Torre Da­vid. In­for­mal Ver­ti­cal Com­mu­ni­ties

Un livre pour en savoir plus sur l’exposition qui a gagné le Lion d’or à la Biennale de Venise 2013

Date de publication
17-01-2013
Revision
10-11-2015

A la dernière Biennale de Venise, ils ont frappé par une installation bruyante et joviale, mais quelque peu racoleuse : Alfredo Brillembourg et Hubert Klumpner de l’Urban-Think Tank de l’EPFZ, le photographe d’architecture Iwan Baan et le curateur Justin McGuirk. Leur stand de nourriture vénézuélienne, les tables et les chaises entourées de quelques briques montées à la va-vite, par contraste avec les autres expositions de l’Arsenal, ont fonctionné comme une sorte d’espace convivial de base. Il fallait y voir une analogie avec la Torre David, une tour de 45 étages de Caracas, inachevée, abandonnée puis investie et rendue habitable par une communauté qui compte aujourd’hui près de 3000 personnes.
Cette tour occupée depuis 2007, connue comme l’un des plus grands « squats verticaux » du monde, était bien sûr le véritable protagoniste du projet de la Biennale, ce qui a engendré en amont déjà une polémique autour du fait de savoir quelles raisons pouvaient bien pousser Brillembourg et Klumpner à exposer « la misère » des occupants, et à « approuver » de la sorte la politique du gouvernement vénézuélien (qui tolère les habitants) et, à fortiori, l’activité « illégale » des squatters.
Si les deux professeurs de l’EPFZ disent bien qu’ils ne défendent aucun point de vue politique, qu’ils veulent simplement attirer l’attention sur un phénomène étonnant qui peut servir de source d’inspiration pour d’autres communautés urbaines informelles, ils ne s’attendaient probablement pas à un tel écho médiatique, d’autant plus grand que le jury de la Biennale a décidé de leur attribuer le Lion d’Or 2012 pour le meilleur projet de l’exposition Common Ground.

Un livre qui vit à travers ses photos


Le rôle que jouent Alfredo Brillembourg, Hubert Klumpner et Iwan Baan dans le projet Torre David vient maintenant d’être élucidé par la publication du livre qui constitue l’aboutissement de leur travail de recherche sur le sujet, Torre David. Informal Vertical Communities (Lars Müller Publishers, 2013). En fait, la fameuse tour et ses 3000 habitants ne leur doivent rien, si ce n’est la notoriété. Le photographe, les deux auteurs et leur équipe ont simplement documenté l’événement.
Le livre, 416 pages et 406 images, vit en grande partie à travers les saisissantes photographies d’Iwan Baan. On devient un peu voyeur devant ces intérieurs improvisés, devant les babioles sur la commode ou le poste de TV, les escaliers sans main courante, les vues vertigineuses prises depuis les étages encore inoccupés ou devant les fidèles, debout les yeux fermés dans l’« église », quatre murs peints en bleu (le pasteur, d’ailleurs, semble être celui qui dirige la tour).
Déclinés en quatre chapitres (Past, Present, Possibility et Potential), les textes racontent simplement l’histoire de la Torre David (nommée ainsi d’après David Brillembourg, l’investisseur qui a lancé la construction en 1990 et qui était un cousin lointain de l’un des deux auteurs), son abandon au moment de la crise financière de 1994, son occupation puis les efforts déployés par les habitants pour la « domestiquer » (ils ont réussi à installer des systèmes de distribution d’eau et d’électricité).
Dans les chapitres trois et quatre, les auteurs, pour qui la tour est « un laboratoire pour explorer et tester un potentiel utopique », proposent des aménagements futurs : des turbines à vent sur la façade, un système de pompage turbinage pour le stockage d’énergie et un ascenseur à contrepoids, sorte de « bus vertical » qui reste à développer. Enfin, ils voudraient profiter de ces installations techniques pour intervenir également au niveau architectural, et notamment « harmoniser la façade pour éliminer son aspect improvisé et pauvre ».
L’avenir dira si ces propositions seront utiles, mais, replacées dans le contexte de l’ingénieuse appropriation de la tour par ses habitants, elles pourraient manquer de consistance. Certes, Alfredo Brillembourg et Hubert Klumpner s’efforcent de repenser le rôle de l’architecte et d’attirer l’attention des lecteurs sur le potentiel de l’habitat informel, mais leur apport au véritable projet Torre David risque de s’arrêter là.

 

Torre David. Informal Vertical Communities

Edité par Alfredo Brillembourg et Hubert Klumpner, Urban-Think Tank, Chaire d’architecture et d’urbanisme, ETHZ
Lars Müller Publishers, Zurich, 2013, textes en anglais, € 45.-

Étiquettes

Sur ce sujet