BRICKS – Ca­da dia tus ilu­sio­nes se cru­zan con las nue­stras1  

Une crise immobilière est un engrenage à multiples acteurs. Bricks en dresse le tableau.

Data di pubblicazione
06-02-2018
Revision
27-02-2018

Bricks est un documentaire efficace et intelligent sur la crise économique et immobilière qui frappe l’Espagne depuis 2007. L’approche sociologique choisie par son auteur – Quantin Revelli, chercheur au Centre Maurice Halbwachs – donne matière et visage à un phénomène trop souvent décrit comme virtuel : l’éclatement d’une bulle spéculative. Bricks en décortique les fondements, les rouages, les conséquences et les stratégies de résistance.

Filmé en 2015, année d’élection municipale, ce documentaire suit parallèlement trois destins atteints de plein fouet par la crise du ladrillo, cette brique rouge caractéristique des constructions espagnoles et devenue autant le symbole des années folles pendant lesquelles l’Espagne construisait plus de 800 000 logements par année (plus que l’Italie, la France et l’Allemagne réunies) que celui du marasme, de la corruption, des faillites et des expropriations.

Il y a celui du maire de Valdeluz, une ville nouvelle, déserte, située à quelques dizaines de kilomètres au nord-est de Madrid, rebut des spéculations immobilières qui ont endetté, ruiné des centaines de milliers de personnes et détruit des kilomètres carrés de paysage. Des 9000 logements, 30 000 habitants, 270 000 m2 de parcs, de la liaison ferroviaire avec la capitale et des nombreux équipements publics indispensables promis par les promoteurs immobiliers et les propriétaires terriens – la famille d’Esperanza Aguirra, l’ancienne ministre issue du Parti Populaire – il ne reste que quelques milliers d’habitants, des immeubles vides, des écoles en construction et un centre sportif. La caméra suit, en plans rapprochés, ce politicien du parti centriste UPyD dans sa campagne de marketing urbain autour du centre de radioastronomie («le plus grand d’Espagne») et d’un bunker abandonné en briques («le deuxième plus grand abri antiaérien de la guerre d’Espagne»), tentatives vaines et naïves de stimuler l’attractivité de sa ville.

Il y a celui de Blanca, femme de ménage, mère de deux enfants, divorcée et endettée jusqu’au cou par son crédit immobilier dont les centaines de clauses toutes plus incompréhensibles les unes que les autres n’ont comme seul objectif d’enrichir la banque. Menacée d’expulsion, elle est prise en main par le PAH, un groupement de citoyens affectés par des crédits hypothécaires qui mène, depuis 2009, une lutte acharnée et salvatrice contre les banques et les expropriations.

Et enfin, il y a celui de cette fameuse brique, la ladrillo, issue des terres rouges de la région de la Sagra, entre Madrid et Tolède. Originalité du documentaire, Quantin Revelli filme avec un regard ethnographique le rapport des ouvriers à la matière, l’enthousiasme amoureux d’un architecte pour ce matériau ou encore le ballet des robots et celui des commerciaux pour trouver de nouveaux chantiers dans le but d’écouler les tonnes de briques produites en trop.

Relativement classique dans sa forme, Bricks livre une analyse approfondie et complexe de cette crise. Bien plus qu’un problème financier, c’est l’ensemble de la chaîne que Bricks nous amène à observer et condamner. De la bourgeoisie foncière, propriétaires de terres en périphérie des villes, aux grandes banques du pays et leurs petites succursales en passant par les industries de la construction au sens large, c’est bel et bien l’ensemble du système qui est responsable de tous ces «pillés du ladrillo».

Quentin Ravelli (2017, France, 1 h 30, doc.)

Lieu: Cinémathèque, Cinématographe
Horaire; 02.03 à 14h​​​​​​​

 

Note

1. Chaque jour tes illusions croisent les nôtres.