Les Tur­bu­len­ces

Inauguration à Orléans

Publikationsdatum
17-09-2013
Revision
12-10-2015

L’inauguration début septembre d’une extension du FRAC Centre à Orléans a été l’événement architectural et médiatique de la rentrée en France. Il est vrai que le projet conçu par le bureau Jakob + MacFarlane était attendu. Bâtiment-prothèse, Les Turbulences, qui culmine à 18 m, réorganise l’accès d’un bâtiment existant. Il fait preuve d’une grande irrévérence tectonique, sans pour autant verser dans la gesticulation gratuite. 
C’est ici que se tenait tous les deux ans ArchiLab, la plus importante exposition d’architecture expérimentale en France. Désormais, la manifestation disposera d’un lieu qui partage son sens de l’innovation. Frédéric Migayrou, co-organisateur de la manifestation, n’a pas manqué de le signaler : Jakob + MacFarlane était présent aux premières sessions d’ArchiLab. Par ce geste, le FRAC Centre se positionne dans la peloton de tête des collections publiques de maquettes et de documents liés à l’architecture. 
Se tenant à égale distance de l’excentricité et de la fonctionnalité, les Turbulences exhibent juste ce qu’il faut de prouesse technique. Sans basculer dans le maniérisme d’un Gehry, elles donnent forme à une idée qui hante l’architecture expérimentale depuis les années 1960 : la transition d’une perception statique du bâti (un sol + des murs + un toit) à une perception plastique de l’espace où ces trois éléments s’interpénètrent jusqu’à devenir interchangeables. 
L’oblique de Parent et Virilio, la nouvelle Babylone de Constant, sont quelques-uns des nombreux projets de l’époque qui contribuent à définir cette nouvelle spatialité d’où devait jaillir une nouvelle pratique de la ville, plus ouverte et moins normée. Les Turbulences du FRAC ne sont pas sans rapport avec ces avants-gardes expérimentales. Elles en gardent le rapport à l’espace bâti. Le projet part de l’hypothèse qu’un accident tectonique peut déterminer un nouvel usage pour une structure donnée. L’extension joue ici un double rôle : elle réinvente l’existant, comme une sorte de greffe capable de décupler les pouvoirs du corps qu’elle occupe ; et, parallèlement, elle raconte sa propre histoire faite d’innovations en matière d’assemblage. Les Turbulences sont à la fois assujetties au bâtiment et tout à fait indépendantes.

File to Factory


A l’intérieur, on peut difficilement ignorer les qualités techniques du projet. Derrière la géométrie atypique on découvre une structure métallique tubulaire soudée. La forme de la structure fait de chaque nœud un cas particulier. Pour que les poutres métalliques puissent être assemblées, les angles de découpe aux extrémités des tubes doivent correspondre parfaitement. Le récit du projet d’un point de vue technique dans le catalogue consacré à l’ouvrage révèle combien ce travail d’ajustement n’a pas été des plus simples. 
Une fois la structure montée, elle a pu être habillée. Le bardage métallique constitue une peau englobant uniformément les trois excroissances. Au sol, les panneaux en métal deviennent des rectangles en béton, le tout devant constituer un plan déformé, à l’image des géométries non euclidiennes. Il faut entrer pour comprendre l’identité technique de l’ouvrage. Contrairement à l’effet d’uniformité recherché dans la cour, l’intérieur, dans la grande tradition des ouvrages d’exception, s’adonne à une leçon de statique, offrant au regard l’intégralité de la structure métallique.
L’exécution de ce type de construction est aussi une mise à l’épreuve. Le projet de Jakob + MacFarlane est à la hauteur de ce qu’il visait. L’équilibre entre le squelette et les revêtements, le choix des matériaux (bois-métal-béton), la qualité d’exécution, la volumétrie générale, l’incrustation du nouveau sur l’ancien, tout cela contribue à un ensemble d’une rare cohérence. Ici peut-être plus que sur les Docks, l’image numérique de départ est largement dépassée par sa réalisation.

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