Les vil­les de de­main, au­jourd’hui

Editorial paru dans Tracés n°08/2014

Publikationsdatum
06-05-2014
Revision
10-11-2015

C'est en explorant les liens entre ville et science-fiction, que nous avons pu constater à quel point la fiction sur l’avenir des villes se trouve souvent dépassée par la réalité des applications qui structurent notre quotidien. Au seuil de ce qui s’annonce comme la nouvelle ère des données, le phénomène des smart cities semble confirmer ce basculement. 

A l’initiative de grandes entreprises informatiques telles que IBM ou Orange, les technologies de gestion de la ville en temps réel sont accueillies par un nombre croissant de municipalités. Actuellement, plusieurs villes sont en train de subir une redéfinition de leur nature, raisons d’être et objectifs. Ce changement est tout à la fois discret et radical. Quant au sens unique de cette évolution, il est rarement remis en question. Au contraire, il semble attiser une demande toujours croissante pour encore plus d’efficacité, encore plus de sécurité et encore plus de bien-être. Pourtant, un regard rétrospectif sur les utopies technoscientifiques du passé suffit pour constater que, souvent, le scénario rêvé évolue en scénario catastrophe.

Le genre littéraire de la science-fiction naît avec la modernité industrielle. Il spécule sur l’avenir, transforme le présent et repense le passé. Mêlant savoir technique et esprit critique, les romanciers et les illustrateurs du 19e siècle projettent très tôt des villes où l’ordre vire au cauchemar. Au 20e siècle, la spéculation cinématographique va venir enrichir ce travail prospectif. De Métropolis à Logan’s Run, le thème de la ville comme produit de laboratoire n’a cessé de hanter les esprits, pour le meilleur ou pour le pire. 

Si l’architecture a pu à son tour s’inspirer de la science-fiction, c’est surtout à partir des années 1950 que des groupes d’architectes développent dans leur pratique une attitude qui s’en rapproche de manière systématique. La ville devient directement matière d’une spéculation audacieuse qui concerne ses bords, ses limites, ses fonctions. A la place de Constant, Archigram et Superstudio, c’est aujourd’hui Cisco, IBM et Google qui forgent l’avenir d’un monde nouveau où, du côté des instances politiques aussi, il paraît approprié d’ériger non seulement des smart cars mais aussi des Smart Borders1.

Le dossier examine les implications de l’engagement numérique des villes et cherche à en dégager les problématiques. Il s’articule à partir de deux entretiens,  avec Antoine Picon, historien de l’architecture, qui élucide plusieurs changements en cours, et Jeffrey Huang, professeur à l’EPFL, qui offre des précisions sur l’intelligence des villes. La troisième contribution s’efforce de dégager les relations des smart cities avec le monde de l’entreprise. Le dossier se termine par une sélection non exhaustive de références filmiques et bibliographiques, à laquelle, de manière disséminée et pointue, Le funambule et Dernière image donnent également suite.

 

Note

1. Au niveau planétaire : http://smartborders.wbresearch.com/agendaday/day-1 et aussi au niveau de la Commission européenne : http://europa.eu/rapid/press-release_IP-11-1234_en.htm?locale=fr.

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