Her­man Hertz­ber­ger

 

 

Publikationsdatum
18-11-2015
Revision
22-11-2015

Qui se souvient du passage d’Herman Hertzberger à Genève, de 1982 à 1993 ? L’école où il enseigna1 n’existe plus, du moins sous la forme qui l’a accueilli. L’esprit qui le guida dans son œuvre prolifique, celle d’une raison sociale capable de structurer la forme architecturale, serait elle aussi has been. La Team 10 c’est de la vieille histoire, et les ensembles brutalistes labyrinthiques sont devenus le cauchemar des collectivités qui peinent à y installer les dispositifs de vidéosurveillance tant attendus.

Dans ces conditions, l’ouvrage monographique qui lui est consacré aux éditions nai010 revêt le caractère d’un catalogue raisonné : un index définitif qui clôt une œuvre et son époque. 

On dénombre une bonne centaine de réalisations qui lui sont attribuées, du logement à la planification urbaine, des structures culturelles aux écoles. 

Georges Descombes, avec lequel il travailla étroitement pendant son passage à Genève, mentionne Hertzberger comme un de ses maîtres à penser. En 1993, ils vont même cosigner une réalisation : le monument Bijlmer dédié aux victimes du crash d’un cargo d’El Al sur un immeuble d’habitation dans la banlieue d’Amsterdam.

Membre influent de la Team 10, il fait partie de la deuxième génération d’architectes qui constituent le groupe de travail. Il est de ceux qui ont 30 ans quand Aldo van Eyck et Georges Candilis approchent la cinquantaine. Il partage pourtant leur goût pour l’activation sociale des grands ensembles d’habitation. Comme eux, il pense que la modernité des années 1950 fut trop stérile, incapable de ce fait de générer de la matière urbaine. Il cherche dans l’agencement des parties les clés pour créer des ensembles pourvus d’urbanité.

Hertzberger est représentatif de la mouvance structuraliste en architecture et des espoirs qu’elle nourrit en matière d’expérimentation spatiale. Il admire le quartier de Halen et cherche à créer des ensembles appropriables par les usagers. L’époque était généreuse avec les architectes qui avaient envie de mettre leurs idées à l’épreuve du réel.

Sa première réalisation, une résidence étudiante à Amsterdam, se construit avant qu’il ait obtenu son diplôme. Nous sommes au début des années 1960. Dans ce projet emblématique convergent les principaux attributs qui qualifient son langage : l’usage de matériaux bruts, le spatialisme (l’idée qu’une configuration spatiale intelligente peut contribuer à un monde meilleur), sans oublier la volonté d’inscrire dans l’ADN du bâti l’usage collectif. 

Dans le clivage entre bâtisseurs et enseignants, Hertzberger constitue une exception. Il se consacre autant à la pratique architecturale qu’à l’enseignement. Plus encore, il ne conçoit pas l’un sans l’autre. Construire doit instruire un enseignement, et inversement l’enseignant doit nourrir une pratique constructive. Telle est sa doctrine. L’ouvrage, dirigé par Robert McCarter, est à l’image de son œuvre : prolifique. Il frôle même l’excès, compte tenu de la quantité de projets traités. Il reste une très bonne entrée en matière pour comprendre cette façon de penser, mais aussi pour commencer à se demander pourquoi cette sensibilité n’a pas vraiment trouvé d’écho en Suisse. Herman Hertzberger, malgré son implication, n’y a rien construit.

 

Note

1. L’école d’architecture de l’Université de Genève est fermée en 1994.

 

Herman Hertzberger

Robert McCarter, nai010 publishers, Rotterdam, 2015 / € 69.50