«J’ai à cœur de je­ter des ponts vers les au­t­res grou­pes pro­fes­si­on­nels»  

Marco Waldhauser, nouveau président du groupe professionnel Technique partage ses points de vue sur les défis de la numérisation, l’évolution des profils professionnels et l’importance du travail d’équipe

Publikationsdatum
19-04-2018
Revision
19-04-2018

SIA: Vous êtes président du groupe professionnel Technique (BGT) depuis le début de l’année. Qu’est-ce qui vous a poussé à accepter ce poste?
Marco Waldhauser: Cela s’est fait progressivement. Depuis cinq ans, je suis membre du comité de la société spécialisée SICC, que j’ai également présidé pendant deux années. Au cours de cette période, j’ai eu à cœur de renforcer la technique du bâtiment, en particulier sur les plans de son image publique, de la promotion de la relève et de la collaboration avec les architectes. J’ai le sentiment de pouvoir faire évoluer ces thèmes au sein du BGT. C’est la raison pour laquelle j’ai accepté cette fonction.

La conjoncture du bâtiment reste au beau fixe, le secteur des installations connaît un essor ininterrompu et se positionne désormais comme précurseur dans de nombreux domaines comme la numérisation et le BIM. Comment l’expliquez-vous?
Oui, c’est exact. Nos carnets de commandes sont toujours bien remplis. La pénurie de relève n’est pas un fait nouveau chez les techniciens du bâtiment, mais la situation s’est encore dégradée du fait de la complexité et des exigences énergétiques accrues en matière de conception. Toujours désireux de se perfectionner, les techniciens du bâtiment n’ont pas tardé à découvrir les avantages des nouvelles méthodes de conception.

Qu’en est-il des architectes? Si le BIM doit apporter une valeur ajoutée à toutes les parties, toutes doivent s’impliquer.
Au début, la plupart des architectes affichaient un certain scepticisme, mais je constate que depuis un an ou deux, le sujet a fini par faire définitivement son chemin dans les esprits. Il aura fallu du temps pour que les architectes passent le cap de la numérisation, mais c’est désormais chose faite.

«Constatant qu’autour d’eux, tous acquièrent de l’expérience avec ces nouvelles méthodes de conception, certains architectes s’inquiètent…»

Concernant le BIM, j’ai l’impression que de nombreux bureaux d’études n’ont pas encore une idée très claire de l’impact de ces nouvelles méthodes de conception sur la profession. Partagez-vous ce sentiment ?
Oui, c’est ce que je ne cesse de répéter aux architectes : une opportunité incroyable s’offre à vous, saisissez-la, sans quoi elle vous échappera. La SIA est très attachée à l’idée de l’architecte généraliste. Mais dans les secteurs où la numérisation de la conception est déjà très avancée, cette figure professionnelle a clairement perdu de son importance. S’ils ne veulent pas se laisser complètement distancer, les architectes doivent prendre une part active à la numérisation en Suisse.

La technicisation croissante des bâtiments est de plus en plus critiquée par les architectes. Au cours de la journée d’étude « Low-Tech | No-Tech » organisée l’année dernière, le BGT et le groupe professionnel Architecture ont soulevé la question du juste degré de technicisation.
En tant qu’ingénieur en technique du bâtiment, je suis intimement convaincu que nous avons effectivement poussé trop loin la technicisation dans de nombreux ouvrages. Nous ne rendons service ni à nous-mêmes ni aux utilisateurs. Il s’agit de faire l’usage le plus intelligent et le plus sobre possible de la technologie. Cette idée est malheureusement quelque peu en contradiction avec nos RPH qui prévoient des honoraires calculés en fonction du montant des constructions. Ce modèle de rémunération n’incite pas à construire avec le moins de technique possible… Une remise en question des RPH dans leur forme actuelle s’impose. A ce stade, mon rôle de président de la commission SIA 108 m’oblige à trouver de nouvelles voies. Nous pourrions par exemple fonder la rétribution sur la réalisation d’objectifs, au lieu d’indexer la rémunération sur la quantité de technique.

« Il s’agit de faire l’usage le plus intelligent et le plus sobre possible de la technologie. »

Vous êtes entrepreneur. Quelles sont les perspectives du côté de la relève professionnelle? Trouvez-vous suffisamment de spécialistes qualifiés?
Je ne souhaite pas y aller de mon couplet sur la pénurie de relève. En dépit de carnets de commandes très bien remplis dans ce secteur, nous avons toujours satisfait aux exigences qui nous ont été fixées. Mais il n’en demeure pas moins que la recherche de professionnels est laborieuse et qu’il ne nous est pas toujours possible de pourvoir les postes comme nous le souhaiterions. Il est essentiel que nous assurions nous-mêmes les formations. Nous avons par exemple toujours cinq à six apprentis en formation chez nous.

