban. Mais c’est dans la construction de logements à étages que réside le plus grand potentiel. Là, il nous appartient de corriger une image très répandue : le bois n’est plus toujours décelable à première vue, car les constructions hybrides se généralisent. Chaque matériau doit être utilisé de manière pertinente, il ne s’agit pas de construire des chalets en ville.

Pour ce qui est du nombre d’étages, les possibilités sont presque illimitées de nos jours. En soi, la construction en bois est-elle durable ?
En principe, oui. Mais tout dépend des critères d’évaluation. Pour la construction en bois aux normes européennes, le bilan est généralement positif. Toutefois, nous devons faire attention aux matériaux de construction composites obtenus par collage, qui posent problème lors des déconstructions du fait que les différents éléments sont difficiles à séparer.

On entend fréquemment parler de bâtiments construits en Suisse avec du bois d’importation. Pourquoi ne pas utiliser du bois local ?
En Suisse, l’approvisionnement en bois constitue une préoccupation majeure. Bien souvent, les propriétaires forestiers suisses – qu’il s’agisse de particuliers ou de cantons – ne sont pas conscients du rôle qu’ils pourraient jouer dans la filière bois. Un grand nombre d’entre eux ne conçoit pas la forêt à la manière d’une exploitation classique – d’ailleurs, les aides qu’ils touchent pour favoriser la bio-diversité, par exemple, ne les encouragent pas en ce sens. Il arrive donc fréquemment que le bois ne soit pas disponible en quantité suffisante, d’où la nécessité d’importer.

Quel avenir se dessine pour la construction en bois ?
Nous voulons que la construction en bois s’établisse comme standard. D’ici à 2030, nous voulons augmenter la part de nouvelles constructions en bois à 30 % : c’est un objectif à la fois réaliste et pertinent sur le plan des ressources. Naturellement, l’impression 3D en bois est un sujet qui s’imposera à l’avenir et des recherches intensives sont actuellement menées.

Quel cap avez-vous fixé à Swiss Timber Engineers ?
Nous sommes une association ouverte au dialogue. Celles et ceux que la construction en bois intéresse y sont les bienvenus pour échanger, qu’ils aient de l’expérience en la matière ou non.

Entretien mené par Mike Siering, arch. ing. dipl. RWTH/SIA, ing. écon. dipl., responsable Communication, directeur suppléant ; mike.siering [at] sia.ch