Le métier de dessinateur est lui aussi promis à des évolutions.
Oui, tout à fait. Les jeunes maîtrisent les méthodes numériques beaucoup plus rapidement et ne veulent plus travailler autrement. Nous devons par conséquent investir dans leur formation. Toutefois, nous avons également besoin d’ingénieurs solidement formés. Or ils nous font vraiment défaut.

Le salarié est-il aujourd’hui plus exigeant pour ce qui est des conditions d’embauche?
Oui, absolument. En tant qu’employeur, je dois être attractif, sans quoi il m’est impossible de recruter. Aujourd’hui, le salaire seul ne suffit plus à attirer les talents. C’est certes un paramètre qui compte, mais de plus en plus d’autres critères entrent en jeu : la possibilité d’un emploi à temps partiel, l’ambiance de travail et surtout, des projets vraiment intéressants.

Quels seront, selon vous, les défis majeurs que devra relever le secteur des installations techniques du bâtiment au cours des cinq prochaines années?
La numérisation sera certainement au cœur de nos activités. Cette transformation sollicite énormément les bureaux d’études : les dépenses supplémentaires, importantes au début, peuvent vite se révéler critiques pour de petites structures. Même les bureaux qui ont déjà mis en œuvre ces nouveaux procédés avec succès seront confrontés à de nouvelles attentes et exigences des maîtres de l’ouvrage, des utilisateurs et autres concepteurs. Il s’agira d’en tenir compte. En revanche, je ne m’attends pas à de grandes avancées techniques ou énergétiques dans un avenir proche. Nous avons atteint un haut niveau et en sommes souvent déjà au stade des réglages de précision.

Quels thèmes prioritaires souhaitez-vous traiter avec le BGT dans les deux années qui viennent?
Nous allons certainement axer notre travail sur le renforcement de l’image du secteur de la technique. Notre groupe professionnel organise un atelier au printemps pour définir d’autres priorités. Nous souhaitons nous fixer des objectifs clairs, puis voir si nous sommes parés pour les atteindre. Heureusement, nous pouvons compter sur les sociétés spécialisées avec lesquelles nous collaborerons étroitement. J’ai également très à cœur de jeter des ponts vers les autres groupes professionnels.

Vous venez également d’être élu président de la commission SIA 108 et vous siégez au sein de la commission 142/143. En quoi cet engagement est-il important à votre sens?
Nos métiers reposent sur une bonne passation des marchés et des honoraires équitables. Je participe depuis longtemps aux travaux de la commission SIA 108. Cet organe nous permet d’intervenir directement dans l’élaboration de nos instruments de travail. Lors de la dernière révision, mon objectif majeur était d’inclure la coordination spécialisée. La commission SIA 108 sera remaniée afin que nous, ingénieurs en technique du bâtiment, puissions évoluer de manière à pouvoir relever les défis de l’avenir. En ce qui concerne la commission 142/143, il faut voir que les décisions prises dans les phases de concours sont également déterminantes sur le plan énergétique. Les installations du bâtiment ne jouent certes qu’un rôle secondaire dans la sélection du projet lauréat, il faut en être conscient, mais je tiens beaucoup à ce que les techniciens du bâtiment soient davantage impliqués dans les différentes phases de concours, dans l’élaboration, mais aussi dans l’évaluation à titre d’experts et de membres du jury. Il y a encore du chemin à parcourir avant d’en arriver là.

Vous succédez à Jobst Willers qui, durant 12 ans, a marqué de son empreinte les travaux du BGT. Lorsque vous étiez membre du conseil du groupe professionnel, qu’avez-vous retenu de son action ? Pouvez-vous nous dire quelques mots à son sujet?
Durant mes cinq à six années au sein du conseil, je l’ai perçu comme étant très fédérateur. Grâce à son pragmatisme et son sens pratique, Jobst Willers agissait comme un «facilitateur»: il possède une remarquable capacité à rendre des projets concrétisables.

Cet entretien a été mené par Mike Siering, responsable Communication de la SIA ; mike.siering [at] sia.ch (mike[dot]siering[at]sia[dot]ch)

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